ECOLOGIE : Sans énergie nucléaire, la transition sera impossible

Posté le mercredi 14 octobre 2020
ECOLOGIE : Sans énergie nucléaire, la transition sera impossible

Fatih Birol, le Directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie, et Rafael Mariano Grossi, le Directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique, ont publié à la fin de la semaine dernière une tribune commune sur CNN. Une initiative sans précédent. Ils affirment que l’énergie nucléaire est indispensable à la transition énergétique et que la négliger ou l’abandonner seraient des erreurs majeures. On pourrait croire que ce texte est directement adressé au gouvernement français, incapable de prendre des décisions et de définir une stratégie dans le domaine nucléaire.

 

L’initiative est sans précédent. Deux autorités du monde de l’énergie, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), ont publié une tribune commune sur CNN pour appeler les gouvernements a ne surtout pas négliger et encore moins renoncer à l’électricité nucléaire. Un message qui semble être adressé presque directement au gouvernement français qui a tant de mal à prendre des décisions engageant l’avenir dans le domaine nucléaire. L’AIE et l’AIEA affirment qu’il est indispensable de «préserver» et «renouveler» les centrales existantes et aussi d’«innover» dans le nucléaire.

Deuxième source mondiale d’électricité bas carbone après l’hydraulique

L’argument principal développé par Fatih Birol, le Directeur exécutif de l’AIE, et Rafael Mariano Grossi, le Directeur général de l’AIEA, est le suivant. «La forte croissance dans l’énergie solaire et éolienne et dans l’utilisation des voitures électriques nous donne des arguments pour espérer, tout comme les promesses de technologies émergentes comme l’hydrogène et la capture du carbone. Mais l’échelle du défi signifie que nous n’avons pas les moyens d’exclure toutes les technologies disponibles, y compris l’énergie nucléaire. C’est la deuxième source mondiale d’électricité bas carbone après l’hydraulique».

La production «propre» d’électricité et l’électrification des usages sont les clés de la transition énergétique. La production d’électricité dans le monde est aujourd’hui la principale source d’émissions de gaz à effet de serre. Elle provient essentiellement de la combustion d’énergies fossiles (charbon, gaz naturel, fioul) dans les centrales thermiques. Par ailleurs, la stratégie de la transition ne peut passer que par l’électrification, notamment des transports, du chauffage et des activités industrielles. A condition que cette électricité soit bas carbone.

Tripler la production d’électricité bas carbone d’ici 2040

Mais il faut bien se rendre compte de l’échelle et de l’ampleur des transformations et des investissements à réaliser. Pour atteindre les objectifs climatiques, il faut que la production d’électricité bas carbone dans le monde triple d’ici 2040. Comme l’expliquent Fatih Birol et Rafael Mariano Grossi: «cela revient à ajouter l’ensemble du système électrique du Japon au réseau mondial chaque année. Il est très difficile de voir comment cela peut se faire sans une contribution majeure de l’électricité nucléaire».

L’énergie nucléaire a généré un niveau presque record d’électricité en 2019, seulement inférieur à celui atteint en 2006. Mais l’industrie nucléaire est pourtant en crise. Elle risque de décliner au plus mauvais moment en l’absence d’investissements dans de nouveaux réacteurs et de nouvelles centrales et pour augmenter la durée de vie de ceux qui existent.

Aujourd’hui, les centrales nucléaires produisent 10% de l’électricité dans le monde et environ un tiers de l’électricité bas carbone. «Le flux constant d’électricité qu’elles produisent est essentiel pour assure un approvisionnement énergétique fiable dans de nombreux pays. Cela est devenu clair lors des récents confinements, quand le nucléaire et les renouvelables étaient les sources de production d’électricité les plus résilientes», écrivent Fatih Birol et Rafael Mariano Grossi. On peut ajouter que par rapport aux renouvelables, le nucléaire présente aussi le considérable avantage de ne pas être une source de production intermittente et aléatoire. Elle ne dépend pas du vent, du soleil et de la quantité d’eau qu’on peut stocker dans les barrages.

Remplacer le nucléaire… par des énergies fossiles à cause de l’intermittence des renouvelables

L’AIE et l’AIEA mettent en garde l’Europe et les Etats-Unis contre un abandon problématique du nucléaire au moment même où la Chine, l’Inde et même les Emirats arabes unis accélèrent les investissements dans cette source d’énergie. La Chine est ainsi en passe de devenir le numéro un mondial de l’énergie nucléaire (voir la photographie ci-dessus des centrales EPR de Taishan 1 et Taishan 2).

«Des projets nucléaires en Europe et en Amérique du nord, où 20% de l’électricité provient du nucléaire, ont été handicapés par des difficultés financières ou de gestion. Mais la Chine, l’Inde et les Emirats arabes unis sont parmi les pays qui ont lancé avec succès des programmes nouveaux. Dans certains pays, des centrales nucléaires qui auraient pu fonctionner encore pendant des années ont été arrêtées à cause de décisions politiques des gouvernements ou de conditions de marché défavorables. Et dans beaucoup de ces cas, des carburants fossiles ont remplacé une part importante du manque de production électrique, augmentant le défi pour baisser les émissions auquel nous faisons face aujourd’hui».

L’AIE et l’AIEA font trois recommandations aux gouvernements des pays ayant des centrales nucléaires: «Préserver», «Renouveler» et «Innover». 

«Préserver»

Les parcs de centrales des pays qui ont été les premiers à faire le choix de l’énergie nucléaire, dont la France, vieillissent. «Mais la durée de vie de la plupart des réacteurs peut être étendue à 60 ans en sécurité et avec des coûts acceptables. Faire cela procurera un temps précieux pour permettre de développer à grande échelle des nouveaux projets de production d’électricité bas carbone. Mais malheureusement, il n’y aucune garantie que ces prolongements de durée de vie se feront. Car dans de nombreux pays, les législations n’accordent pas de prix à la valeur des technologies énergétiques propres, y compris le nucléaire, et au fait qu’elles apportent la sécurité électrique et une production bas carbone».

«Renouveler»

Même avec une extension de durée de vie des centrales existantes, il faudra en construire de nouvelles, ne serait-ce que pour maintenir les niveaux de production électriques. «Les modèles les plus récents ont des caractéristiques opérationnelles et de sécurité supérieures, mais ils nécessitent des investissements de départ importants qui mettent des années à porter leurs fruits. Les gouvernements doivent soutenir de manière proactive le financement de ces coûts initiaux élevés par des contrats à long terme, des garanties de capital et même des investissements directs».

«Innover»

 Enfin, l’AIE et l’AIEA soulignent la nécessité de soutenir l’innovation dans l’énergie nucléaire et plus particulièrement les technologies prometteuses des petits réacteurs modulaires, moins coûteux et plus sûrs que les grands équipements. Ils mettent en avant le fait que le secteur privé est très intéressé par ces technologies. Les Etats-Unis et la Chine sont en pointe dans ce domaine, mais la France a fait l’impasse. Fatih Birol et Rafael Mariano Grossi ajoutent que les petits réacteurs peuvent apporter des solutions à la transition énergétique pour produire, par exemple, de l’hydrogène bas carbone pour la sidérurgie ou pour le transport maritime.

En conclusion, la tribune insiste sur le fait que l’opportunité d’investir dans le nucléaire avec des taux d’intérêts très bas ne doit pas être ratée.

«L’électricité nucléaire a un rôle très clair à jouer dans la réduction des émissions mondiales. Les défis concernant la sécurité et la gestion des déchets sont un obstacle à l’acceptation de cette énergie par l’opinion publique dans certains pays. Mais le monde a des institutions qui fonctionnent bien et des technologies pour régler ces problèmes. Compte tenu de l’échelle et de l’urgence du défi climatique, nous n’avons pas le luxe d’exclure le nucléaire des outils dont nous disposons».

Source : https://www.transitionsenergies.com


Rediffusé sur le site de l'ASAF :www.asafrance.fr
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