HISTOIRE. Les « fusillés pour l’exemple » réhabilités

Posté le lundi 17 janvier 2022
HISTOIRE. Les « fusillés pour l’exemple » réhabilités

Qui a le droit de réécrire l’Histoire ?

 

Dans la nuit du jeudi 13 au vendredi 14 janvier 2022, une poignée de députés  ont  voté, en catimini, une proposition de loi émanant d’un membre du groupe « la France insoumise », demandant la réhabilitation de plus de 600 soldats « fusillés pour l’exemple » au cours  de la Première Guerre mondiale.

L’article 1er de cette proposition de loi est donné ci-après in extenso :

« Les militaires en service dans les armées françaises du 2 août 1914 au 11 novembre 1918, ayant été condamnés à mort pour désobéissance militaire ou mutilation volontaire par les conseils de guerre spéciaux créés par le décret du 6 septembre 1914 relatif au fonctionnement des conseils de guerre ainsi que par les conseils de guerre rétablis par la loi du 27 avril 1916 relative au fonctionnement et à la compétence des tribunaux militaires en temps de guerre, et dont la condamnation a été exécutée, font l’objet d’une réhabilitation générale et collective, civique et morale. La Nation reconnaît que ces soldats ont été victimes d’une justice expéditive, instrument d’une politique répressive, qui ne respectait pas les droits de la défense et ne prenait pas en compte le contexte de brutalisation extrême auquel les soldats étaient soumis.

Les nom et prénom des intéressés sont inscrits sur les monuments aux morts.

Un monument national est érigé, en vue de rendre hommage à la mémoire des « fusillés pour l’exemple ».

Les présentes dispositions ne sont pas applicables aux militaires dont la situation a été révisée par la Cour de cassation, sur le fondement de la loi relative à l’amnistie du 29 avril 1921 et de la loi du 3 janvier 1925 portant amnistie, et par la Cour spéciale de justice militaire, instituée par la loi du 9 mars 1932 créant une Cour spéciale de justice militaire chargée de la révision des jugements rendus dans la zone des opérations des armées de terre et de mer par des juridictions d’exception. »

Notons que dans ce texte, l’expression « fusillés pour l’exemple », doxa qui fut très en vogue pendant le cycle de commémoration du Centenaire de la Grande Guerre et qui avait pour but de faire admettre sans discussion, comme une vérité évidente, que tous ces hommes n’étaient coupables de rien, est à nouveau utilisée.

De plus, on parle de justice expéditive, de politique répressive et de brutalisation extrême. Là encore, pas de discussion possible, tout est dit : une justice « normale » ne les aurait pas condamnés.

Mais l’auteur de cette proposition de loi, comme celles et ceux qui l’ont votée, ne savent sans doute pas, du fait d’un manque de culture historique et militaire, qu’ils ont ainsi donné un formidable « coup de pied de l’âne » à leurs lointains prédécesseurs qui, en 1914, se sont défaussés en remettant au commandement militaire les pleins pouvoirs pour maintenir la discipline face à la poussée allemande.

Pourquoi revenir aujourd’hui sur des décisions prises il y a des décennies, après des jugements successifs qui se sont étalés jusqu’en 1932 comme indiqué dans la proposition de loi dont nous parlons. Y-a-t-il des éléments nouveaux dont nous n’aurions pas connaissance ? N’y aurait-il pas plutôt, en période préélectorale en vue de l’élection présidentielle, des intentions politiciennes ?

Mais, quelles que soient les vraies raisons, on se complait à nouveau dans les délices de la repentance et on poursuit l’œuvre de déconstruction de notre Histoire qui consiste à démontrer que tout se vaut : le courage et la lâcheté, la discipline et la rébellion…

La Mission du Centenaire de la Première Guerre mondiale s’est intéressée à la question des fusillés. Son président rappelle dans son livre[1] qu’au contraire de la tentative d’aujourd’hui: « il n’y a pas eu de réhabilitation collective mais les dossiers qui ont survécu aux aléas de notre histoire ont été mis en ligne sur le site Mémoire des hommes et un espace leur a été dédié au musée de l’Armée ». Il invite aussi à consulter le rapport de l’historien Antoine Prost présenté au ministre de la Défense chargé des Anciens Combattants le 1er octobre 2013 qui est une référence en la matière.

 

Enfin, le 7 novembre 2013, dans la salle des fêtes de l’Élysée, le président de la République d’alors, monsieur François Hollande a prononcé un discours à l’occasion du lancement de la Mission du Centenaire. Sans esquiver le sujet, ce discours s’est voulu rassembleur et, en vérité, il le fut car, à part le président de la Fédération nationales des libres penseurs qui regretta que le Président n’ait pas annoncé, précisément, la réhabilitation des « fusillés pour l’exemple », tous les partis politiques présents l’ont plutôt bien perçu.

 

En conclusion provisoire de ce triste épisode politicien, citons justement le professeur Antoine Prost : « Si nous voulons être des acteurs responsables de notre avenir, nous avons d’abord un devoir d’histoire[2] » Or, l’Histoire ne s’écrit pas à la sauvette, au milieu de la nuit, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, par des mains qui en ignorent tout.

 

 

LA REDACTION DE L’ASAF

Source photo : Cliquez ICI

 

 

[1] Général d’Armée Elrick Irastorza-La tranchée des poncifs-Editions Pierre de Taillac-2019

[2] Antoine Prost-Douze leçons sur l’Histoire- Editions du Seuil -1996

 

 


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Source : www.asafrance.fr