INDUSTRIE : Un nouveau capitaine à bord de Naval Group

Posté le lundi 27 janvier 2020
INDUSTRIE : Un nouveau capitaine à bord de Naval Group

Pas de changement de cap pour Naval Group. La stratégie de Pierre-Eric Pommellet devra s'inscrire dans les pas de celle d'Hervé Guillou. Mais il devra apaiser les relations entre son ancien et nouveau groupe.

 

Qu'on se le dise, Pierre-Eric Pommellet, nommé PDG de Naval Group à partir de fin mars (24-25 mars ?), a été choisi par l'Etat, et seulement par l'Etat, qui assume ce choix en déshabillant quelque peu Thales. Et ce n'est pas le groupe présidé par Patrice Caine, qui perd son numéro deux, qui l'a imposé pour mettre au pas le groupe naval, expliquent des sources gouvernementales.
Pierre-Eric Pommellet "n'est pas l'homme de Thales chez Naval Group, résume-t-on pour clore ce feux débat, qui pourrait enflammer le corps social de groupe naval. Il n'y a pas non plus d'agenda caché". Un propos également destiné à couper court à tous les fantasmes sur une prochaine évolution du capital de Naval Group avec une prise de pouvoir de Thales, qui détient déjà 35 % du capital. 

"Certains se plairont à lire la nomination de Pierre-Eric Pommellet comme une victoire de Thales sur Naval Group, une mainmise de Thales sur Naval Group. Mais c'est l'Etat qui a proposé Pierre-Eric Pommellet et nous avons simplement pris l'avis de Thales", affirme une source gouvernementale.
"Au final, le directeur général de Thales cochait toutes nos cases : profil industriel, connaisseur du grand export, connaisseur du milieu défense, loyal et compétent".

Le prochain conseil d'administration, réuni en février prochain, validera le choix du comité des nominations effectué ce vendredi, puis ce sera au tour de l'assemblée générale prévue en mars. Enfin, sa nomination sera formalisée par décret du président de la République. Par ailleurs la lettre de mission de Pierre-Eric Pommellet, dit PEP, est claire : "pas d'infléchissement stratégique" par rapport à la présidence d'Hervé Guillou, précisent des sources gouvernementales. Naval Group doit rester "autonome" (sous-entendu par rapport à Thales), c'est-à-dire avec sa propre "liberté d'entreprendre, d'innover et de commercer".
"La stratégie de Naval Group reste la même, être un leader mondial de conception, de design, de construction de bateaux militaires fortement armés",
ont-elles affirmé.

 

Les quatre priorités de Pierre-Eric Pommellet à la tête de Naval Group

 

1/ Livrer dans les délais et dans les clous les programmes nationaux

Quand Pierre-Eric Pommellet se lèvera le matin, il devra "se dire est-ce que les bateaux que je dois à la marine nationale sont dans les clous et dans les délais". Dans sa lettre de mission, va donc figurer au premier rang des priorités de PEP, la livraison des programmes nationaux. "La feuille de route de M. Pommellet, avant tout autre chose, c'est délivrer les programmes nationaux", explique une source gouvernementale. Et il y en a beaucoup ! C'est le cas des sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda, que Naval Group doit livrer cet été. Ce sera aussi le cas du programme SNLE de 3e génération, du choix de la propulsion du futur porte-avions pris par cette année, des livraisons des frégates de défense et d'intervention (FDI). Des programmes majeurs pour la France. Bref, PEP devra avoir du peps...

"Le carnet de commandes est copieusement garni et on s'en félicite. Mais la raison d'être de Naval Group est servir les intérêts de la défense, de pérenniser la marine nationale et notre outil de dissuasion. C'est la mission numéro une de Pierre-Eric Pommellet", explique une source gouvernementale.

 

2/ Pacifier les relations entre Naval Group et Thales

Entre Naval Group et Thales, les relations ont toujours été compliquées surtout depuis que Thales est actionnaire. C'est d'ailleurs souvent le cas entre un maître d'oeuvre et un équipementier. Ces cinq dernières années, ces relations se sont même détériorées en raison de l'inimitié forte que se portent Hervé Guillou et Patrice Caine. Ce qui a généré pas mal de coups de gueule et de la méfiance entre les deux groupes. Le sommet a été atteint lors de l'appel d'offres commun lancé par la Belgique et les Pays-Bas sur la guerre des mines. C'est le casque bleu Pommellet qui va s'atteler à trouver des solutions pour pacifier les relations entre les deux groupes. Il est le plus à même pour le faire en raison de sa bonne entente avec Patrice Caine et de sa connaissance intime de Thales et des dossiers.

Pour parvenir à cet objectif, les deux groupes devront retravailler avant toute autre chose sur l'accord de coopération industriel et commercial, qui avait été négocié au moment de l'entrée de Thales dans le capital de Naval Group en 2007. Il définit la frontière de qui fait quoi sur le marché national, à l'export etc... Cet accord n'interdit pas à Thales - c'est mentionné explicitement - de vendre ses équipements à des maîtres d'œuvre étrangers. "C'est tout à fait prévu par les textes. Il n'y a pas de débat là-dessus", rappelle une source gouvernementale. Ce travail de modernisation devra donc faire apparaître les zones d'ombre, qui créent des divergences entre les deux groupes. Ce travail de clarification est important pour que Thales et Naval Group repartent sur des bases totalement saines.

 

3/ Mener à bon port le contrat australien

Pierre-Eric Pommellet sera également scruté sur sa façon de mener à bon port le contrat australien (sous-marins Barracuda), qui génère actuellement quelques inquiétudes. Un léger retard sur le franchissement d'un premier jalon a été constaté fin octobre et pointé du doigt en Australie. Un premier jalon que Naval Group aurait été bien avisé le tenir mais cela ne reste qu'un petit retard de six semaines environ sur un programme, qui va s'étaler sur 40 ans. "A ce stade il n'y a pas péril en la demeure, il n'y pas d'inquiétude", estime une source gouvernementale. Il faut raison garder d'autant que Naval Group dialogue également avec Lockheed Martin, qui fournit un certain nombre de données d'interface sur le CMS (système de management de combat).

Le prochain jalon important de ce programme hors-norme est fixé début 2021. Naval Group et la France sont "très concentrés" sur la réussite de ce jalon, note une source gouvernementale. D'une façon générale, "il y a une bonne entente entre les deux partenaires, entre Naval Group et le ministère de la Défense australien", assure cette même source, qui pointe du doigt des instrumentalisations politiques locales sur ce retard minime. La ministre des Armées Florence Parly, qui va croiser son homologue australien à la conférence de sécurité de Munich mi-février, pourra alors faire un nouveau point précis sur l'avancement du programme.

 

4/ Faire vivre la coopération franco-italienne

Pierre-Eric Pommellet devra également faire vivre la société commune entre Naval Group et Fincantieri, Naviris, qui est opérationnelle depuis le 13 janvier. Elle reste sous surveillance étroite de la France. "Cette joint-venture devra démontrer des résultats ou pas. Si elle en démontre, on continuera et on pourra même resserrer nos liens. Si elle n'en démontre pas, on en tirera les conclusions. A ce stade, ce ne sont que des fiançailles", rappelle une source gouvernementale. Les résultats de Naviris seront notamment jugés sur les projets communs que la France et l'Italie ont déjà identifié, notamment la rénovation à mi-vie des frégates Horizon, qui arrivera en milieu de loi de programmation militaire (LPM).

D'autres projets à plus long terme sont également visés comme le projet de frégates légères, prévu après la LPM pour succéder aux frégates de surveillance. Naviris devra travailler sur toute une série travaux de R&D (Recherche et Développement) sur les piles à combustibles, le navire autonome ou encore la stabilisation des plateformes. Des projets qui pourront être mutualisées entre Naval Group et Fincantieri. Enfin, Naviris mènera une politique commerciale export commune dans les bâtiments de surface. Ce sera d'ailleurs l'une des clés de réussite ou pas de cette société commune.

 

Michel CABIROL
La Tribune


Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

 

 

Source : www.asafrance.fr