GEOPOLITIQUE : Des campagnes anti-françaises au Burkina Faso

Posté le mardi 24 janvier 2023
GEOPOLITIQUE : Des campagnes anti-françaises au Burkina Faso

TF Sabre : Le Burkina Faso aurait donné un mois aux forces spéciales françaises pour quitter Ouagadougou

 

Au Mali, un coup d’État mené en deux temps, une campagne anti-française encouragée, voire inspirée par la Russie et le déploiement du groupe paramilitaire russe Wagner dans le pays ont dégradé les relations entre Bamako et Paris, ce qui s’est soldé par le retrait de la force Barkhane, achevé en août dernier. Or, ce même scénario est en train de se jouer au Burkina Faso, également aux prises avec des organisations jihadistes.

 

S’il s’était fait surprendre par le putsch mené par le colonel Assimi Goïta au Mali, le renseignement français avait cependant anticipé celui mené en janvier 2022 par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. « On sentait la tension monter », avait en effet confié Florence Parly, lors d’une audition au Sénat, en février dernier. Et la Russie n’y était sans doute pas étrangère… Ainsi, après le renversement du président Marc-Roch Kaboré ne manqua pas d’être salué par… Evguéni Prigojine, le fondateur du groupe Wagner.

Pour autant, et même si un sentiment anti-français fut encouragé au sein de la population burkinabè, comme en témoignèrent les manifestations organisées lors du passage d’un convoi de Barkhane en novembre 2021, le lieutenant-colonel Damiba ne remit pas ouvertement en cause la présence du détachement des forces spéciales françaises [Task Force « Sabre »] à Ouagadougou. Au contraire : s’il était question pour le Burkina Faso de « diversifier » ses partenariats militaires, il avait assuré qu’il entendait « maintenir la relation partenariale de combat » avec Paris.

Seulement, en octobre, le lieutenant-colonel Damiba fut à son tour renversé par le capitaine Ibrahim Traoré, à la faveur d’un nouveau coup d’État. « Nous avons décidé de prendre nos responsabilités, animés d’un seul idéal, la restauration de la sécurité et de l’intégrité de notre territoire. […] Notre idéal commun de départ a été trahi par notre leader en qui nous avions placé toute notre confiance. Loin de libérer les territoires occupés, les zones jadis paisibles sont passées sous contrôle terroriste », fit alors valoir un putschiste.

Depuis, le relations avec Paris se sont dégradées… alors que le nouveau pouvoir semble de plus en plus tenté par un rapprochement avec Moscou. Début janvier, celui-ci a demandé le départ de l’ambassadeur de France, Luc Hallade, en poste à Ouagadougou depuis 2019, pour des propos jugés « offensants » au sujet de la situation sécuritaire au « Pays des hommes intègres ». En outre, l’attaque d’emprises diplomatiques françaises, quelques semaines plus tôt, avait déjà jeté un froid…

Qui plus est, à en croire le président du Ghana, Nana Akufo-Addo, le groupe Wagner aurait déjà pris ses marques au Burkina Faso.

« Aujourd’hui, des mercenaires russes sont à notre frontière nord. Le Burkina Faso a conclu un arrangement pour employer des forces de Wagner et faire comme le Mali » et, en contrepartie, « je crois qu’une mine leur a été allouée dans le sud du Burkina. […] Avoir ces hommes qui opèrent à notre frontière nord est particulièrement préoccupant pour nous, au Ghana », avait-il effet affirmé, le 14 décembre, lors d’une rencontre avec Antony Blinken, le chef de la diplomatie américaine.

Quoi qu’il en soit, les forces spéciales françaises ne devraient pas rester au Burkina Faso… Déjà, en novembre, et dans le cadre de la révision de la posture militaire française en Afrique, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, n’avait pas écarté cette éventualité, lors d’un entretien accordé au Journal du Dimanche.

« Il est évident que la révision de notre stratégie générale en Afrique interroge toutes les composantes de notre présence, y compris les forces spéciales », avait-il dit, en soulignant que le détachement Sabre avait eu « un rôle-clé ces dernières années dans la lutte contre le terrorisme au Sahel ».

Et le ministre d’ajouter : « Nous travaillons à une organisation du format de nos bases militaires existantes. Elles devront garder certaines capacités, pour protéger nos ressortissants, par exemple, mais aussi se tourner davantage vers la formation des armées locales » car « il n’est plus question de lutter contre le terrorisme à la place de nos partenaires, mais de le faire avec eux, à leurs côtés. »

Si le retrait du détachement Sabre est « dans les tuyaux », il pourrait se concrétiser plus tôt que prévu. En effet, selon l’Agence d’information burkinabè [AIB], Ouagadoudou exigerait le départ des commandos français d’ici un mois.

« Cette dénonciation faite le 18 janvier 2023, donne selon les termes de l’accord du 17 décembre 2018, un mois aux Forces armées françaises pour quitter le territoire burkinabè », explique l’AIB, dont les informations reposent sur une « source proche du gouvernement ». Et celle-ci de préciser : « Ce n’est pas la rupture des relations avec la France. La notification concerne uniquement les accords de coopération militaire ».

Cette « dénonciation » des accords de coopération militaire avec la France aurait donc été adressée quelques heures après que le capitaine Ibrahim Traoré a affirmé, devant des étudiants que le « combat pour la souveraineté » était « engagé » et que les « relations avec certains États » allaient être revues.

Mais elle survient surtout après une rencontre entre l’ambassadeur de Russie au Burkina, Alexeï Saltykov, et le Premier ministre burkinabè, Apollinaire Kyélem de Tembela [qui s’était par ailleurs rendu à Moscou en décembre, ndlr]. Or, a affirmé ce dernier, « la Russie est un choix de raison » et « partenariat doit se renforcer ».

 

Reste à voir la forme que prendra ce « partenariat ». Le groupe Wagner, déjà occupé au Mali et, surtout, en Ukraine, va-t-il se déployer en force au Burkina ? Ou est-ce que sa classification parmi les « organisations criminelles » par les États-Unis fera réfléchir Ouagadougou à deux fois avant de solliciter ses [sévices] « services » ?

Laurent LAGNEAU
Opex360.com
22/01/2023

Source photo : Google Maps

🖱 Retour à la page actualité

 

Source : www.asafrance.fr