GUYANE : Faute d'hélicoptère, des légionnaires bloqués 72 jours en forêt

Posté le vendredi 29 janvier 2021
GUYANE : Faute d'hélicoptère, des légionnaires bloqués 72 jours en forêt

Guyane : Selon un sénateur, des légionnaires sont restés 72 jours en forêt, faute d’hélicoptère pour les récupérer

 

En décembre, une délégation parlementaire s’est rendue en Guyane, où elle a pu faire le point sur l’opération Harpie, lancée en 2008 pour lutter contre l’orpaillage illégal. Lors d’une réunion de la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale, le député André Chassaigne en a résumé les enjeux mais également les difficultés. Et de souligner, au passage, que la rémunération des militaires engagés dans cette mission devait être « reconsidérée », notamment au niveau des règles d’assujettissement à l’impôt sur le revenu.

Un constat partagé par le sénateur Cédric Perrin, qui était également du voyage. Harpie est une « opération du ‘haut du spectre », c’est à dire une « opération de guerre menée en temps de paix sur le territoire national », a-t-il relevé, avant de noter que le « système de rémunération des militaires est défavorable en Guyane où le taux de majoration des soldes n’est que de 25 %, contre 40 % pour les autres outre-mer, alors que le coût de la vie y est cher car tout est importé. » Et d’ajouter : « Les indemnités de service en campagne sont fiscalisées alors que Sentinelle, qui est aussi une mission intérieure, ne l’est pas. »

En tout cas, pour les militaires des Forces armées en Guyane [FAG], l’opération Harpie est compliqué en raison du climat, de la difficulté à établir des transmissions et de l’immensité des distances à couvrir par rapport aux effectifs engagés. Distances qui supposent une forte dépendance aux moyens aériens. Or, c’est là que le bât blesse…

La base aérienne (BA) 367 de Cayenne-Rochambeau dispose de neuf hélicoptères (dont cinq Puma et quatre Fennec) et trois avions de transport Casa CN235. Or, ces appareils ne sont évidemment pas tous affectés à temps complet à l’opération Harpie.

« Les évacuations sanitaires covid ou hors covid sont prioritaires, je rappelle qu’il n’y a ni service de cardiologie ni service de neurologie ni service de néo natalité en Guyane, il faut évacuer vers les Antilles ou la métropole, et donc les opérations militaires passent après s’il le faut », a ainsi souligné le sénateur Cédric Perrin.

Mais le problème se situe au niveau de la disponibilité de ces aéronefs… Pourtant, celle des Puma n’est a priori pas si mauvaise, avec un taux de disponibilité en constante progression, passant de 38% à 47% en 2020.

En effet, d’après les chiffres donnés par le député François Cornut-Gentille dans son rapport pour avis sur les crédits de la mission « Défense », le taux de disponibilité technique moyen des Puma/Super Puma était de 32,6% en 2019.

Mais faire voler les Puma en Guyane exige beaucoup des mécaniciens. D’après M. Perrin, il faut « 18 heures de maintenance pour une heure de vol. » Et de préciser : « Nous avons décortiqué les causes avec le commandant de la base aérienne et on retrouve toujours les mêmes causes : disponibilité des pièces de rechange, vétusté des matériels. On ne peut pas faire de miracles avec des appareils de 44 ans d’âge! »

Quant aux CASA CN-235, leur taux de disponibilité oscille entre 50 et 70%.

Quoi qu’il en soit, l’insuffisance des moyens aériens n’est évidemment pas sans conséquences sur les opérations des FAG (Forces armées de Guyane). « Le ravitaillement des soldats en forêt en souffre également », a relevé le sénateur. Et cela concerne aussi les relèves…

« Nous avons rencontré des militaires du 3e REI qui rentraient de la forêt équatoriale et qui étaient en forêt depuis 72 jours en autonomie totale parce qu’ils n’avaient pas pu être évacués par manque de disponibilité des hélicoptères », a affirmé M. Perrin.

Normalement, les Puma doivent être remplacés par des H225M Caracal entre 2023 et 2025… Pour autant, ces nouveaux hélicoptères n’auront pas le don d’ubiquité…

Par ailleurs, Christian Cambon, le président de la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense, a estimé que « si les moyens théoriques sont adaptés aux missions », les « moyens réels peuvent progresser. » Ainsi, s’agissant des moyens de transmission, il suffirait d’une enveloppe de 10 000 euros par an pour doter les FAG et les gendarmes de moyens satellitaires pour leurs patrouilles en forêt… Une somme à comparer au 55 millions d’euros que coûte l’opération Harpie chaque année….

En outre, M. Cambon a souligné la nécessité de remplacer les « pots thermiques », c’est à dire les explosifs permettant de détruire les installations des orpailleurs clandestins, car ils ne sont plus fabriqués. Et il a également estimé que le paquetage « jungle » de l’armée de Terre pourrait être utilement complété par « des chaussures Crocs et des réchauds de type ‘jet boil' ». Enfin, il a fait remarquer que « l’absence de tubes de déchargement pour les fusils HK416 fait peser un risque de sécurité au retour de mission. »

 

Laurent LAGNEAU
Opex 360
28 janvier 2021

 

 Source photo : Ministère des Armées


 Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr
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Source : www.asafrance.fr