HISTOIRE : La progression des totalitarismes

Posté le lundi 30 novembre 2020
HISTOIRE : La progression des totalitarismes

Le dicton populaire affirme que l’histoire ne se renouvelle pas ; j’aurais tendance à dire le contraire si on veut bien se pencher sur le passé, et en particulier  sur celui de l’histoire des années trente du siècle dernier en Europe à rapprocher de ce qui se développe aujourd’hui en Méditerranée orientale où la paix du monde est menacée.

Après la terrible guerre de 1914 /1918 de nombreux traités ont été signés par tous les pays d’Europe afin de garantir une paix durable sur le continent : il y eut même un traité interdisant le recours à la guerre pour régler les conflits éventuels. On a vu quelle a été la carrière de ces traités ce qui nous a conduit à une guerre dévastatrice.

La stratégie du régime totalitaire dont s’était dotée, par les voies légales il faut le souligner, la nation allemande a été celle des prises de gages successives en profitant de la passivité des nations qui auraient pu s’y opposer : ce fut en mars 1936 la réoccupation militaire de la rive gauche du Rhin au mépris des traités signés ; les démocraties britannique et française ne réagirent pas, empêtrées qu’elles étaient dans les problèmes de politique intérieure pour l’une et une certaine  propension à regarder le régime nazi avec indulgence pour l’autre, le tout sous l’œil plutôt bienveillant des USA.

Ce fut ensuite en 1938 l’occupation puis l’annexion par les nazis des Sudètes qui se soldèrent par les accords de Munich entre l’Allemagne la France la Grande Bretagne et l’Italie, accords qui entérinaient les faits accomplis, mais nos démocraties se sentirent victorieuses croyant avoir gagné la paix en ayant accepté l’inacceptable. L’étape suivante fut en septembre 1939   la guerre.

Ce très bref rappel de l’histoire permet simplement de montrer qu’accepter sous couvert de dialogue diplomatique, de concessions, de compromis l’expansion d’un régime totalitaire conduit de démission en démission à un conflit armé ou ce qui est pire à l’asservissement au totalitarisme. Faisons  un peu d’histoire fiction : que se serait-il passé si en mars 1936 la France et la Grande Bretagne s’étaient opposées, fut-ce par les armes, aux visées des nazis ? On n’aurait certainement pas échappé à une guerre qui aurait sans nul doute été moins meurtrière que celle qui lui a succédé et peut-être le régime nazi aurait-il disparu ? Mais à cet instant il aurait fallu avoir de la clairvoyance ainsi que du courage… tout ce qui  fit  défaut!

Rapprochons-nous de la situation d’aujourd’hui en Méditerranée orientale. On assiste à l’expansion d’un régime, il faut bien le dire totalitaire, au mépris de toutes les règles du droit international : il s’agit de la Turquie dont le leader rêve de reconstituer l’empire ottoman dans sa grandeur passée. On constate des prises de gages successives, des coups de force, le tout dans l’indifférence et la passivité générales : en fin de compte le dictateur fait ce qu’il veut au mépris des traités qu’il a signés ainsi que des règles de droits régissant les relations internationales en bafouant les intérêts   légitimes   des   nations   parties   prenantes dans la région.

On pourrait citer tout d’abord l’occupation de la zone frontalière du nord de la Syrie afin de liquider l’opposition kurde sous l’œil indifférent des américains et impuissant des européens. Parallèlement   dans cette même région   le maintien sur le sol turc d’un contingent de plus de deux millions de réfugiés syriens, qui est indéniablement une charge pour l’état turc ; mais il y a perversion car  cette masse de réfugiés est utilisée comme un moyen de chantage auprès des nations européennes : « à tout moment si vous ne passez pas par mes volontés, je peux laisser échapper vers vos pays un nombre très important de réfugiés ». Cet état de fait a pour conséquence de diviser l’Europe, l’Allemagne étant tenue d’avoir une posture plus conciliante du fait de la présence sur son sol d’une forte communauté immigrée turque qui, de plus, est favorable au dictateur.

Mais il y a mieux : la Turquie a toujours été membre de l’OTAN ; du temps de la guerre froide elle jouait un rôle important car elle était le pilier sud de l’Alliance avec une très forte présence américaine sur son sol. Aujourd’hui, ce pays se permet, ce qui est véniel comparé au reste, d’acquérir des matériels de guerre auprès de la Russie ; mais surtout, ce qui est intolérable, d’entrer en conflit ouvert avec des nations elles- même membre de l’OTAN : la Grèce dont est violé l’espace maritime, mais aussi la France si on se réfère à l’incident naval du 10 juin 2020. Ce jour-là une frégate française agissant sous commandement OTAN dans le cadre de l’embargo, objet d’une résolution de l’ONU, sur les transports d’armes vers la  Libye,   s’est vu interdire l’approche d’un cargo turc escorté par une frégate qui, a « illuminé » le navire français, acte de guerre, dernière étape avant un tir de missile… En faisant accompagner par un navire de guerre le cargo, ce dernier se voit ainsi conférer une immunité souveraine qui empêche son inspection puisqu’il est de ce fait considéré comme étant en  mission de service public de  l’état. Ainsi, l’approvisionnement clandestin en armes des factions libyennes soutenues par la Turquie peut-il se poursuivre malgré la mise en place des opérations navales agissant sous mandat de l’ONU comme l’opération IRINI actuellement en cours. Faut-il que l’OTAN soit bien malade pour que de tels faits opposant des alliés puissent se produire : le Président Macron avait raison en qualifiant l’Otan d’un état de « mort cérébrale ».

Enfin la Turquie s’est montrée active et partie prenante dans l’agression azérie du Haut Karabach, conflit qui ne la concerne pas directement ; son engagement agressif en fournissant armes et moyens divers aux azéris agresseurs, peut être considéré comme la volonté d’être le tuteur d’un conflit qui est d’origine ethnique et religieuse. Ainsi la Turquie, assouvissant une fois de plus la haine qu’elle nourrit à l’égard du peuple arménien en étant complice d’une nouvelle forme de génocide et de déplacement de population, exerce-t-elle de facto  un  contrôle sur la région. Le tout se déroulant dans l’indifférence des nations européennes   qui une fois de plus, malgré les protestations de principe se sont montrées d’une indifférence inadmissible lorsque l’on connait le passé turc à l’égard des arméniens.

Toutes ces constatations faites, quels peuvent être les modes d’actions des démocraties face à cette expansion d’un régime totalitaire qui met aujourd’hui en péril la paix du monde ? Si on se réfère une fois de plus à l’histoire, il y aurait lieu de marquer un coup d’arrêt à un instant donné lorsqu’il est encore temps au risque de devoir aller de démission en démission jusqu’au conflit lorsque l’insupportable est atteint, mais alors il est trop tard. Avant l’emploi de la force, le droit international offre un éventail de mesures coercitives qui vont des embargos en tous genres aux sanctions économiques voire politiques, dans la mesure, et c’est  là que réside la difficulté, où il existe un consensus pour les décider. Pour ce qui nous concerne la construction de l’Europe devient de plus en plus urgente afin que cette entité de plus  de  350  millions  d’habitants  puisse   parler d’une seule voix et jouer un rôle dans les affaires du monde. Je sais que le pari est risqué mais pourquoi ne pas tendre vers ce but et tout faire pour y arriver. Tout ce que je viens d’écrire pourrait paraitre utopique et déconnecté de la réalité ; je pense l’inverse car une prise de conscience de la pente dans laquelle est en train de s’engager le monde devrait être un signal d’alarme pour nos dirigeants d’autant plus que l’histoire nous a montré le chemin fatal, celui où mène le non-respect   du droit international dans l’indifférence ou avec la complicité des nations.

Pour terminer je voudrais faire une analogie entre les développements du totalitarisme dans les relations internationales et ce que peut être l’expansion d’une idéologie totalitaire à l’intérieur d’une nation : le mode d’action ainsi que la logique sont identiques. Je fais ici allusion à ce qu’est dans notre pays   la pression exercée par l’islam radical pour arriver à s’imposer. Le processus est le même que celui évoqué précédemment : des prises de gages indolores avec souvent l’appui par manque de courage, idéologie, angélisme ou électoralisme de groupes ou de partis politiques. Ces prises de gages sont dénoncées tous les jours dans des publications abondantes, mais si rien n’est fait, le mal continuera de progresser insidieusement jusqu’au jour où ayant gangrené la jeunesse et une partie de l’opinion, il sera trop tard. Aussi faut-il marquer des coups d’arrêts reposant sur le droit et sur les lois démocratiques dont la République s’est dotée ; ces lois sont notre rempart de protection et il faut les appliquer, et avoir la volonté ainsi que le courage de le faire quelles qu’en soient les conséquences, avec la plus extrême rigueur, ce qui est plus facile à réaliser que dans les relations internationales qui   nécessitent la recherche d’un consensus entre nations.

En fin de compte, seule l’application du droit qu’il soit international ou à l’intérieur de la nation est la clé de la paix, c’est la prérogative et la responsabilité de ceux qui tiennent les rênes du pouvoir. Cela étant dit, encore faut-il être capable de la mettre en pratique : on sait où mènent les compromis et les atermoiements, l’inaction d’aujourd’hui, si  elle  est  un jour ou un temps gagné sur la vie, fait peser sur l’avenir une lourde hypothèque.

Général Vincent LANATA
28 novembre 2020

 

 

 

Source : www.asafrance.fr