HISTOIRE : Compagnons de la Libération : Chasseurs du ciel à croix de Lorraine

Par Frédéric VALLOIRE – « Valeurs Actuelles »….
Un après-midi de la mi-septembre 2012, une excavatrice travaille dans la boue d’un marais situé tout près du pont de Tancarville. Un vieux monsieur élégant, coiffé d’un chapeau de paille, regarde la scène. Ce coin-là, il ne l’a pas oublié. C’est là qu’il aurait pu être enterré, le 17 avril 1943. En mission d’escorte de bombardiers au-dessus du Havre, son avion avait été frappé par les tirs d’un Messerschmitt allemand. L’appareil avait aussitôt pris feu, et lui avait été blessé aux deux jambes. Il était quand même parvenu à s’extraire de son cockpit, à ouvrir son parachute et à se sortir d’affaire, après avoir échappé aux Allemands qui le cherchaient, grâce à un paysan qui lui avait dit : « J’ai compris, t’en fais pas, mon p’tit gars, ils t’auront pas, j’ai été prisonnier aux deux guerres. »
Soixante-neuf ans plus tard, ce pilote, Claude Raoul-Duval, prévenu par des passionnés d’archéologie aéronautique, est revenu sur place voir un engin de terrassement ramener en surface les débris de son Spitfire Mk IX à croix de Lorraine, marqué par les lettres GW-B, portant l’immatriculation BS 548 du groupe de chasse Alsace…
Après sa chute, raconte-t-il, il avait été traîné de ferme en ferme : « Personne ne voulait me garder, chaque fois, je buvais un peu de calva et j’ai fini ivre mort, dans le lit du type, à la place de sa femme. Grâce à la Résistance locale, je me suis retrouvé chez mon père, à Paris, qui s’occupait d’un réseau d’évasion pour les aviateurs alliés. J’ai récupéré deux équipages de “forteresses volantes” et nous sommes partis en train puis à pied pour l’Espagne, d’où nous avons rejoint l’Angleterre. Là-bas, on me croyait mort. Quand je suis entré dans le mess de la base, Romain Gary s’est précipité vers moi et m’a embrassé en pleurant. »
On était alors en novembre 1943. Le lieutenant Raoul-Duval retrouvait l’unité à laquelle il appartenait depuis septembre 1941, le groupe de chasse Alsace. Celui du commandant Mouchotte et celui de Pierre Clostermann, l’auteur du Grand Cirque, que de Gaulle proclamera « le premier chasseur de France ». […]
Frédéric VALLOIRE