GEOPOLITIQUE : Entre les rafales…. Armes de la diplomatie et de la paix.

Posté le mardi 06 octobre 2020
GEOPOLITIQUE : Entre les rafales…. Armes de la diplomatie et de la paix.

Dans l’optique d’une paix durable et universelle, Monsieur Edgar Faure, président du Conseil des ministres en 1952 et de 1955 à 1956, sous la IVᵉ République, avait proposé, en vain, aux grandes puissances de créer un mécanisme vertueux de redistribution, au profit du tiers-monde, à partir des économies réalisées sur leurs dépenses d’armements. L’idée était généreuse mais utopique. 

Aujourd’hui derrière les Etats-Unis et la Russie, la France occupe la troisième place du classement des pays exportateurs d'armes, selon le rapport de l'institut international de recherche sur la paix de Stockholm. Il faut se réjouir de ce succès industriel dont celui des avions Rafale. « Les exportations d'armes françaises ont atteint leur niveau le plus élevé depuis 1990, l'industrie française de l'armement a bénéficié de la demande d'armes en Égypte (26% de ses exportations), au Qatar (14%) et en Inde (14%) ».

À elles seules, les importations dans les pays du Moyen-Orient ont progressé de 61% sur la période, représentant 35% du total des importations mondiales d'armes au cours des cinq dernières années. Toutefois l’Asie et l'Océanie ont conservé leur place de premières régions importatrices d'armes sur la période 2015-2019, enregistrant ensemble 41% des importations mondiales d'armements conventionnels en volume.  

On peut assurément s’inquiéter de cette montée en puissance des capacités militaires dans cette zone du monde déjà fortement sous tension et où le conflit au Yémen, sous influence de l’Arabie Saoudite, se poursuit depuis 2014 et dans une indifférence quasi générale… Pour autant, malgré les observations critiques sur les producteurs d’armements, il faut espérer que c’est la collaboration dans le domaine militaire qui sert le rapprochement politique et peut permettre de créer un climat de confiance ou de convergences d’intérêts. Le temps des alliances militaires semble révolu depuis la chute du mur de Berlin, celui des actions stratégiques industrielles apparaît pouvoir constituer, désormais, un puissant levier diplomatique.

 

Mais la diplomatie est parfois déroutante. Ainsi, en décembre 2018, la ministre des Armées en déplacement à Bangui, avait annoncé la livraison par la France de 1 400 fusils d’assaut Kalachnikov AK-47 aux forces armées de République Centrafricaine, pays pourtant déjà sous influence de la Russie. Aussi avait-elle précisé que « La France est très attachée à ce que cette aide puisse être coordonnée avec l’aide apportée par la communauté internationale ». Les observateurs des conflits passés ne manqueront pas de se remémorer le rôle de la Kalachnikov dans la stratégie de déstabilisation de l’Afrique notamment. Il suffisait alors de suivre l’itinérance de cette arme à travers le continent pour préfigurer  les zones où pourraient se développer les prochains conflits armés. L’arme « à la médiocrité affirmée » comme la définit l’auteur et journaliste du New York Times, J.C. Chivers, devait devenir la plus mortelle de la fin du 20e siècle. Plus de cent millions de Kalachnikov étaient utilisées dans quarante-six des quarante-neuf conflits, dits périphériques, recensés par l’ONU.

 

Aujourd’hui, avec des armements de plus en plus performants, sophistiqués, miniaturisés, intelligents et la dissuasion nucléaire, la guerre frontale entre les grandes puissances paraît de moins en moins envisageable. Toutefois, les conflits armés perdurent et prennent des formes diverses ; asymétriques, à basse intensité, voire sous forme d’actions terroristes situées hors du champ des conventions internationales sur le « droit de la guerre ». Dans ces conditions, certains, comme Henri Hude écrivain-philosophe, soutiennent qu’il y a des situations où la guerre est juste et légitime. S’il n’y avait pas de « guerre juste », toute résistance serait aussi injuste que toute agression. Pour autant chercher la paix et la justice par le moyen d’une action de force ne peut se justifier que de la part de l’autorité légitime, avec une intention droite, et si le bien commun est gravement mis en cause. Le dilemme est vieux comme le monde. Selon la mythologie hindoue, Manu était le précurseur de l'humanité et institua « que le guerrier ne frappe ni celui qui est assis, ni celui qui se dit soumis ou endormi, ni celui qui ne porte pas de cuirasse, dont l’arme est brisée et encore moins qui est blessé …». C’est dans cet esprit de sagesse qu’il faut conclure avec Emile de Girardin dans Pensées et maximes de 1867, « La guerre est plus facile à déclarer que la paix n'est facile à organiser. »

 

Dominique BAUDRY
Membre Asaf


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