EMMANUEL MACRON : Réflexions autour du discours du président de la République du 7 février 2020

Posté le mercredi 12 février 2020
EMMANUEL MACRON : Réflexions autour du discours du président de la République du 7 février 2020

L’intervention du Président se situe dans une double continuité : celle de ses prédécesseurs et la sienne.

 

1.    Un discours dans la continuité de ses prédécesseurs

 

La France est une puissance d’équilibre. C’est une puissance qui compte dans le monde (« une puissance moyenne à rayonnement global » - Valery Giscard d’Estaing). Appartenir au petit club des puissances nucléaires y contribue. D’abord la puissance militaire est un des facteurs de la puissance globale d’un Etat. Ensuite, la possession de l’arme nucléaire justifie en grande partie la place de la France au conseil de sécurité de l’ONU. Enfin, après le Brexit, en Europe, la France est le seul Etat européen à posséder l’arme nucléaire ce qui lui confère une place et des responsabilités particulières.

La stratégie de dissuasion française et son autonomie stratégique sont réaffirmées. Le nombre de têtes (« moins de 300 têtes ») est cohérent avec le concept de « juste suffisance ». Le nombre et la modernité de cet armement, l’autonomie de décision participent à la dissuasion (« La France ne participe pas aux mécanismes de planification nucléaire de l’Alliance et n’y participera pas plus à l’avenir »). L’arme nucléaire reste une arme de « non emploi : « Les armes nucléaires…doivent rester des instruments de dissuasion à des fins d’empêchement de la guerre ». D’où le « refus de la confrontation de puissances nucléaires non européennes » et la préoccupation quant à « la reprise d’une course aux armements conventionnels, voire nucléaires, sur le sol européen ». Enfin, l’arme nucléaire reste la clef de voute de la défense de la France : il est prévu de dépenser 37 milliards en euros courants de 2019 à 2025 pour moderniser les forces nucléaires et conserver leur crédibilité (« j’ai pris et je continuerai à prendre les décisions nécessaires au maintien de leur crédibilité opérationnelle dans la durée, au niveau de stricte suffisance requis par l’environnement international »).

 

2.    La recherche d’un dialogue stratégique avec les européens

 

« Les intérêts vitaux de la France ont désormais une dimension européenne ».

 

C’est encore la continuité avec ses prédécesseurs. Avant lui, Jacques Chirac s’y était essayé, dès 1995, en évoquant une « dissuasion concertée », suivi en 2008 par Nicolas Sarkozy avec sa proposition de « dialogue ouvert sur le rôle de la dissuasion et sa contribution à notre sécurité commune ». Lui-même, a abordé cette question à plusieurs reprises, fût-ce de façon provocante (« la mort cérébrale de l’Otan »).

Une main prudemment tendue aux Européens. « Les intérêts vitaux de la France ont désormais une dimension européenne ». La formule reste vague. Volontairement, comme par le passé, ces intérêts ne sont pas définis et il est peu probable qu’ils le soient sous peine d’affaiblir l’idée même de dissuasion. La « dimension européenne » ne signifie pas partage du bouton avec d’autres. Plutôt l’extension du parapluie nucléaire français ? C’est toute la subtilité de la grammaire du nucléaire.  

Plaidoyer pour une autonomie stratégique européenne. C’est le sens de cette proposition éminemment politique qui, au-delà cherche à promouvoir l’idée d’une conscience européenne : « La stabilité stratégique en Europe nécessite davantage que le confort d'une convergence transatlantique acquise avec les États-Unis ».

Constatant la compétition stratégique entre les Etats-Unis et la Russie et le délitement des accords internationaux sur les accords nucléaires dangereux pour l’Europe et la paix dans le monde, le Président plaide une fois de plus pour une prise de responsabilité des Européens pour assurer leur propre sécurité : « les Européens doivent collectivement prendre conscience que faute de cadre juridique, ils pourraient rapidement se trouver exposés à la reprise d'une course aux armements conventionnels, voire nucléaires, sur leur sol. Ils ne peuvent pas se cantonner à un rôle de spectateur ».

En fait cette proposition dépasse la seule dimension nucléaire de la défense. Voire même la dimension défense. Au-delà, c’est de l’émancipation de l’Europe dont il s’agit. Mais l’Europe le veut-elle vraiment ? Le peut-elle ?

 

Général (2s) Pierre ZAMMIT
Délégué de l’association de soutien à l’armée française
pour la Haute-Garonne

 

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Source : www.asafrance.fr