DJIBOUTI : Une diplomatie de géant

Posté le samedi 29 février 2020
DJIBOUTI :  Une diplomatie de géant

Djibouti : la diplomatie de géant d’un petit État
Sonia Le Gouriellec
(Presses Universitaires du Septentrion, 230 pages, 20 €)




L’auteur aborde la puissance des États de petite taille et leur capacité à exploiter leur positionnement géographique malgré leur taille. Être un « petit État » ne signifie pas forcément être vulnérable sur la scène internationale comme en témoignent Dubaï, Djibouti, Singapour...

Dubaï, Singapour, le Vatican et Djibouti… Qu’ont-ils en commun, outre leur taille ?

Ces États sont perçus comme plus faibles et vulnérables sur la scène internationale, il est donc intéressant de s’intéresser à leur « comportement » sur cette scène. Une tradition de pensée classique en Relations internationales estime que ces États n’ont pas de puissance et sont négligeables. Or ils sont les plus nombreux et tendent à s’allier ce qui compense la vulnérabilité inhérente à leur petitesse. Le comportement de l’Etat djiboutien rappelle celui de nombreux petits États (création d’alliances, promotion du multilatéralisme, posture de neutralité au moins dans les discours, etc.), il se singularise aussi par une volonté d’affirmation qu’illustre son activisme diplomatique ainsi que la multiplication des garanties sécuritaires recherchées au niveau systémique par la présence de cinq bases militaires sur son territoire par exemple (France, Etats-Unis, Chine, Japon, Italie).

 

Djibouti, lui, a une « diplomatie de géant ». Comment réussit-il à être si présent ? Et dans quel but ?

Ce titre vient d’un constat : Des travaux menés en 2002 ont montré que le nombre moyen de représentations des petits États était de sept mais 60 % des petits États étudiés en ont moins. À l’époque, Djibouti était déjà au-dessus de la moyenne avec 11 représentations. En 2017, Djibouti comptait environ 45 représentations diplomatiques à l’étranger. C’est une caractéristique assez exceptionnelle pour un petit État. Dans le livre je montre que cette politique étrangère est au service d’un pouvoir concentré. En effet, les principales ressources de Djibouti sont les revenus des ports et les rentes des bases militaires. Le régime vend à ses partenaires une certaine stabilité. Ce discours sur l’ordre et la stabilité dans une région conflictuelle lui permet également de faire diminuer la pression de démocratisation des États occidentaux et des institutions internationales. Le comportement de l’Etat djiboutien semble aussi trouver ses racines dans un environnement régional singulier, particulièrement conflictuel et menaçant, qui le pousse à s’adapter sans cesse. Et cette perception persistante, à tort ou à raison parfois, que sa souveraineté est menacée, et ce depuis son indépendance : par ses voisins éthiopiens et somaliens au début, puis par l’Erythrée, par l’ancienne puissance coloniale un temps et aujourd’hui par la Chine.

 

On a souvent tendance à ne voir Djibouti que comme une base arrière de grandes puissances. Chinois, Américains et Français brouillent-ils la perception que l’on devrait avoir de Djibouti ? 

En partie, oui. Je remarque qu’on a une approche partielle de ce territoire. De façon curieuse alors que Djibouti est très présent dans l’imaginaire collectif français, il existe peu de travaux sur le pays, particulièrement en science politique et encore moins dans le domaine qui a trait aux Relations internationales. Les visiteurs qui en repartent ont une excellente connaissance des forces françaises et étrangères à Djibouti mais ils n’ont pas fait réellement connaissance avec Djibouti et ses populations. Cela contribue à la « légende coloniale de la terre vide, chère à Loti, Romain Gary ou Paul Nizan. Djibouti est pourtant un territoire qui regorge de passionnants objets d’études. Pour s’en convaincre, il convient de voir ce que Djibouti voudrait bien nous cacher, et pas uniquement ce que son régime veut bien exposer aux observateurs extérieurs.

 

Vous parlez de « la mélancolie » des militaires pour Djibouti. Et pourtant, c’est un endroit rugueux, exigeant, inhospitalier… Pourquoi cette forme de romantisme ?

Oui, j’ai eu de nombreux entretiens avec des militaires français sur place ou ayant séjourné à Djibouti et j’ai remarqué ce sentiment mélancolique, teinté de nostalgie pour ce petit territoire africain. De nombreuses hypothèses sont possibles : un sentiment de sécurité sur place, un sentiment anti-français peu développé par les populations locales (en tout cas en comparaison avec d’autres pays du continent), etc. Je ne saurais expliquer pourquoi. Ils sont nombreux à lire votre blog et peut être pourront-ils nous donner quelques pistes d’explications dans les commentaires…

 

Propos de Sonia Le GOURIELLEC
recueillis par Philippe CHAPLEAU
Lignes de Défense

Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

Source : www.asafrance.fr