HONNEUR : Le caporal-chef Maxime BLASCO, un exemple de courage et d’humilité

Posté le mardi 28 septembre 2021
HONNEUR : Le caporal-chef Maxime BLASCO, un exemple de courage et d’humilité

Le caporal-chef Maxime Blasco est tombé vendredi au combat, mortellement touché par un tir, alors qu’il était déployé dans le cadre de l’opération Barkhane au Mali.
Le colonel (er) des troupes de marine Michel Goya rend hommage à la bravoure de ce jeune soldat.

Nous sommes dans la nuit du 13 au 14 juin 2019, au Mali. Ils sont trois dans l’hélicoptère Gazelle, Kevin et Adrien dans le cockpit et Maxime, le tireur d’élite, à l’arrière les pieds sur les pantins. Tous les trois sont engagés dans un combat qui a déjà commencé depuis plusieurs heures contre une quarantaine de combattants djihadistes. Cela se passe mal. Dès son arrivée dans la zone, l’hélicoptère est accroché, percé, et chute. Le crash est très rude et tous se retrouvent brisés à l’intérieur alors qu’un incendie menace de tout faire exploser. N’écoutant que son courage, qui lui disait beaucoup, Paco, le chef de bord de l’hélicoptère Tigre évoluant à proximité, décide de se poser à une cinquantaine de mètres de là pour tenter de récupérer ses camarades au milieu de la zone de combat. Voyant cela et les flammes qui montent, Maxime surmonte ses douleurs et va chercher ses deux camarades encastrés dans le cockpit. Ils sont incapables de marcher. Qu’à cela ne tienne, Maxime les traîne jusqu’au Tigre. Petit détail : l’hélicoptère Tigre n’a aucune capacité de transport. Les trois hommes s’accrochent donc comme ils peuvent au train d’atterrissage et tiennent à la force des bras pendant les cinq minutes de vol jusqu’à un lieu plus sûr. En tout, du crash au posé du Tigre, douze minutes de courage pur.

Vous en avez entendu parler ? Il est probable que non. Éternel problème : la France a des hommes et des femmes ordinaires qui font régulièrement des choses extraordinaires loin de chez eux, mais peu le savent. Et quand par extraordinaire, on les voit sur le petit écran, on ne cite que rarement leur nom complet.

Maxime est tombé le 24 septembre dernier. Pour l’honorer complètement, on peut donc enfin dire son nom complet : Maxime Blasco. Pas sorti d’une grande école, pas riche héritier, pas joueur au Paris Saint-Germain, pas influenceur sur Instagram, Maxime n’avait aucune chance de faire la une, sauf peut-être en passant par « Le Meilleur Pâtissier », son premier métier. En fait, la pâtisserie, ce n’était pas son truc. Son truc, comme beaucoup d’hommes et de femmes qui s’engagent dans un régiment de combat, c’était justement le combat. Il a voulu une vie forte en échange du risque qu’elle soit brève, et, comme il était des Alpes, il s’est engagé au 7e bataillon de chasseurs alpins, où il a trouvé ce qu’il cherchait. Dès sa première opération, en Centrafrique, Maxime a participé au combat de Batangafo, dans le nord du pays, les 4 et 5 août 2014. Ce combat très violent a fait au moins 70 morts parmi ceux qui avaient attaqué les soldats français qui n’avaient alors eu que deux blessés, sans doute pas assez pour que cela intéresse plus les médias que les fausses accusations de pédophilie. Mais si on ne veut pas les voir et si l’armée ne sait pas les montrer, les bons combattants sont au moins reconnus en interne. Maxime Blasco, alors tireur d’élite, a reçu là la croix de la Valeur militaire et sa première citation. Pour les non-initiés, c’est la version de temps de paix de la croix de guerre, qui récompense de la même façon le courage au combat. Pour dévoiler la suite, Maxime Blasco en recevra quatre en sept ans.

Car bien entendu cela ne s’est pas arrêté là. Comme il était très bon, il a rapidement rejoint le groupement de commandos montagne, ce qui se fait de mieux à la 27e brigade d’infanterie de montagne. À partir de là, il a rejoint tous les ans à partir de septembre 2016, pour quatre mois à chaque fois, l’unité d’intervention aéromobile au camp de Gao, au Mali. Il a donc enchaîné aussi les combats à terre ou depuis l’hélicoptère où il servait comme tireur d’élite, un rôle d’autant plus lourd que l’on voit qui on tue et qui est également essentiel dans des engagements où il faut à tout prix éviter de tuer des innocents. L’importance des tireurs d’élite est considérable dans notre armée, quasi stratégique quand on considère le poids d’une seule erreur. Clint Eastwood a fait un film sur l’un d’entre eux, mais Clint Eastwood est américain et Maxime Blasco était infiniment plus humble que Chris Kyle, mais tout aussi accroché à sa mission et à ses potes, refusant tout poste « tranquille » après ses blessures pour les rejoindre plus vite.

Plein de combats, donc, dont un où il a stoppé un convoi ennemi à lui tout seul et cette fameuse nuit de juin 2019. Au bout du compte, Maxime Blasco est un des Français qui ont fait le plus de mal à nos ennemis djihadistes. Le président de la République l’a même décoré de la médaille militaire, il y a quelques mois seulement. Il faudra qu’on arrête un jour cette distinction aristocratique entre la Légion d’honneur pour les officiers et la médaille militaire pour les autres, mais il faut que les Français se rendent compte que recevoir la médaille militaire comme caporal-chef après neuf ans de service, c’est très exceptionnel. C’est comme recevoir une médaille d’or aux Jeux olympiques, mais discrètement.

Mais le combat est aussi forcément un risque. Pénétrer dans une zone de danger, c’est lancer un dé. Selon le résultat, on en sort le plus souvent indemne, on est parfois blessé dans son corps et son âme, on y perd aussi de temps en temps la vie. Le 24 septembre dernier, dans cette mission de reconnaissance près de la frontière burkinabée, le dé est mal tombé. L’ennemi n’était pas détruit après le passage des Tigre et il restait encore un homme pour tirer à bout portant sur Maxime, qui n’a sans doute, et comme souvent, même pas vu qui lui tirait dessus. Comme les héros de L’Iliade, le puissant destin s’est emparé de ses yeux et son âme s’est envolée sans souffrir. Celle de son ennemi n’a pas tardé à le rejoindre.

Ce n’est pas parce que nos soldats tombent que nous perdons les guerres. Si nos soldats tombent, c’est parce que nous acceptons comme nation qu’ils prennent des risques, ce qui reste à ce jour le seul moyen de vaincre nos ennemis. Pour autant, ils sont peu nombreux, ceux qui acceptent de pénétrer volontairement dans ces bulles de violence ; quelques dizaines de milliers tout au plus. Ils constituent un trésor national qui mérite sans doute plus, plus de moyens, d’attention, de considération. À tout le moins, le minimum est de ne pas attendre qu’ils soient tombés pour prendre conscience qu’ils sont grands.


MICHEL GOYA

Colonel (er)
Le Figaro - Alexandre Devecchio
27 septembre 2021

Source photo : Etat-major des Armées

Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr
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Source : www.asafrance.fr