INDUSTRIE DE DEFENSE  : L’industrie de défense confrontée au défi de son financement  

Posté le jeudi 13 août 2020
INDUSTRIE DE DEFENSE  : L’industrie de défense confrontée au défi de son financement   

Un rapport parlementaire s’inquiète des conséquences de la crise et évoque des pistes pour attirer les capitaux.

L’alerte a été donnée. L’industrie de défense est menacée par la crise économique à venir. Déficits abyssaux des États, effondrement potentiel des exportations, fragilisation des entreprises duales comme celles de l’aéronautique, touchées de plein fouet. Au sein des états-majors, l’inquiétude est manifeste, car si les entreprises ne suivent pas, l’approvisionnement des armées, leurs capacités et leur résilience s’en trouveront menacés. Dans ce contexte, les réflexions se multiplient sur le soutien à apporter à la « BITD », la base industrielle et technologique de défense qui pèse 4 000 entreprises et 200 000 emplois.

« Le risque est que le business model de notre industrie de défense en lui-même soit mis à mal par la crise et ce d’une façon profonde, peut-être irréversible », s’inquiètent les députés Jean-Louis Thiériot (LR) et Benjamin Griveaux (LREM) dans un rapport rendu public fin juillet. « Le maintien d’une industrie de défense autonome constitue une condition sine qua non de notre autonomie stratégique, c’est-à-dire de notre souveraineté », insistent-ils en plaidant pour un « effort de relance indispensable ». Les mots font écho au ministère des Armées, où l’on promet de se battre pour le maintien en valeur absolue de l’effort prévu par la loi de programmation militaire 2019-2025.

Les deux rapporteurs mettent en garde contre un « effet de falaise » si les commandes ne sont pas confirmées. « Le pire est à craindre à partir de l’automne : le dernier trimestre et le premier semestre 2021 doivent appeler à une immense vigilance pour préserver notre écosystème industrie », disent-ils, en prônant une accélération de certains programmes phares comme la construction du porte-avions de nouvelle génération ou l’achat anticipé d’une vingtaine d’avions Rafale construits par Dassault Aviation*.

Mais les vœux pieux, mêmes appuyés sur de solides analyses géostratégiques alertant sur l’état du monde, se heurtent parfois à la réalité politique et économique. Ainsi le Fonds européen de défense (FED), imaginé à 13 milliards d’euros, a été réduit à 7 milliards d’euros lors du dernier sommet européen. Dans leur rapport, Jean-Louis Thiériot et Benjamin Griveaux imaginaient la France bénéficier de cette manne à hauteur de 20 % à 25 %. Et encore faut-il savoir quels projets seront sélectionnés pour ce FED, qui risque, vu de Bruxelles d’être utilisé comme un fonds de cohésion destiné à arroser les territoires plutôt que cibler des technologies stratégiques.

Fonds étrangers à l’affût 

L’argent risque de manquer à la BITD. Le rapport parlementaire propose donc entre autres de faciliter l’accès aux capitaux. Plusieurs fonds de soutien existent déjà comme Definvest. « Treize millions d’euros de prises de participation sont d’ores et déjà fermes, 12 millions d’euros sont en cours de traitement et le fonds aura désormais 75 millions d’euros supplémentaires pour atteindre un montant total de 100 millions d’euros », écrivent les deux députés.
Un autre fonds, destiné à soutenir la recherche dans les technologies de rupture doit aussi être mis en place. Mais les moyens alloués à Definnov ne sont pas encore arrêtés. Ils ne suffiront pas, quoi qu’il en soit. Jean-Louis Thiériot et Benjamin Griveaux proposent donc la création d’un fonds « largement doté - abondé le cas échéant par l’État au titre du plan de relance - avec pour spécialité l’investissement dans les actifs stratégiques ».

D’autres idées circulent en ­coulisses et dans le milieu de la défense. Pour un haut fonctionnaire familier de ces questions, il est nécessaire de réfléchir à « la création d’un véhicule d’investissement hybride permettant de réunir des investisseurs publics, parapublics (comme les caisses de retraite) et privés (comme des fonds de pension, des compagnies d’assurances) ». Mais les réticences sont parfois fortes dans ce milieu habitué aux commandes publiques. « Cela leur semble plus simple », note-t-il.

Faute d’investisseurs français, les pépites de la BITD peuvent devenir vulnérables aux fonds étrangers. C’est le cas par exemple de Photonis. Spécialisée dans la vision nocturne, l’entreprise a suscité l’intérêt du fonds américain Teledyne. Le ministère des Armées a bloqué l’opération, sollicitant ­Thales et Safran. Mais ces deux derniers n’ont pas donné suite. L’Élysée a tranché. Il a autorisé, sous conditions, Teledyne à ­reprendre Photonis.

D’autres projets de financement se veulent plus avancés pour soutenir l’industrie de défense. Guy Somekh et Fabrice Wolf, deux spécialistes de la défense et du monde des affaires, ont ainsi dé­cidé de lancer Europa-Défense-Group pour offrir « une alterna­tive » aux modes de financement traditionnels des programmes de défense, notamment en matière d’innovation. L’entreprise se compose d’un fonds d’investis­sement, d’une banque spécialisée dans la défense et d’une offre de leasing. Si l’offre de location de matériels militaires n’a jamais convaincu les armées, l’idée d’une banque pourrait séduire. Le fonds d’investissement serait lui abondé par des produits d’épargne.

Nicolas BAROTTE
Figaro

Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

Source : www.asafrance.fr