DISSUASION : Macron veut convaincre et rassurer les Européens

Posté le dimanche 16 février 2020
DISSUASION : Macron veut convaincre et rassurer les Européens

À la conférence de Munich sur la sécurité, le président prévoit de revenir sur son offre de « dialogue stratégique » au sein de l’Union européenne.

C’est la première fois qu’il se rend à Munich, la grande conférence internationale pour les questions de sécurité et de défense. Une nouvelle séquence de l’agenda européen d’Emmanuel Macron, qui, depuis ses propos dans le magazine The Economist sur la « mort cérébrale » de l’Otan en novembre 2019, cherche à dissiper « d’éventuels malentendus » auprès de ses partenaires. À cet égard, l’intervention qu’il fera à Munich s’inscrit dans la suite de son voyage en Pologne et dans celle du discours prononcé, la semaine dernière à l’École de guerre, sur la dissuasion nucléaire.

Après les élans européens du début de mandat, après le discours de la Sorbonne sur l’Europe, qu’Emmanuel Macron veut secouer, redynamiser et à laquelle il veut rendre son autonomie stratégique, la méthode du président français a provoqué de nombreux grincements de dents au sein de l’Union européenne.

L’Allemagne lui reproche de ne pas avoir suffisamment réformé son pays, s’agace de ses initiatives personnelles. Elle soupçonne Emmanuel Macron de promouvoir l’Europe pour servir d’abord les intérêts de la France. L’Allemagne s’inquiète aussi des libertés et des distances prises par le président français vis-à-vis de l’Otan, elle qui compte sur le parapluie militaire de l’Alliance et des États-Unis.
Pour la même raison, l’attachement à la garantie de sécurité américaine, les pays d’Europe centrale et orientale, qui craignent toujours la menace russe, ont été tétanisés par les propos du président français sur l’Alliance atlantique. Non seulement ces États ont l’impression d’être traités comme des partenaires de seconde zone, mais ils récusent aussi le modèle culturel multiethnique défendu par la France et par l’Allemagne.

Depuis, Emmanuel Macron multiplie les efforts pour réhabiliter son projet européen et retisser les liens distendus avec ses partenaires. Mettre fin aux incompréhensions, aux indélicatesses commises des deux côtés et aux tensions diplomatiques, recoller les morceaux d’une relation bilatérale abîmée : c’était le sens du voyage présidentiel en Pologne au début du mois. Il avait été précédé d’un grand discours prononcé par le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, à Prague, qui visait, lui aussi, à renouer avec les partenaires de l’ancienne Europe de l’Est. Emmanuel Macron a également reçu Viktor Orban, le premier ministre hongrois, à l’Élysée, pour un déjeuner en tête-à-tête qui a duré trois heures.

Depuis le début de l’année, le président français cherche à « lever les malentendus, clarifier les messages sur les questions de sécurité et de défense et de politique étrangère », selon une source à l’Élysée. Dans son discours à l’École de guerre, Emmanuel Macron a proposé aux Européens un « dialogue stratégique » sur le rôle de la dissuasion française. Il reviendra sur le sujet à Munich en essayant de convaincre et de rassurer.

Car le contexte a changé au cours des derniers mois. Depuis le Brexit, la France est devenue la seule puissance nucléaire du continent et sa plus grande puissance militaire. La situation internationale s’est dégradée : elle est marquée par la multiplication des crises qui menacent directement l’Union européenne au Moyen-Orient et au Sahel ainsi que par une relance de la course aux armements. Aux États-Unis, même les démocrates reconnaissent aujourd’hui - à mi-mots - que Donald Trump pourrait bien être réélu. Le président américain a manifesté à plusieurs reprises ses réticences vis-à-vis de l’Otan, qu’il a un jour qualifiée d’organisation « obsolète ». Même les Polonais, viscéralement attachés au bouclier de sécurité américain, et même les Allemands, si bien installés dans leur pacifisme, se rendent compte aujourd’hui des risques que fait peser sur leur sécurité le désintérêt américain vis-à-vis de l’Europe.

Pour Emmanuel Macron, le moment est donc propice pour réaffirmer « la souveraineté européenne », « la place de l’Europe comme puissance, une puissance d’équilibre » et « son offre de dialogue stratégique autour de la dissuasion nucléaire ». « Il y a un intérêt sur la scène internationale pour ce que la France a à offrir. Il n’est pas question d’annonces mais d’expliquer, de clarifier et de faire adhérer », selon une source à l’Élysée. Constatant que le discours de l’École de guerre sur la dissuasion nucléaire a été « bien reçu » en Allemagne et chez les autres partenaires européens, l’Élysée veut poursuivre l’explication, mais « pas de façon polémique ». Macron « a fait une offre, c’est maintenant aux partenaires intéressés de se manifester ». Le sujet, reconnaît l’Élysée, s’inscrit « dans le temps long ».

Isabelle LASSERRE
Le Figaro

Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

Source photo : Russie- niooz.fr

 

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