ETAT-MAJOR DES ARMEES. Les défis du général BURKHARD, à la tête des armées

Posté le mardi 15 juin 2021
ETAT-MAJOR DES ARMEES. Les défis du général BURKHARD, à la tête des armées

Le nouveau chef d’état-major des armées devra préparer les forces au risque de conflit de haute intensité.

Le choix n’a pas été difficile. Le général Burkhard fait l’unanimité autour de lui, de la base au sommet. Le chef d’état-major de l’armée de terre vient de franchir la dernière marche d’une carrière sans faille. Dimanche, deux ans à peine après son entrée en fonction, il a été nommé chef d’état-major des armées, en remplacement du général Lecointre, par le président de la République, Emmanuel Macron. L’actuel Cema quittera ses fonctions, à sa demande, après le 14 juillet. « Le choix était fait depuis plusieurs mois », explique-t-on au sein du ministère des Armées, depuis le printemps environ. Le passage de témoin entre les deux hommes se fera sans heurts.

Une image surgit pour décrire le nouveau Cema : cette pose qu’il affectionne lorsqu’il s’adresse à ses subordonnés, les mains sur les hanches, les pieds écartés, fermement ancrés dans le sol. Le général Burkhard parle un langage franc et à hauteur d’hommes. Il apprécie la tournée des régiments. « L’armée de Terre, c’est un concentré de la France », dit-il avec affection. Son verbe paraît simple, servi par une voix grave où s’entend encore l’écho d’un accent. Thierry Burkhard est né dans le Territoire de Belfort en 1964.

Son discours est ciselé. Thierry Burkhard est rodé au commandement, aux opérations comme à la communication. Tout au long de sa carrière commencée au moment de la chute du mur de Berlin, l’officier a servi en Irak, en ex-Yougoslavie, au Tchad, au Gabon et en Côte d’Ivoire. À cette époque, il n’était question ni de guerre contre le terrorisme, ni de haute intensité. Avant de prendre le commandement de la prestigieuse 13e DBLE, en 2008, Thierry Burkhard a été envoyé en mission en Côte d’Ivoire et en Afghanistan. Durant la deuxième partie de son parcours, il enchaîne les fonctions au sein de l’état-major. Il est porte-parole. Il finira par être nommé en 2017 commandant du Centre de planification et de conduite des opérations, le centre névralgique des opérations militaires. Le nouveau Cema est un opérationnel et un communicant dans l’âme.


Un effort budgétaire  

« Être chef dans l’armée de terre est avant tout une question d’état d’esprit », expliquait-il dans le dernier numéro de Cols-bleus, la revue de la Marine, lors d’un entretien croisé avec le chef d’état-major de la Marine, l’amiral Vandier. Les deux hommes y abordaient la question du commandement à tous les niveaux. « Nos chefs doivent comprendre tout ce que recouvre la singularité militaire. Je pense en particulier au rapport au temps », poursuivait-il. « À une époque où les loisirs deviennent un bien précieux de notre société, nos chefs doivent rappeler que l’on ne gagne pas des guerres difficiles en comptant son temps. Il faut savoir s’entraîner la nuit, faire des exercices de longue durée sur le terrain. Mais pour faire adhérer nos hommes, les sujétions du métier militaire doivent être intelligemment compensées. Le bon chef n’est pas seulement un parfait technicien ou tacticien. Il est celui qui porte une attention de tous les instants à ses soldats et à leur famille », disait-il.

Le nom de son successeur à la tête de l’armée de terre n’est pas encore connu. Les généraux Schill, Durieux ou Belot des Minières sont sur les rangs.

Après les années du général Lecointre, marquées par la « remontée en puissance » et un effort budgétaire conséquent, les armées doivent se préparer à un nouveau cap avec le général Burkhard. « Un nouveau cycle de conflictualité va s’ouvrir, plus violent », confiait-il, il y a quelques mois, en présentant les « capacités de l’armée de Terre ». Le propos n’a rien d’original. L’état-major réfléchit depuis plusieurs années au risque de conflits de « haute intensité », c’est-à-dire opposant la France à une puissance équivalente. Mais depuis la revue stratégique de 2017, qui soulignait les menaces, le temps s’est accéléré. L’année dernière, le général Burkhard en avait pris acte en présentant sa « vision stratégique ». L’exercice avait déjà des airs de tour de chauffe avant la prise de nouvelles fonctions… L’armée de terre « doit changer d’échelle », disait-il. La description des menaces semble imposer un effort encore plus important en faveur de la défense… Le général Burkhard est prudent et connaît les limites de l’exercice. « Je pourrais faire une liste de choses que nous pourrions avoir en plus grand nombre. Mais nous sommes tout de même bien équipés », relativisait-il. Le général Burkhard garde cependant un œil vigilant sur les programmes de modernisation en cours. Tout retard se paiera cher le moment venu.

Le général Burkhard se prépare à des guerres nouvelles. « Nous devons nous préparer à être dans l’inconfort opérationnel », prévenait le chef d’état-major de l’armée de Terre. « Il faudra réapprendre à manœuvrer en terrain hostile. Il faudra inculquer une résistance aux actions d’influence de l’adversaire », disait-il en déclinant les quatre axes de son projet :
- évolution doctrinale,
- renforcement capacité,
- durcissement de l’entraînement et
- simplification administrative. Menacée par « l’excès de normes », l’armée doit « retrouver du temps disponible ». Sourire en coin, il ne se faisait pas d’illusion sur le chantier qui se révélerait le plus difficile à mener…

À court terme, le nouveau chef d’état-major des armées va devoir gérer la fin de l’opération Barkhane et la transformation de l’intervention militaire française au Sahel. L’annonce est ambivalente pour les armées. Si la guerre contre le terrorisme « épuise » les forces depuis plus de huit ans, elle offre aussi un terrain d’aguerrissement incomparable. À la fin de l’année, l’armée de terre doit y projeter ses premiers véhicules Griffon et tester en grandeur nature le combat « Scorpion », le programme de modernisation de l’armée de Terre. Parallèlement, la fermeture programmée de certaines emprises au Mali s’annonce d’ores et déjà complexe. « On ne réalise pas un transport de troupes sans risques », note-t-on au ministère des Armées.

Les forces françaises continueront d’être engagées sur d’autres théâtres d’opération : au Levant, dans le cadre de l’opération Chammal, en Méditerranée orientale, dans le détroit d’Ormuz, sur le territoire national avec l’opération Sentinelle… Comme tous les officiers, le général Burkhard sait que les armées sont déjà au maximum de leurs capacités.


Nicolas BAROTTE
Le Figaro
15 juin 2021

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Source : www.asafrance.fr