HOMMAGE : Dans les plis muets des drapeaux

Posté le samedi 16 octobre 2021
HOMMAGE : Dans les plis muets des drapeaux

Hubert Germain s’en est allé. Il a rejoint la longue, interminable et valeureuse cohorte des héros de tous les temps.

La presse se fait l’écho de la vie exceptionnelle de ce soldat d’un moment, combattant héroïque de Bir Hakeim, Compagnon de la Libération et grand-croix de la Légion d’honneur. Elle ne tarit pas d’éloges sur l’exemple donné par cet homme qui, dans ses interviews, souligne la solidarité et le sens du devoir qui l’ont animé pendant le siècle qu’aura duré sa vie. Elle relate son humilité, sa discrétion, son caractère entier, sa foi dans la France et son avenir. Elle lui fait l’honneur de longs articles, de longs reportages, de commentaires toujours plus empreints d’une sincère admiration et d’un profond respect. Elle rappelle, dans un souci d’authenticité, la devise de la Légion – Honneur et Fidélité - qui résume à elle seule ce qu’a été Hubert Germain, officier de Légion, homme impétueux qui jamais ne trahira celui à qui il a donné sa foi sans jamais compromettre son âme.

Il n’y a plus de Compagnon de la Libération vivant. Désormais, il faut songer à la façon dont toutes les valeurs qu’ils ont incarnées pourront survivre. Surgit alors, sous la plume des esprits les mieux intentionnés du monde, la liste des 5 villes que le général de Gaulle a élevées à cette haute, enviée et depuis longtemps inaccessible dignité. C’est vrai, les villes « Compagnons de la Libération » vivront au-delà des 1038 femmes et hommes qui ont constitué la chair, souvent meurtrie, de cet ordre unique au monde.

Mais que valent aujourd’hui Paris, Nantes et Grenoble au regard de ce qu’elles furent quand le canon tonnait et qu’il fallait combattre sous la botte nazie ? Sont-elles dignes de leur grande histoire ? Ont-elles conservé l’exemplarité patriotique qui les a couronnées de l’auréole de la gloire par le sacrifice de leurs habitants ? Ces villes sont trop grouillantes, trop impersonnelles, trop diluées dans le fatras de leurs diversités désunies pour recueillir et symboliser quoi que ce soit du patriotisme français.

Pour Vassieux et l’île de Sein, la question ne se pose pas. Quand un village est rasé et que 72 de ses habitants sont exécutés, la plaie reste ouverte pour toujours, et le souvenir des Résistants hante toutes les mémoires des familles martyrisées ou anéanties. L’île de Sein s’est levée comme un seul homme. « Les enfants apprendront dans leurs livres d’histoire l’action héroïque d’une bonne et courageuse île française », tels sont les mots prononcés par  le général de Gaulle le 30 août 1946, lors de la remise de la croix de la Libération à l’île de Sein. La grandeur s’est faite sobre.

Sur Hubert Germain, ce sont les plis du drapeau de la 13e DBLE qui se sont refermés, pour l’emporter dans son dernier voyage, le guider vers l’éternité des héros et le consoler de quitter ce monde qu’il a tant aimé, auquel il a tout donné. On a beaucoup moins parlé des 18 unités militaires qui sont « Compagnons de la Libération ». Regrettable oubli ou négligence d’une nation qui se cherche dans les lambeaux de son Histoire. Parmi elles, la « phalange magnifique » où s’est illustré le dernier Compagnon. Les grandes douleurs sont muettes. Nous l’avons tous ressenti : les plis des drapeaux « Compagnons de la Libération » sont restés silencieux à l’annonce de la disparition du dernier des leurs. Ils se contentent de flotter au souffle de leur gloire, dont, de toutes leurs forces, ils s’évertuent de rester dignes. Ils n’attendent rien des discours à venir. Ils se tiennent prêts, et répondront comme ils l’ont toujours fait, à l’appel de la patrie. Témoins des grandeurs passées, ils savent que ce sont eux, avec Sein et Vassieux, qui ont en charge la mémoire des combats pour la liberté et l’espérance qu’ont représenté au-delà de tout éloge les « Compagnons ».

Saluons ces drapeaux, fanions et étendards qui se sont inclinés une dernière fois devant le dernier des vivants de leur caste. Hubert Germain a eu droit, dans notre imaginaire, au plus beau des linceuls. Les plis du drapeau de la 13e DBLE, pensifs et silencieux, sont assez amples pour contenir à la fois sa gloire, sa légende et l’immortalité de son souvenir.  


Jean-Jacques NOIROT

Colonel (er)
Membre de l’ASAF

Source photo : Extraite de la vidéo publiée sur le site de l'Elysée

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Source : www.asafrance.fr