ESPACE : Spatial militaire et autonomie stratégique

Posté le jeudi 27 décembre 2018
ESPACE : Spatial militaire et autonomie stratégique

A l'occasion du lancement du satellite d'observation français CSO-1, la ministre des Armées a rappelé tout l'importance stratégique du spatial militaire pour les armées. Un nouveau discours audacieux qui oblige Florence Parly à décliner cette ambition sur le plan budgétaire et capacitaire.

A quelques jours de Noël, le lancement du satellite d'observation CSO (Composante spatiale optique), a permis le 19 décembre à la ministre des Armées Florence Parly d'insister à nouveau sur l'importance stratégique du spatial dans la gestion et l'exécution des opérations des armées. « Aujourd'hui, plus que jamais, notre défense passe par l'espace », avait-elle à nouveau martelé lors de son discours prononcé à l'Ecole militaire. Et de rappeler toute l'importance du spatial lors de l'opération internationale Hamilton (Etats-Unis, Grande-Bretagne et France), qui a permis de détruire des sites de production et de stockage des armes chimiques du régime syrien.

« Quand le régime syrien a décidé de franchir les limites de l'humanité et de gazer son propre peuple, il nous fallait réagir », a rappelé la ministre. « Si nous avons pu le faire vite, précisément : c'est grâce à l'espace. Grâce à Hélios et Pléiades, nous avons pu collecter des renseignements, détecter les lieux stratégiques de production et de stockage des armes chimiques du régime. Avec le GPS et demain Galileo, nous avons pu positionner et guider nos chasseurs. Grâce à Syracuse, nous avons pu communiquer en permanence pendant l'opération ».

Pour le ministère des Armées, le lancement du premier satellite CSO est « un premier pas », a précisé la ministre. Car la loi de programmation militaire 2019-2025 prévoit le renouvellement complet des capacités spatiales militaires françaises. En 2020 et 2021 seront tirés les deux autres satellites qui compléteront cette composante. Ce qui placera  la France « définitivement à la pointe de l'observation spatiale », a fait valoir la ministre. En 2020, la France lancera également trois satellites d'écoute électromagnétique CERES. « C'est une capacité nouvelle pour détecter les centres de commandement et les flottes ennemies », a précisé Florence Parly.

D'ici à 2022, les deux premiers satellites de télécommunication Syracuse 4 seront en outre lancés. Enfin, la ministre a décidé qu'un troisième serait commandé en 2023. A l'exception du troisième satellite Syracuse 4, la ministre a pris le train en marche pour le renouvellement des capacités spatiales françaises.

Est-ce suffisant?

« Est-ce encore suffisant ? Je ne crois pas », a réaffirmé Florence Parly, qui a assure que la France a « aujourd'hui, plus que jamais, besoin d'une stratégie spatiale de défense ». Le président de la République partage cette préoccupation et a chargé la ministre de lui proposer une stratégie spatiale ambitieuse pour le ministère des Armées. Pourquoi ? « Le ciel est devenu un espace de rivalité, de confrontation. Les actes inamicaux s'y multiplient, l'espionnage peut s'y faire, de nouveaux acteurs y ont accès tandis que sur le sol, les puissances développent des capacités antisatellites ». Après celui de septembre au CNES à Toulouse, ce nouveau discours audacieux oblige la ministre à décliner cette ambition pour une nouvelle politique spatiale sur le plan budgétaire et capacitaire.

« Il nous faut surveiller plus et mieux nos satellites, a-t-elle expliqué. Il nous faut connaître parfaitement les objets qui les entourent, qui croisent leurs trajectoires. Il nous faut une cartographie parfaite du ciel. Il nous faut décourager quiconque voudrait s'attaquer à nos satellites ».

Un groupe de travail s'est donc mobilisé pour y réfléchir à cette stratégie. Ce travail a notamment permis de creuser les menaces et d'identifier les capacités pour y répondre aussi bien sur les segments sol et spatial mais aussi sur les liaisons de données entre le sol et l'espace, et dans la partie logicielle. Ces segments peuvent faire l'objet de menaces plus ou moins graves, qui va de l'espionnage et au déni de services (brouillage) jusqu'à la neutralisation du satellite (impact cinétique ou désorbitation forcée). Ainsi, le ministère a mis des priorités sur les menaces, à la fois les plus graves et les plus probables. En tout cas, selon Florence Parly, « toutes les options sont sur la table » pour que le ministère soit à « la hauteur des enjeux et des menaces » dans le domaine spatial.

« Faudra-t-il aller encore plus loin ? Toutes les options sont sur la table. Mais aujourd'hui, pour une protection parfaite, nous avons besoin d'une autonomie stratégique parfaite », a expliqué Florence Parly. « Cette autonomie stratégique, nous devons la consolider, la garantir, l'étendre. Je parlais à l'instant de systèmes de surveillance, bâtissons avec nos alliés les plus proches, européens ».

L'autonomie stratégique passe par les lanceurs

Pour la ministre, l'autonomie stratégique passe par les lanceurs même si la ministre s'est félicitée du lancement de CSO-1 par le lanceur Soyuz « en coopération et en confiance avec la Russie ». Mais alors que le New Space change le modèle économique des lanceurs, « la France et l'Europe ont besoin d'un accès libre et autonome à l'espace », a rappelé Florence Parly, qui a affirmé que « ce n'est pas une lubie, c'est une nécessité ». Pour la ministre, la future solution reste Ariane 6 même si tous les doutes ne sont pas levés, notamment en termes de prix. Pour Florence Parly, « Ariane 6 est porteur d'espoir pour notre souveraineté et l'accès indépendant de l'Europe à l'espace ». Le premier lancement s'effectuera mi-2020. La ministre a d'ailleurs annoncé que le troisième et dernier satellite CSO sera mis en orbite avec une Ariane 6.

« La solution, nous l'avons à portée de main. Ariane 6 est le chemin vers cette autonomie d'accès au ciel. J'en suis convaincue et je serai à chaque instant l'avocate acharnée d'Ariane 6 ».

La ministre des Armées a appelé les pays européens à jouer le jeu « collectivement » au profit d'Ariane 6. Certains concurrents cherchent à attirer les Européens en leur proposant des prix faibles, très faibles parce qu'ils font payer leurs propres institutions au prix fort, très fort, a expliqué Florence Parly. Ne soyons pas complices de ce petit jeu, pas très loyal, qui vise en réalité à nous faire perdre notre autonomie d'accès à l'espace ». Elle a donc appelé à un « Buy European Act en termes de lanceurs » qui est, selon elle, « une première étape déterminante ». Cet investissement pour les lanceurs offre aux pays européens « non seulement l'autonomie stratégique dont l'Europe et la France ont besoin, mais aussi une vitalité économique, une force remarquable à l'export, des bassins d'emplois et de savoir-faire, une attractivité pour tous les talents ».

 

Michel CABIROL
La Tribune 

 

Avis de l’ASAF

1- L’autonomie stratégique pronée par la ministre des Armées est à la fois indispensable pour garantir notre liberté d’appréciation et de décision mais aussi très exigeante sur le plan financier.
Rappelons que chaque Français dépense 2 fois moins que chaque Américain pour sa Défense !

2- Pour renforcer notre autonomie aujourd’hui, il est donc au minimum indispensable que :

  • les lois de finances soient respectées et qu’aucune économie ne soit réalisée sur les crédits prévus comme ce fut le cas en 2018 ;
  • les ressources budgétaires annoncées pour la LPM 2019-2025 soient effectivement attribuées annuellement et qu’aucune somme ne soit détournée de son objectif initial.
    Par exemple : veiller à ce qu’aucune somme ne soit prélevée pour assurer le financement des mesures destinées aux gilets jaunes, ou pour financer le Service national universel.
  • les Européens, en particulier Allemands, ne cherchent à développer leurs propres capacités nationales, en l’occurrence d’observation optique, alors que dans le cadre de la coopération, leur priorité est le développement des capacités du satellite radar SAR- Lupe.

Refiffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

Source : www.asafrance.fr