HOMMAGE. Nom : Aznavour / Prénom : Charles

Posté le dimanche 07 octobre 2018
HOMMAGE.   Nom : Aznavour / Prénom : Charles

Il était le plus grand, le plus vieux, le dernier. Il était l'ultime incarnation de cette génération d'immenses chanteurs français qui furent au XXe   siècle, ce que les poètes étaient au XIXe siècle : Brel, Brassens, Ferrat, Ferré, Barbara, Gainsbourg, etc.

Après eux, viendra la génération des « yé-yé », avec Johnny comme patron et icône, qui ne rêvaient que d'être américains. Tout est une question de date de naissance : ceux-ci avaient vu le jour après la Seconde Guerre mondiale, alors que l'armée américaine s'imposait comme la principale force de l'Occident. Ceux-là étaient nés dans les années 1920, alors que l'armée française sortie des tranchées jouissait encore de son surnom de « meilleure armée du monde ».
 
Une seule patrie : la France

Cette cohorte venue de tous horizons n'avait qu'une seule patrie : la France. La France, et sa langue, surtout, qu'ils chérissaient comme la plus adorée des maîtresses. Aznavour écrivait d'abord ses textes, et attendait patiemment que son bijou trouvât chaussure musicale à son pied.
Cela pouvait durer longtemps. Peu importait, le texte était toujours premier, la musique seconde. La musique était internationale, jazz dans ses débuts, et puis piochée dans tous les continents, les paroles étaient françaises. Aznavour plongeait dans les dictionnaires et n'en sortait que lorsque son texte était parfaitement poli : un diamant. Il s'était imprégné de tous les poètes français, jusqu'à ce qu'il fît corps avec eux, qu'il ait transformé en langue Aznavour ce qui était naguère à Hugo, Verlaine, Rimbaud, Lamartine, etc. C'est ainsi qu'on devient un auteur français. C'est ainsi qu'on est reconnu mondialement, y compris aux Etats-Unis, comme le plus grand chanteur du XXe siècle.
 
Il chantait l'amour, mais aussi la rupture, l'amour éconduit, la souffrance, le temps qui passe, la jeunesse qui s'enfuit. Il célébrait aussi la Vierge Marie et le charme des petites églises.
Certaines de ses chansons firent scandale. On les trouvait trop crues, jusqu'à l'indécence. Il en serait de même aujourd'hui. Nos ligues de vertu féministes n'apprécieraient pas « Donne tes seize ans », comme les associations LGBT auraient fait interdire les sarcasmes de Brel ou Brassens sur ceux qu'on n'appelait pas encore les gays.
 
Parce que le prénom arménien choisi par sa mère était trop compliqué, l'infirmière de la maternité l'avait changé en Charles. « J'aimerais la rencontrer pour la remercier », disait-il. Il avait même coupé son nom d'origine Aznavourian.
Le grand footballeur français des années 1950 avait fait de même, écourtant son patronyme polonais Kopaszewski en Kopa. L'assimilation avait des règles qu'aucun immigré ne refusait au nom d'une identité tyrannique et d'une individualité capricieuse.

A l'époque, les immigrés rejoignaient un pays et pas une diaspora. Ils adoptaient la culture, l'Histoire, les héros des Français de souche et ne leur imposaient pas, avec l'arrogance d'un colonisateur, leurs mœurs et coutumes étrangères. Aznavour le disait lui-même : « j'ai abandonné une grande partie de mon arménité pour être français… Il faut le faire. Ou alors il faut partir. »

Abandonner pour mieux conquérir.
Se dépouiller pour mieux se parer.
Se fondre pour mieux briller et accomplir un sublime destin français.

 

Eric  ZEMMOUR
Magistro
Article paru dans Le Figaro Magazine, 5 octobre 2018

 

Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

Source : www.asafrance.fr