GEOPOLITIQUE : La France se retire d'une mission de l'OTAN pour dénoncer le double jeu de la Turquie

Posté le jeudi 02 juillet 2020
GEOPOLITIQUE : La France se retire d'une mission de l'OTAN pour dénoncer le double jeu de la Turquie

Après l'incident ayant impliqué Le Courbet en mer Méditerranée et trois frégates turques, le ton continue de monter au sein de l'OTAN.

Pour la France, c'est un constat d'échec. L'OTAN n'ayant pas tranché le différend entre Paris et Ankara, le ministère des Armées a annoncé mardi le retrait «temporaire» des moyens mis à la disposition de l'opération Sea Guardian en mer Méditerranée.

Plus de deux semaines après le grave incident ayant impliqué une frégate française, Le Courbet, illuminée» - c'est-à-dire visée - par les radars de conduite de tir de bâtiments de la marine turque, la tension entre la France et la Turquie franchit une nouvelle étape. «C'est un geste politique clair pour mettre un coup de projecteur sur l'ambiguïté d'une opération anti-trafic [d'armes] menée avec des trafiquants», accuse-t-on au ministère. La frégate Aconit et un avion de surveillance maritime Atlantique 2 continueront en revanche d'être associés à la mission Irini, menée par l'Union européenne.

Le double jeu et le comportement agressif de la Turquie sont dénoncés avec véhémence par Paris. Le 10 juin dernier, Le Courbet avait tenté d'interroger un cargo turc soupçonné d'acheminer des armes vers la Libye en violation de l'embargo des Nations unies, que l'opération Sea Guardian est censée faire respecter. Escorté par trois frégates turques, elles-mêmes « associées » à l'opération de l'OTAN, le navire avait refusé de se soumettre. «Il ne s'agit pas d'un événement ponctuel», explique-t-on au ministère en énonçant une liste de violations similaires par d'autres navires turcs, maquillant leur nom ou leur route pour rejoindre la Libye. Ankara y soutient militairement le gouvernement d'union nationale de Fayez El-Sarraj contre les troupes du général Haftar, épaulées par la Russie. Emmanuel Macron avait dénoncé lundi «la responsabilité historique et criminelle » de la Turquie. De son côté, Ankara a déploré le comportement « destructeur » de Paris.

Ankara brandit les menaces

Face à cette crise interne, l'OTAN a pour l'instant choisi le silence. Le rapport sur l'incident du Courbet diligenté par le secrétaire général de l'Alliance Jens Stoltenberg n'a apparemment pas cherché à froisser l'allié turc. Faute de « moyens et de temps », l'enquête n'est «pas exhaustive», dit-on au ministère. Le rapport « n'est pas concluant », a assuré mardi matin l'ambassadeur turc en France, Ismail Hakki Musa, interrogé par les sénateurs de la commission de la défense. Sous le sceau du secret-défense, le rapport n'a pas été diffusé.

Face aux récriminations françaises, Ankara a choisi de brandir des menaces catégoriques. « Il n'y aura plus d'Otan sans la Turquie !», a prévenu Ismail Hakki Musa. « Vous ne saurez pas traiter l'Iran, l'Irak, la Syrie, la Méditerranée au Sud, le Caucase, la Libye, l'Égypte », a-t-il insisté. Le ton a fortement déplu au sein du ministère des Armées, où l'on dénonce «les faits alternatifs» présentés par l'ambassadeur durant son audition. La France attend maintenant une prise de position de l'OTAN et que « les alliés réaffirment solennellement leur attachement et leur engagement au respect de l'embargo » en Libye.

Nicolas BAROTTE
Le Figaro

Source : www.asafrance.fr