INDUSTRIE DE DÉFENSE : Le GICAN adopte une nouvelle organisation. LIBRE OPINION de Vincent GROIZELEAU

Posté le mardi 28 août 2018
INDUSTRIE DE DÉFENSE : Le GICAN adopte une nouvelle organisation. LIBRE OPINION de Vincent GROIZELEAU

Le Groupement des Industries de Construction et Activités Navales, réunissant 180 industriels français de la filière, a annoncé hier une importante réorganisation.

Actuellement présidé par Hervé Guillou, patron de Naval Group, le syndicat professionnel se concentre désormais autour de six délégations formant trois grands pôles de compétences : Le premier, nommé « Vie de l’organisation », s’attache aux relations avec les adhérents, la valorisation des PME, la stratégie territoriale, la communication et les relations publiques. Le second pôle, intitulé « Métiers du naval », est dédié aux chantiers, activités civiles, équipementiers, énergies marines, ainsi qu’aux secteurs de la défense et de la sécurité. Enfin, la troisième jambe de ce trépied, « Industrie », se focalise sur la R&D, l’innovation, le numérique, l’internationalisation des entreprises et l’export.

 

Trois nouveaux délégués

Six postes de délégués sont placés sous la responsabilité de François Lambert, délégué général du GICAN, dont trois ont été récemment nommés: Jean-Marie Dumon s’occupera de la défense et sécurité, Arnaud Martens da Torre de l’export et de l’internationalisation des entreprises, et Jacques Orjubin de la communication et des relations publiques. S’y ajoutent Marie-Christine Mechet pour les relations avec les adhérents et la stratégie territoriale, ainsi que Thomas Lockhart pour la R&D, l’innovation et le numérique. Quant aux chantiers et activités civiles, ils sont gérés directement par François Lambert qui cumule la fonction de délégué pour cette partie en plus de son poste de DG du GICAN.
Rien ne change en revanche du côté de la Sogena, la société du GICAN chargée de l’organisation d’évènements, à commencer par Euronaval. Cette entité conserve Hughes du Plessis d’Argentré comme directeur général et Bérangère Corbel comme directrice déléguée du pôle Salons.

 

« Une demande forte des adhérents »

La réorganisation du GICAN est le fruit, explique-t-on au sein du groupement, d’une volonté interne : « Cette décision découle d’une demande forte des adhérents de voir l’organisation se restructurer, demande qui avait été formellement présentée lors du Conseil d’administration du 13 avril dernier. Cette évolution vise à former de véritables pôles de compétences pour ensuite fédérer l’action du GICAN autour de buts précis et dans le même temps structurer les relations avec les adhérents ».

 

Une profonde évolution depuis 10 ans

Le GICAN a pour mémoire profondément évolué depuis 10 ans. Ainsi, l’ancien Groupement Industriel des Constructions et Armements Navals, historiquement très étatique et concentré sur le secteur militaire (à l’image du GIFAS pour l’industrie aéronautique et du GICAT pour l’armement terrestre), avait intégré en 2005 le Comité français des équipementiers du naval (COFRENA). Puis, en 2006, l'Association des technologies de sécurité maritime (ATECHMAR). Passant alors de 35 à 134 membres, il avait fini par fusionner, en 2008, avec la Chambre Syndicale des Constructeurs de Navires (CSCN), dont la plupart des membres étaient déjà présents dans le GICAN, à l’image de Naval Group (alors DCNS), des chantiers de Saint-Nazaire, de CMN ou encore de Piriou. C’est à cette époque que le syndicat a conservé son acronyme mais fait évoluer sa signification.

 

Le difficile mariage du civil et du militaire

Ce rapprochement avec l’ancienne CSCN avait pour objectif de réunir sous une même bannière tous les industriels français du naval. De grands groupes comme des PME et ETI travaillant dans le secteur militaire et/ou civil, la frontière s’étant à l’époque sérieusement amoindrie avec des entreprises travaillant de plus en plus pour les deux milieux. Mais le tropisme de l’organisation pour les bateaux gris, marqué par le poids de l’ex-DCNS et au sein de la structure, l’influence du ministère de la Défense et l’organisation du salon Euronaval (principale ressource financière externe du GICAN), a perduré. Ce qui a progressivement suscité des critiques de la part d’adhérents, à commencer par ceux plutôt orientés sur les activités civiles. Au point que certains ont fini par claquer la porte, à l’image des chantiers nazairiens, qui ont assez récemment décidé de revenir dans le groupement, pour des raisons « politiques » probablement, mais aussi sans doute du fait d’engagements quant aux évolutions du groupement.  

 

Risque de marginalisation et menaces sur Euronaval

En plus des dissensions internes, les ambitions du GICAN de devenir le porte-drapeau de l’industrie navale française, objectif affiché de la fusion de 2008 avec la CSCN, se sont trouvées contrariées par la montée en puissance d’une autre structure, créée deux ans plus tôt. Sous l’impulsion d’une équipe très dynamique, le Cluster Maritime Français a rapidement fédéré le gros des acteurs d’une économie maritime en pleine évolution. Alors que le GICAN « ronronnait dans ses habitudes », selon les termes d’un de ses membres, le CMF s’est progressivement imposé comme un interlocuteur incontournable dans les relations entre les filières maritimes et les institutions, tout en devenant le porte-voix médiatique du maritime.

Menacé de marginalisation, attaqué par une partie de ses membres sur son côté « parisien », « étatique » voire « technocratique », comme son penchant trop marqué pour le militaire, le GICAN n’avait d’autre choix que d’entreprendre une réelle mutation. Y compris d’ailleurs pour sécuriser Euronaval, qu’il avait été question, du temps où Hervé Morin détenait le portefeuille de la Défense, de fusionner avec Eurosatory, son pendant pour l’armement terrestre. Aujourd’hui encore, certains au ministère des Armées verraient d’un bon œil, pour réduire les coûts, de rapprocher les deux salons, qui se déroulent la même année et impliquent d’inviter à quelques mois d’écart seulement de nombreuses délégations internationales. Mais les organisations comme leurs adhérents concernés s’y sont toujours opposés avec la plus grande vigueur, arguant non sans raison de l’intérêt de thématiser les évènements pour plus d’efficacité. Toujours est-il que pour contrer toute nouvelle tentative de fusion, le renforcement significatif du poids comme de l’influence du GICAN est apparu comme un bouclier indispensable.

 

Hervé Guillou impose la transformation

Après une longue gestation, le groupement accouche donc de sa nouvelle organisation. Une évolution qui s’est en réalité faite progressivement, à la faveur du renouvellement des équipes. Elle a débuté en 2014, quand Patrick Boissier a remplacé Jean-Marie Poimboeuf comme président, alors qu’un officier de marine, Hughes d’Argentré, succédait à Jean-Marie Carnet au poste de délégué général, travaillant dès cette époque à l’évolution de la structure. Mais les choses se sont clairement accélérées l’an dernier, lorsqu’Hervé Guillou a remplacé Patrick Boissier et que François Lambert, ancien administrateur des Affaires maritimes et conseiller mer au sein des cabinets des ministres Frédéric Cuvillier et Alain Vidalies, a pris la place d’Hughes d’Argentré (ce dernier prenant alors la direction générale de la Sogena).

Le nouveau président a fixé au DG un objectif clair : redynamiser le GICAN, en faire un puissant outil de lobbying auprès des institutions et adapter sa structuration à l’évolution du secteur naval et aux besoins de ses membres.

 

Alliance avec l’industrie nautique et les énergies marines

Pour y parvenir, le GICAN profite notamment de la relance, voulue par l’Etat, des comités stratégiques au sein de chaque grande filière de l’industrie française. Pour peser plus lourd, y compris sur des sujets militaires, face à des mastodontes comme l’aéronautique ou l’automobile, le GICAN s’est allié à la puissante Fédération des Industries Nautiques et à la Fédération des Energies Marines renouvelables. Ensemble, ils animent le « Comité Stratégique de Filière des Industries de la Mer », qui vise à identifier des axes de développement porteurs et obtenir de l’Etat des crédits, en particulier pour l’innovation dans le cadre des contrats de filière.

 

Rééquilibrage avec le civil et développement international

C’est dans ce contexte de consolidation de ce Comité stratégique que l’organisation se restructure désormais. Une évolution dont l’un des objectifs, explique-t-on au GICAN, est de « rééquilibrer les activités civiles et militaires », même si l’on admet que « ce sera difficile d’atteindre du 50/50 ». L’international est par ailleurs l’un des grands axes stratégiques du syndicat professionnel. « Nous allons accentuer notre présence sur les salons à l’étranger afin de mettre en avant la filière française et accompagner les entreprises, les grands groupes mais aussi les PME et ETI, qu’il faut aider à se développer à l’international ». Le GICAN sera par exemple présent la semaine prochaine au SMM de Hambourg, le plus grand rendez-vous mondial du secteur maritime. A cette occasion seront d’ailleurs remis avec Business France, le 4 septembre sur le pavillon français du salon, les French Maritime Awards, qui récompenseront des PME tricolores s’étant illustrées en matière d’innovation et de développement international.

 

L’enjeu crucial des métiers de la navale

Le nouveau GICAN est également très attendu sur la question des métiers du naval, de nombreuses entreprises du secteur, dont les chantiers, éprouvant les pires difficultés à recruter certaines compétences. Depuis plusieurs années déjà, des adhérents réclament la mise en place d’actions fortes et concertées avec les pouvoirs publics pour faire connaitre et rendre attractifs auprès des jeunes les métiers en tension, une problématique qui passe aussi par le renforcement des structures d’enseignement et de formation. Le dossier est complexe mais crucial pour entretenir des savoir-faire parfois critiques.

 

Complémentarité avec le CMF

Quant au positionnement par rapport au CMF, un proche du GICAN assure que cela « ne pose pas de problème. Il n’y a pas de compétition, ce sont deux structures différentes et complémentaires, le Cluster œuvrant sur l’ensemble du spectre maritime, dans lequel évoluent différents syndicats professionnels qui défendent leurs intérêts spécifiques ». Ce qui ne doit évidemment pas empêcher de se coordonner et travailler en bonne intelligence.

 

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Vincent GROIZELEAU
Mer et Marine

Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

Source : www.asafrance.fr