NUCLEAIRE : Dissuasion nucléaire et éthique

Posté le dimanche 09 février 2020
NUCLEAIRE : Dissuasion nucléaire et éthique

Nucléaire
Macron face à la question éthique

 


Le président a rejeté la « fausse alternative » entre la prohibition des armes nucléaires et la primauté du rapport de force.

Les pilotes des forces aériennes stratégiques, celles qui emportent l’arme nucléaire, se posent évidemment la question : que se passera-t-il dans leur tête si jamais leur mission unique et ultime doit être conduite pour déclencher le feu atomique ? L’un d’eux, croisé sur une base il y a quelques semaines, répondait avec sang froid : parce qu’il est aguerri et entraîné, qu’il mènera sa mission à terme pour riposter contre l’attaque subie par la France. Mais ensuite, après avoir provoqué probablement des millions de morts, il faudra prévoir beaucoup de soutien psychologique, ajoutait-il en restant sans certitude face à l’abîme.

L’arme nucléaire soulève des interrogations éthiques chez les militaires qu’ils soient pilote ou commandant de SNLE (sous-marin nucléaire lanceur d’engins) mais encore davantage chez les responsables politiques. « Quand on présente un plan de dissuasion, la première réticence à convaincre est celle du président de la République », expliquait fin octobre le chef d’état-major des armées, le général Lecointre, lors d’un discours sur le rapport des soldats à la mort. « La clé de voûte, c’est la capacité [du président] à accepter la mort » qu’il ordonnera. « La détention de l’arme nucléaire confère aux responsables politiques une responsabilité morale sans comparaison » a convenu Emmanuel Macron lors de son discours vendredi à l’École militaire sur la stratégie de défense et de dissuasion de la France. Il n’a pas évoqué son questionnement intime. Mais il n’a pas écarté le débat éthique que le pape François avait soulevé en novembre : la possession d’armes nucléaires est « immorale », avait-il déclaré au Japon.

Agenda international 

« J’estime que le choix n’est pas entre un absolu moral sans lien avec les réalités stratégiques et un retour cynique au seul rapport de force sans le droit », a expliqué le chef de l’État en rappelant l’effet paradoxalement stabilisateur et pacificateur de la dissuasion, une arme strictement « défensive », a-t-il redit.

« Un désarmement nucléaire unilatéral équivaudrait à s’exposer et à exposer ses partenaires à la violence ou au chantage ou devoir s’en remettre à d’autres pour notre sécurité », a-t-il souligné. « Un décrochage de la France, dont l’arsenal ne peut en aucun cas être comparé à celui des États-Unis ou de la Russie n’aurait pas d’effet d’entraînement sur les autres puissances », a-t-il estimé en indiquant que la France n’adhérera pas à un traité d’interdiction.

Pour autant, Emmanuel Macron a tenu à montrer que la France ne participait pas à la surenchère. Le président voudrait proposer « un agenda international de maîtrise des armements ». Le message s’inscrit dans la préparation de la conférence d’examen du traité de non-prolifération prévue cette année. Dans ce cadre, il compte proposer la discussion d’un « traité d’interdiction de production de matière fissile » et « l’universalisation du traité d’interdiction des essais nucléaires ».

Après « l’effondrement » du traité FNI (sur les forces nucléaires à portée intermédiaire), Emmanuel Macron ­insiste pour que l’Europe soit partie prenante des discussions pour « garantir une stabilité stratégique sur le ­continent ». Mais il n’a aucune certitude d’y parvenir et de réduire la menace d’un conflit.



Nicolas Barotte
Le Figaro

Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

Source : www.asafrance.fr