GEOPOLITIQUE : Moscou maintient l'épée de Damoclès sur l'Ukraine  

Posté le samedi 15 janvier 2022
GEOPOLITIQUE : Moscou maintient l'épée de Damoclès sur l'Ukraine   

Le gouvernement américain accuse depuis plusieurs semaines Moscou d'avoir déployé près de 100 000 soldats à la frontière ukrainienne en vue d'une offensive. Le Kremlin rejette ces accusations.

« M. Niet », comme la presse occidentale l'appelle parfois, portait bien son nom vendredi. Lors de sa conférence de presse annuelle, Sergueï Lavrov n'a en rien relâché la pression après une semaine diplomatique en trois temps, au cours de laquelle Moscou a martelé ses exigences vis-à-vis des Occidentaux. Non-élargissement de l'Otan à l'Est, retrait des troupes et des infrastructures de l'Alliance des pays de l'ex-URSS, non-déploiement de missiles menaçant la Russie : le ministre russe des Affaires étrangères a rappelé ses « lignes rouges », déjà réitérées devant les Américains à Genève, l'Otan à Bruxelles et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) à Vienne. M. Lavrov a même rajouté vendredi deux « lignes rouges » en refusant le déploiement de systèmes offensifs en Ukraine et une éventuelle base navale américaine en mer d'Azov.Haut du formulaire

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Interrogé sur ce qui se passerait si, comme on peut s'y attendre, les conditions russes ne sont pas avalisées, le chef de la diplomatie a brandi une menace déjà évoquée en décembre par Vladimir Poutine lui-même : la mise en œuvre de « mesures techniques militaires », en clair le déploiement de troupes supplémentaires - elles sont déjà évaluées à 100 000 hommes à proximité de l'Ukraine - et d'armement. M. Lavrov a d'ailleurs indiqué que des manœuvres se déroulent actuellement en Extrême-Orient, dont des images ont été diffusées vendredi.

« L'armée russe prévoit (...) une invasion militaire, qui pourrait commencer entre mi-janvier et mi-février. » (Jen Psaki, porte-parole de la Maison-Blanche, ce vendredi).

Autour de l'Ukraine, point focal de cette confrontation, la tension ne se relâche pas : Kiev a annoncé avoir été la cible d'une cyberattaque massive visant plusieurs de ses ministères, et détenir des « indices » de l'implication russe. Ukrainiens et Russes s'accusent mutuellement de préparer des « provocations » qui serviraient à déclencher une confrontation armée. Des accusations également formulées vendredi à l'encontre de la Russie par la Maison-Blanche, selon laquelle Moscou envisagerait de monter des opérations « sous fausse bannière » (false flag), vieille ruse de guerre consistant à utiliser l'uniforme de l'adversaire pour le tromper. Selon cette source, Washington serait « préoccupé » par des préparatifs russes d'une attaque de l'Ukraine, qui pourrait survenir « entre mi-janvier et mi-février » et être justifiée par des « prétextes » tels que des actions de sabotage ou de désinformation. Des accusations « gratuites », selon le Kremlin, qui pourraient pourtant pousser les États-Unis à saisir le Conseil de sécurité de l'ONU.

Au détriment des Européens

Pour nombre d'analystes toutefois, l'option d'une intervention armée n'est à court terme pas la plus probable - pour des raisons militaires, économiques, politiques…-, même si aucune hypothèse ne peut être écartée, s'agissant, par exemple, de frappes ciblées sur des bases hébergeant des drones turcs en Ukraine…

Car après la valse diplomatique à trois temps de cette semaine, c'est une séquence plus incertaine encore qui s'ouvre : Vladimir Poutine, face à la fin de non-recevoir des Occidentaux, a maintenu les enchères et fait monter la pression. Il devra très bientôt faire valoir des résultats s'il ne veut pas perdre la face. Les véritables intentions du numéro un russe font l'objet de spéculation, dans la mesure où il ne peut ignorer que ses « exigences » n'ont aucune chance d'être acceptées par les Américains - ceux-ci les ont écartées d'emblée. Quel est alors l'objectif ? Retrouver le statut d'interlocuteur privilégié de Washington sur les grandes questions stratégiques ? Ce processus a été engagé au détriment des Européens, que Moscou taxe d'avoir perdu toute « indépendance » vis-à-vis des États-Unis et envers lesquels M. Lavrov, vendredi lors de sa conférence de presse, n'a pas ménagé ses critiques. « Avec l'Union européenne, tous les canaux de communications ont été murés par nos collègues européens eux-mêmes », a déploré le ministre russe, qui ne s'est guère montré optimiste quant à une amélioration du dialogue avec les Vingt-Sept. Quant au dialogue jeudi dernier avec le forum de l'OSCE (cinquante pays, dont les États-Unis et la Russie), M. Lavrov l'a qualifié de « dilatoire ».

En revanche, avec les Américains et, dans une certaine mesure, avec l'Otan, quelques pistes ont été ouvertes. Citons le contrôle des armements, le déploiement des missiles et des mesures de confiance incluant une limitation des exercices militaires. L'avenir dira si des percées peuvent être réalisées sur ces points et si Moscou s'en contentera. Vendredi, Sergueï Lavrov a d'ailleurs salué un rare point positif : la reconduction, l'an dernier, du traité New Start sur le désarmement nucléaire.

 

Auteur : Alain BARLUET
Source : Le Figaro

Date : 14 janvier 2022

 

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Source : www.asafrance.fr