DISSUASION NUCLÉAIRE : Évaluation des forces aériennes stratégiques

Le récent exercice EXCALIBUR visait à démontrer la crédibilité opérationnelle de la composante aéroportée de la dissuasion.
Dans la nuit du 3 au 4 février, les équipages des Rafale B (Rafale biplace) de l'escadron de chasse 2/4 La Fayette, placés sous le commandement des forces aériennes stratégiques (FAS), sont mis en alerte sur la base de Saint-Dizier (Haute-Marne). Décollage à quatre heures du matin, pour un très long vol de près de douze heures (environ 11. 000 km parcourus) au-dessus du territoire français, effectué sans GPS afin de garder une totale autonomie.
L'exercice « Excalibur » a commencé. Un « tir d'évaluation des forces » (TEF), tel que l'armée de l'Air en conduit tous les dix-huit mois et qui vise à démontrer la crédibilité opérationnelle de la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire. Celle-ci est assurée de façon permanente depuis la première prise de patrouille opérationnelle par un Mirage IV, armé d'une bombe AN 11, le 8 octobre 1964.
Si l'ordre présidentiel devait un jour être donné, dans une situation extrême de légitime défense, les « intérêts vitaux » du pays étant menacés, rien ne devrait empêcher le missile nucléaire air-sol moyenne portée amélioré (ASMPA) - en service depuis 2010 - d'atteindre sa cible. En faire régulièrement la démonstration, indiquer à tout adversaire qu'il subirait, à coup sûr, des « dommages inacceptables », figure au cœur de la doctrine de la dissuasion nucléaire française. Une « assurance-vie » du pays, reposant à la fois sur les FAS et la FANU (force aéronavale nucléaire) pour la composante aéroportée et sur les forces océaniques stratégiques (FOST), chacune ayant des atouts spécifiques et complémentaires.
Pour assurer un vol aussi long, les Rafale engagés dans «Excalibur» ont été ravitaillés à six reprises par l'Airbus 330 Multi Role Tanker Transport (MRTT), réceptionné en octobre et toujours en phase d'expérimentation, et les vénérables Boeing C135. C'était la première fois que le couple Rafale/MRTT était engagé dans un tel exercice. À cette occasion, quasiment tout le spectre des missions de l'armée de l'Air a été mis en œuvre. Deux Rafale, dont l'un était porteur d'un vrai missile - sans sa tête nucléaire -, accompagnés par des Mirage 2000 de défense aérienne, ont d'abord été interceptés en haute altitude par quatre autres Rafale.
Une heure et demie avant le tir du missile, les avions chargés de tirer l'arme nucléaire sont descendus en basse altitude dans les environs d'Ussel (Corrèze). En suivi de terrain automatique, volant à environ 1 000 kilomètres/heure à 50 mètres du sol, ils ont « pénétré » sous l'horizon radioélectrique de cette zone de combat pour éviter de se faire détecter par la défense sol-air. C'est alors que les quatre Rafale adverses sont venus les intercepter, menaçant le raid avec leurs missiles air-air. Le combat aérien s'est engagé à très basse altitude, n'empêchant pas le tir réel du missile ASMPA effectué sur le site d'expérimentation de Biscarrosse (Landes), qui atteint sa cible avec une précision « nominale ». Au total, une vingtaine d'avions (Rafale, Mirage 2000-5, MRTT, C135, Awacs…) auront été mobilisés pour « Excalibur ». Un exercice qui témoigne du caractère structurant pour l'armée de l'Air des missions très exigeantes menées par les FAS.
Plusieurs dizaines d'autres exercices (70 au total en 2018) sont organisés chaque année pour démontrer la maîtrise de l'ensemble de la chaîne de la composante aéroportée. Les principaux ont pour noms « Banco » et « Poker », mettant en œuvre soit des armes, soit des maquettes.
Le 17 janvier, deux Rafale biplace des FAS ont réalisé un raid record de 10 000 kilomètres entre La Réunion et la Métropole, démontrant là encore les capacités de projection à longue distance de l'armée.
Selon un principe de dualité, les moyens des FAS ne sont pas dédiés uniquement au maintien de la « posture » de dissuasion mais couvrent l'ensemble des missions qui incombent à l'armée de l'Air : posture permanente de sûreté aérienne, police du ciel, opérations extérieures (Opex) comme au Levant…
Le 14 avril 2018, lors de l'opération «Hamilton» en Syrie, menée conjointement avec les Américains et les Britanniques, en représailles aux attaques chimiques perpétrées par le régime de Bachar el-Assad, trois des cinq avions français engagés avec leurs missiles de croisière appartenaient aux FAS. Une mission « conventionnelle », certes, mais impliquant trois puissances nucléaires, contre un pays soutenu par une autre puissance nucléaire, la Russie…
Cette multiplication des missions, nucléaires et conventionnelles, met les FAS sous forte contrainte capacitaire. Sur la cinquantaine de Rafale B dont disposent les FAS, la moitié du parc disponible est consacrée aux Opex, l'autre moitié servant à la tenue d'alertes et à l'entraînement.
Du côté des FAS, on pointe donc l'enjeu, pour les années à venir, d'un nombre d'avions suffisant pour conserver des marges de manœuvre et assurer le maintien de compétences qui « tirent vers le haut » l'armée de l'Air.
Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr