GENDARMERIE NATIONALE : Dans le nouveau QG des cybergendarmes.

Posté le lundi 25 janvier 2016
GENDARMERIE NATIONALE : Dans le nouveau QG des cybergendarmes.

Installé depuis mai 2015 à Cergy-Pontoise, le pôle judiciaire de la gendarmerie nationale réunit des équipes dédiées au numérique. Petite visite.

 

Situé à Cergy-Pontoise sur plus de 27 000 mètres carrés, le pôle judiciaire de la gendarmerie nationale compte plusieurs entités de « cyberenquêteurs » Le képi n'a pas changé, mais les méthodes d'investigation de la « maréchaussée » sont en plein bouleversement. Depuis dix ans, la gendarmerie nationale investit massivement le champ numérique. Hier installées au fort de Rosny, ses équipes dédiées au monde digital disposent, depuis mai 2015, d'infrastructures flambant neuves à Cergy-Pontoise. Le Point.fr a pu les visiter quelques jours avant l'ouverture du 8ème  Forum international de la cybersécurité, qui doit se tenir les 25 et 26 janvier prochains à Lille.

 

Le général Marc Watin-Augouard, qui a créé cette manifestation en 2007 et a joué un rôle majeur dans la transformation des modes d'action de la gendarmerie, décrit l'infrastructure comme « le bras armé technologique » de la gendarmerie. L'armée compte aujourd'hui près de 2 000 « cybergendarmes » à travers l'Hexagone. Chaque section de recherche dispose de son unité « cyber ». Hier focalisés sur la lutte contre la pédopornographie « online », ces militaires se déploient dans différentes directions. Lutte contre le terrorisme (et son apologie), poursuites contre les escrocs en ligne, récupération de données utiles lors d'enquêtes criminelles, sécurisation des objets connectés (à commencer par les véhicules du futur), exploitation du « big data » pour faire de la « prévention », la gendarmerie investit massivement les « mondes virtuels ». Elle doit d'ailleurs bénéficier d'une partie de l'enveloppe de 110 millions d'euros que l'État prévoit de débloquer dans les deux années à venir pour « moderniser » les outils digitaux des forces de l'ordre.

 

À l'heure du big data

« Nous n'en sommes pas encore au stade de la police de Los Angeles (qui prétend prédire, grâce à un algorithme, le lieu et l'heure à laquelle se commettront les infractions, NDLR), mais nous disposons aujourd'hui de batteries de datas qui permettent à notre hiérarchie d'anticiper les besoins », expose le colonel Patrick Perrot, chef de la division « analyse et investigation criminelle du Service central du renseignement criminel (SCRC). Certains actes de délinquance, comme les cambriolages, répondent à une certaine saisonnalité. « Ils se multiplient en période de vacances et, dès qu'il fait beau, leur nombre augmente », note Patrick Perrot. « L'examen de variables identifiées fait émerger des sérialités qui peuvent aider à la prévention de ces délits en organisant des patrouilles sur les zones où le risque de commission d'une infraction est jugé fort », émet l'officier dans cet inimitable jargon gendarmique. L'exploitation des données statistiques est déjà utilisée dans la « gestion » des mouvements de foule lorsqu'il s'agit d'encadrer une manifestation. Les images prises par hélicoptère permettent de faire des projections sur l'évolution d'un cortège... Le big data n'est pas pour autant la panacée. « L'analyse prédictive n'a pas vocation à se substituer aux méthodes d'investigation traditionnelles », insiste Patrick Perrot.

 

Un nouveau QG

Installés au pôle judiciaire de la gendarmerie nationale (PJGN), sur près de 15 000 mètres carrés, les services qui exploitent les « données numériques » sont au nombre de trois. Outre le SCRC, l'Institut de recherche criminelle (IRCGN) dispose d'un laboratoire ultramoderne dans lequel sont examinés serveurs et disques durs d'ordinateurs, mais aussi téléphones mobiles et autres tablettes retrouvés sur certaines scènes de crime. « Ces scellés renferment parfois des informations cruciales pour les enquêteurs », confie le commandant Frédéric Rubens, qui chapeaute l'équipe spécialisée dans l'extraction de données.

Le rôle de ce service a été déterminant dans l'élucidation du meurtre de la jeune Laetitia Perrais, en janvier 2011. C'est, en effet, sur la base d'indices numériques laissés par son assassin, Tony Meilhon, que celui-ci a été confondu et condamné à la perpétuité en octobre 2015. Ce laboratoire a récemment été sollicité pour explorer les drones capturés après avoir survolé des installations nucléaires françaises afin de connaître les informations qui avaient pu être collectées (et par qui) mais aussi des portables de victimes du Bataclan pour permettre leur identification. Il a également contribué à démanteler un groupe mafieux qui avait mis au point un mode d'escroquerie « astucieuse » à base de faux terminaux de carte bancaire qui permettaient de pirater les codes des clients.

 

Lutte contre le terrorisme

Certes, l'IRCGN ne fait pas que dans le numérique. L'institut conserve une quarantaine d'autres équipes d'experts : spécialistes de balistique, d'explosifs mais aussi de toxicologie et même d'entomologie (l'étude des larves d'insectes présents sur un cadavre permet de dater l'heure et, éventuellement, le lieu du décès). Mais le développement de ce laboratoire technologique dédié aux moyens de communication digitaux en est l'une des « vitrines ».

Le Centre le lutte contre les criminalités numériques (C3N), commandé par le colonel Nicolas Duvinage, est la troisième cellule du pôle judiciaire de la gendarmerie à se pencher sur la Toile mondiale. Et probablement sa plus médiatique. Surtout depuis qu'elle a concentré son action sur la lutte contre le « cyberdjihadisme ». L'équipe affiche à son tableau de chasse l'identification de plusieurs applications développées par Daech mais aussi de 300 000 comptes Twitter faisant l'apologie du terrorisme. « Beaucoup d'entre eux étant situés à l'étranger, nous n'avons eu à signaler aux autorités que plusieurs dizaines d'individus qui avaient créé leurs comptes depuis le territoire français », confie Nicolas Duvinage. Son service, composé d'une trentaine d'hommes et appuyé par les 2 000 cybergendarmes répartis sur le territoire, mène aujourd'hui de nombreuses missions de « reconnaissance » du Dark Web tout en continuant de lutter contre les prédateurs sexuels mais aussi les escrocs qui sévissent sur le Web mondial.

 

 

Baudoin ESCHAPASSE



Source : Le Point