MAYOTTE : Une situation catastrophique

Posté le jeudi 28 octobre 2021
MAYOTTE : Une situation catastrophique

Des clandestins toujours plus nombreux, une démographie incontrôlée, des institutions submergées… Une mission sénatoriale alerte sur la violence qui explose et la crise qui frappe le département français.

Soixante pages de constat accablant, émaillées de seize propositions. La commission des lois du Sénat, présidée par le sénateur LR du Rhône François-Noël Buffet, examinait ce mercredi le rapport de la mission d’information qu’elle a constituée sur la sécurité à Mayotte, devenu département français sous la présidence de Nicolas Sarkozy, le 31 mars 2011.
Le Figaro a décortiqué ce ­document, qui contient notamment une révélation de taille : la loi Collomb de 2018 pour une immigration maîtrisée ne dissuade pas les illégaux d’aller faire naître des enfants sur ce territoire pour que ceux-ci obtiennent la nationalité française et, plus tard, par ricochet, leurs parents. Cette réforme était pourtant l’une des clés censées faire sortir la lointaine île du piège migratoire dans lequel il se trouve enfermé, au point d’être devenu l’une des principales portes de l’immigration illégale en France. Mayotte serait-elle le miroir de ce qui menace dans certains quartiers de métropole ?

Rien n’arrête l’immigration clandestine

Le PIB par habitant à Mayotte (9 855 euros) demeure 8,5 fois supérieur à celui des Comores voisines (1 142 euros). Selon les sénateurs, la préfecture de Mayotte reconnaît qu’une « nette hausse des arrivées est constatée à Mayotte depuis août 2020 ». Les traversées en « kwassas » (ces barques de ­pêche traditionnelles employées par les passeurs) ont augmenté de 30 %. Il a été procédé de janvier à août 2021 à 16 027 éloignements (soit une moyenne de 2 000 expulsions par mois, contre 2 300 environ en 2019, année hors Covid).

En clair : les éloignements ont baissé, alors que l’immigration ­illégale augmente, mais l’activité des services chargés de l’éloignement ne s’est pas effondrée comme cela a été le cas en métropole, du fait de la crise sanitaire.

Un habitant sur deux est étranger

Selon l’Insee, l’île compterait ­désormais 48 % d’étrangers, soit 123 000 personnes, sur un total officiel de 256 000 habitants (un dernier pointage en 2020 fait état 279 500 habitants). Parmi ces étrangers, la moitié, soit plus de 60 000, seraient des illégaux. Les sénateurs insistent sur la difficulté à recenser les individus à Mayotte et considèrent donc ces valeurs comme des minima. Le nombre de mineurs nés à Mayotte de parents étrangers s’établirait, quant à lui, à environ 40 000. La mission évoque aussi 4 500 mineurs non accompagnés que les structures peinent à prendre en charge, vu le coût social d’un tel contingent. Selon les sénateurs, les femmes étrangères, principalement des Comoriennes, sont à l’origine de « trois quarts » des naissances dans l’île. Avec un taux de fécondité de « 6 enfants par femme en 2017 contre 3,5 pour les femmes natives de Mayotte ».

Les déséquilibres se creusent

La densité de la population mahoraise se renforce inexorablement, à mesure que croissent les bidonvilles. « Avec 690 habitants au km2, Mayotte n’est devancée que par Paris et cinq autres départements d’Île-de-France », assure la mission du Sénat. Se référant à l’Insee, elle ajoute : « La moitié de la population a moins de 18 ans, et trois Mahorais sur dix ont moins de 10 ans. » Elle décrit le contexte ­démographique comme « l’enjeu majeur » dans ce « département français qui dégage le moins de richesse », avec un taux de chômage record de 30,1 % en 2019. Dix points au-dessus de La Réunion, de la Guadeloupe ou de la Guyane.

L’Éducation nationale submergée par la natalité

« Multipliés par 10 en trente ans, les effectifs d’élèves sont en constante progression », avec près de 97 000 enfants inscrits dans les établissements du premier et du second degré. Les ouvertures de classes ne suffisent pas. Et la mission met en garde : « La pratique des “rotations”, qui consiste à diviser les classes du premier degré en deux et à segmenter leur accueil sur une ­demi-journée pour en doubler la ­capacité, ne saurait constituer une solution viable dans le long terme. » Pour les sénateurs, il devient ­urgent de « favoriser le développement économique ». Car « plusieurs interlocuteurs de la mission sur ­place ont souligné le risque de créer au sein de la jeunesse mahoraise une “génération de frustrés”, y compris parmi les mineurs en situation irrégulière présents ». La mission poursuit, s’agissant des mineurs clandestins : « Ne pouvant être ­éloignés, ils bénéficient d’un enseignement au sein du système éducatif français qui ne se traduit néanmoins que rarement par de réelles opportunités économiques à leur majorité. »

Une délinquance juvénile extrêmement préoccupante

Déjà, « le niveau de délinquance ne permet pas aux habitants de l’île de mener une vie normale », confirme aux rapporteurs le patron local de la police nationale. Selon eux, « la délinquance est, à Mayotte, sous-estimée ». Pour les seuls faits qui remontent aux autorités, l’évolution des violences pulvérise tous les records : « le nombre annuel de coups et blessures volontaires sur personnes de 15 ans ou plus est passé de 594 en 2008 à 1 506 en 2019, soit une hausse de 153,5 % » ; « dans le même temps, le nombre de violences sexuelles est passé de 98 à 236, soit une hausse de 175,5 %, et celui de vols violents a crû de 263,8 %, pour atteindre 1 049 faits en 2019 ». Le taux d’homicides par habitant est « cinq fois supérieur au taux ayant cours en France métropolitaine », celui des agressions de rue est de plus du double de celui constaté dans l’Hexagone et le taux de vols violents est quatre fois supérieur. Une délinquance « avant tout juvénile », à l’origine de faits « particulièrement brutaux », soulignent les sénateurs. « Cette statistique est d’autant plus préoccupante qu’elle ne laisse pas présager d’amélioration », tranchent-ils. La hausse pour les sept premiers mois de l’année est de « +31 % ».

La Justice confrontée à une pénurie de moyens

Selon le procureur local, « le faible niveau de plaintes » et les difficultés à trouver une adresse où envoyer les actes de procédures « rendent les poursuites difficiles à conduire jusqu’à leur terme ». « La délinquance n’est donc traitée que sur le haut du spectre », déclare-t-il. Traduction : la Justice ne peut s’investir que dans les affaires graves, en se concentrant sur les flagrants délits. Elle se montre sous un jour plus sévère : entre le premier semestre de 2019 et celui de 2021, les condamnations prononcées ont crû de 15,7
 %. Encore faut-il que ces peines soient toutes exécutées. La surpopulation carcérale du centre pénitentiaire insulaire se traduit par un taux d’occupation (au 8 septembre dernier) de 153 %. Et même 238 % s’agissant des détenus sous le régime de la maison d’arrêt (prévenus en attente de procès et courtes peines).

Manque d’attractivité et fuite des forces vives

La mission du Sénat le déplore : « La permanence d’un tel niveau d’insécurité diminue ainsi l’attractivité du territoire pour les agents de la fonction publique venus de l’Hexagone. » Dans l’Éducation nationale, « le rectorat dénombrait, en 2018, 41 % de demandes de départ parmi les enseignants titulaires. Afin de pallier le roulement des équipes qui en résulte, 35,9 % des enseignants au lycée à Mayotte étaient donc contractuels contre 6 % en France métropolitaine à la même date. » Or, toutes les administrations, même la police, pâtissent de difficultés semblables. Par ailleurs, « ce niveau élevé de violence obère l’attractivité et l’activité économiques du territoire ». Les sénateurs le disent : « La quasi-impossibilité de circuler sans rencontrer d’interminables blocages dans le trafic automobile aux environs de Mamoudzou, en raison des coupeurs de routes et des caillassages, pose des difficultés logistiques concrètes aux entreprises du territoire. » Cette situation explique, selon eux, « le sentiment de “ras-le-bol” des Mahorais, qui s’est en particulier exprimé lors des grèves de 2018 et nourrit les flux migratoires de ceux-ci à destination de La Réunion ou de l’Hexagone ».

Triste état des lieux et surtout sombres perspectives.



Auteur : Jean-Marc LECLERC
Source : Le Figaro
Date : 28 octobre 2021

 

Source photo : Google Maps


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Source : www.asafrance.fr