BUDGET : Impératifs du budget militaire et crise COVID 19

Posté le lundi 25 mai 2020
BUDGET : Impératifs du budget militaire et crise COVID 19

Au nom de la résilience, les militaires défendent leur budget et se préparent pour le monde de l’après-Covid

Le Suffren, le premier des six sous-marins nucléaires d‘attaque du nouveau programme Barracuda, a réalisé son premier essai en mer au large de Cherbourg, fin avril. À Saint-Nazaire sur les chantiers navals, lundi, la ministre des Armées Florence Parly a fixé l’horizon pour doter la marine d’un nouveau porte-avions. « C’est ici que sera construit le porte-avions de nouvelle génération qui succédera au Charles-de-Gaulle en 2038 avec en ligne de mire 2036 pour les premiers essais à la mer », a-t-elle lancé.

Pendant l’épidémie du coronavirus, les armées semblent poursuivre leur chemin. Pourtant la crise économique qui commence menace tous ses programmes de reports ou de retards « inéluctables », dit-on au sein des armées. Alors les militaires préparent leurs arguments pour défendre leurs missions.

« Dans un monde post-crise Covid-19 plus dangereux encore, compte tenu du comportement violent de certains acteurs régionaux, d’un probable repli américain précipité et de l’activisme chinois », il ne faudra « pas désarmer et poursuivre, sinon accélérer, notre effort dans le cadre de la loi de programmation mili­taire », a expliqué le général Lecointre, chef d’état-major des armées, lors de son audition par la commission de la défense de l’Assemblée nationale le 22 avril. « Je compte sur les parlementaires pour porter ce message », a-t-il insisté.

Il a été entendu à l’Assemblée comme au Sénat, où les parlementaires plaident pour le maintien de l’effort en faveur de la défense. La ministre a, elle aussi, promis de défendre les crédits militaires. « Aucune des analyses qui ont fondé les choix de la loi de programmation militaire n’a été invalidée », a-t-elle affirmé. La LPM prévoit une augmentation continue du budget pour atteindre 295 milliards d’euros sur la période.

Mais inévitablement, le coronavirus va bousculer ces plans ainsi que l’équilibre sécuritaire international. Au sein des états-majors occidentaux, on estime que l’épidémie vient de tester chacune des puissances mondiales. Gare à celles qui en sortiront affaiblies.

« La crise planétaire que nous traversons se distingue par trois aspects : elle provoque un repli de tous les pays, constitue un égalisateur de puissance et fait peser une menace sérieuse tant sur l’économie mondiale, que sur la sécurité internationale et les systèmes politiques », a jugé le général Le­cointre devant les parlementaires. « Cette crise ne fait que conforter le diagnostic que nous avions déjà posé et qui militait pour un renforcement de la résilience de la nation et en particulier de son outil principal, les ­armées », a-t-il insisté.

Le concept de résilience appartient depuis longtemps à la réflexion stratégique des militaires. L’épidémie l’a mis à rude épreuve, ainsi que les armées, en touchant ses missions, son organisation mais aussi ses hommes. « La notion de résilience est d’abord une qualité individuelle : chaque soldat doit être résilient pour pouvoir accomplir sa mission, même en cas de choc de stress. Mais elle est aussi à voir d’un point de vue collectif : que la struc­ture ait suffisamment de souplesse pour faire face à un éventail de ­missions et de menaces », explique Guillaume Lasconjarias, chercheur associé à l’Ifri. Des années de rationalisations budgétaires, jusqu’à la dernière loi de programmation, ont cependant réduit les marges de manœuvre de l’institution.

« Identifier nos équipements les plus stratégiques » 

« Depuis des années, on privilégiait le management sur le commandement, l’efficience sur l’efficacité et la logique de flux sur la logique de stock », a sévèrement observé le général Lecointre à l’Assemblée. « Sans surprise, la crise a révélé que l’externalisation, comme la délocalisation de fonctions vitales et le manque tant de réserves de ressources humaines militaires que d’épaisseur organique, constituent autant d’entraves à notre pleine efficacité », a-t-il prévenu.

« La résilience n’est pas un luxe, même si elle ne fait pas toujours bon ménage avec l’efficience », a souligné le général Thierry Burkhard, chef d’état-major de l’armée de Terre, lors de son audition à l’Assemblée le 6 mai. « L’autonomie stratégique est bien évidemment une composante de cette résilience. Nous devons donc identifier nos équipements les plus stratégiques dont il faudra sécuriser toute la chaîne de valeur. En cas de guerre ou même de crise, nos ennemis feront tout pour nous empêcher de compléter nos stocks de munitions et de pièces de rechange. On ne saurait en constater l’insuffisance, comme cela a été le cas pour les stocks de masques, que seule la loi de l’offre et de la demande nous a empêchés de reconstituer plus rapidement », a-t-il mis en garde.

À plus court terme et à l’heure du déconfinement, les militaires doivent aussi rattraper le retard accumulé dans leur préparation ou dans leurs recrutements. Si cette « dette organique » continuait de se creuser, certaines opérations pourraient être revues. Début mai, la ministre a annoncé un plan de remontée progressive de l’activité.

Nicolas BAROTTE
Le Figaro
vendredi 22 mai 2020

 
Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

Source : www.asafrance.fr