ISRAEL, le plan de paix de TRUMP prend l'eau.

Posté le vendredi 31 mai 2019
ISRAEL, le plan de paix de TRUMP prend l'eau.

Israël :
la Knesset se saborde,
le plan de paix de Trump prend l’eau


Le correspondant du Monde à Jérusalem nous l’apprenait sans tarder, et en détail : « Mercredi 29 mai vers minuit, par 74 voix contre 45, les députés de la 21e Knesset ont voté la dissolution de leur assemblée, élue le 9 avril. Un sabordage sans précédent, dû à la fois aux particularités du système parlementaire israélien et à la volonté farouche de Benyamin Nétanyahou de s’accrocher au pouvoir à tout prix » (1).
Après six semaines de négociations, le Premier ministre n’est pas parvenu, pour former un gouvernement, à rallier son ancien ministre de la Défense, Avigdor Lieberman, chef du parti Israël Beytenou (Israël notre maison). Officiellement, le point de discorde concerne l’exemption de service militaire dont bénéficient les « haredim », les juifs religieux qui consacrent leur vie à l’étude des textes. Les partis ultra-orthodoxes, Shas et Yahadout, qui ont conquis 16 sièges sur 120 le 9 avril (contre 13 précédemment) souhaitaient amender le texte soumis par Lieberman pour accroître leur participation à la conscription. « Actuellement, seul un dixième environ des quelque 30 000 hommes ultra-orthodoxes éligibles s’enrôlent dans l’armée israélienne chaque année » expliquait pour sa part David Horovitz dans le Times of Israël (2). « Le projet de loi défendu par Lieberman prévoyait une augmentation progressive, guère extraordinaire, à près de 7 000 recrues ultra-orthodoxes en 2027 ».

Que se passe-t-il au-delà d’un conflit somme toute quasi résolu, puisque la Cour suprême israélienne s’est déjà saisie du problème, « a invalidé, à plusieurs reprises, la législation précédente qui exonérait largement du projet la population masculine ultra-orthodoxe masculine », la considérant comme anti constitutionnelle ? Et avait fixé au 28 juillet le délai maximum pour que le gouvernement adopte une législation conforme ? Bien sûr, il y a les relations de rivalité entre Nétanyahou et Lieberman « tantôt directeur du cabinet du Premier ministre (1996-1999), tantôt ministre des Affaires étrangères, ministre de la Défense » - et chef d’un parti concurrent du Likoud. Avigdor Lieberman veut le poste de Nétanyahou. Et le moment est propice, puisque Nétanyahou ne pourra pas « faire adopter une législation qui le protège des poursuites dans trois affaires pénales qui pourraient survenir ». Affaire sérieuse puisqu’un processus d’inculpation a été lancé par le procureur général d’Israël contre lui en mars dernier pour corruption, abus de confiance et fraude (3). Il doit être entendu le 2 octobre prochain. En sus, précise le Monde, on apprenait le même 29 mai que « Sara Nétanyahou avait accepté une procédure de plaider coupable avec le parquet général, pour éviter un procès dans l’enquête sur les frais de bouche. Elle était soupçonnée d’abus de fonds publics, pour avoir commandé pour environ 89 000 euros de repas dans d’excellents restaurants, alors même qu’un chef est employé dans la résidence du Premier ministre » (1).

Les prochaines élections sont fixées au 17 septembre prochain. Une perspective que le président israélien, Réouven Rivlin, désirait éviter, à la fois pour le coût de l’opération, estimée à 118 millions de dollars par le ministère des Finances quand les caisses sont vides, et parce que la population israélienne n’en a aucunement le souhait, les sondages donnant des résultats équivalents à ceux d’avril dernier qui avaient offert une très courte majorité au Likoud devant le parti Bleu et Blanc de l’ancien chef d’état-major Benny Ganz.

Mais c’est peut-être Donald Trump que ce retour aux urnes pénalise le plus. En mettant à mal son plan « du siècle » pour régler le différend israélo-palestinien. Lequel est travaillé depuis deux ans dans l’ombre par son gendre et conseiller Jared Kushner, avec une petite équipe d’Israéliens, bien sûr proche de Benyamin Nétanyahou. Plan qui devait être révélé en juin, après la fin du ramadan, et donc de l’installation d’un nouveau gouvernement de l’allié privilégié de Donald Trump – qui ne verra pas le jour.
Quel sera le nouvel agenda ? Repoussé aux calendes ? Jared Kushner avait commencé à dévoiler le schéma général de son plan le 2 mai dernier devant le Washington Institute, un cercle de réflexion américain (4), après en avoir plusieurs fois reporté la publication. Une première approche reprise et développée, à partir d’un document divulgué par le ministère des Affaires étrangères israélien, dans un journal en hébreu, Israël Hayom, le 7 mai, puis relayée en français par le site russe Sputnik (5).

Quelles en sont les grandes lignes ?

Et d’abord, comment l’imposer quand, avant même d’être vraiment connu, le plan est contesté aussi bien à l’Ouest - en Europe (6), mais il a des détracteurs aux Etats-Unis (7) - qu’à l’Est, en Russie par exemple (8) ? Jared Kushner se défendant de trancher le problème d’un ou de deux Etats (« Si vous dites ‘deux Etats’, cela veut dire une chose pour les Israéliens, une autre pour les Palestiniens, aussi ne l’avons-nous pas dit »), c’est le principe du règlement à deux Etats préconisé par l’ONU (9) qui n’est pas respecté. A l’examen de ce que dévoile Sputnik à partir de sources israéliennes, la méthode est claire, très « trumpienne » : si Israël s’oppose aux accords proposés, les Etats-Unis cesseront de soutenir économiquement le pays. De même, si le Hamas (à Gaza) et l’OLP (Organisation de libération de la Palestine, en Cisjordanie) les refusent, les Etats-Unis ne soutiendront plus financièrement les Palestiniens et feront en sorte qu’aucun pays ne le fasse. Mieux : si l’OLP accepte mais que le Hamas ou le Jihad islamique refusent, « les Etats-Unis traduiront en justice des leaders de ces mouvements » et « lors de la prochaine vague de violence entre Israël et le Hamas, les Etats-Unis soutiendront Israël pour nuire personnellement aux leaders du Hamas et du Jihad islamique ».

Qu’est-ce qui est proposé ?

La création d’une « Nouvelle Palestine » composée de Gaza et de la Cisjordanie à l’exception des colonies israéliennes (voir l’infographie) qui appartiendront à Israël. ‘Nouvelle Palestine’ à laquelle sera adjoint un territoire (au sud de la bande de Gaza) loué par l’Egypte « où seront construits un aéroport, des usines et où se développeront l’agriculture et le commerce », en cinq ans. Gaza et la Cisjordanie seront reliés par une autoroute construite par la Chine à trente mètres au-dessus du sol. D’autres dispositions concernent les infrastructures (route entre le nord et le sud d’Israël payante à quatre voies, passages pour hommes et marchandises aux frontières, deux voies reliant la ‘Nouvelle Palestine’ et la Jordanie à l’est, voir la carte). Enfin, « Jérusalem sera la capitale à la fois d’Israël et de la ‘Nouvelle Palestine’. Les habitants arabes de Jérusalem deviendront des citoyens de la ‘Nouvelle Palestine’. La municipalité de Jérusalem administrera tous les quartiers de Jérusalem excepté ceux administrés par le nouveau gouvernement palestinien ». Et, apparemment pour figer la situation, « il sera interdit aux Juifs d’acheter des maisons arabes, et aux arabes d’acheter des maisons juives ». Enfin, « aucun territoire supplémentaire ne sera annexé à Jérusalem ». Le statut des lieux saints ne sera pas révisé. Et la vallée du Jourdain appartiendra à Israël.  

Qui financera ce projet ?

Selon l’infographie de Sputnik, ce sont les pays qui soutiendront l’accord qui alloueront 30 milliards de dollars à la ‘Nouvelle Palestine’, à savoir : 70% par les pays producteurs de pétrole du Golfe persique à proportion de leur production, 20% par les Etats-Unis et 10% par l’Union européenne. En ce qui concerne l’autoroute en surplomb reliant Gaza et la Cisjordanie, la Chine en financera 50%, les USA et l’UE 10%, Japon, Corée du Sud, Australie et Canada 10% chacun. On sait que Jared Kushner a multiplié ses contacts, mais il n’est pas précisé si chacun des pays concernés a donné son accord.

Quant aux ‘capacités de défense’ ?

 Israël, après signature de l’accord, « garantira aux Palestiniens la protection contre une agression extérieure », payée par les Palestiniens « montant concerté entre les parties avec la médiation des ‘pays qui soutiennent l’accord’ ». Lesquels Palestiniens n’auront donc pas d’armée, seule la police disposant d’armes légères. Le Hamas, rémunéré par les ‘pays qui soutiennent l’accord’ « jusqu’à la formation d’un nouveau gouvernement »,  renonçant à détenir des armes.

Sans même parler du fond, qui provoque déjà les réactions passionnées qu’on imagine où que l’on regarde, y compris en Israël, c’est déjà le calendrier qui est pénalisant pour Jared Kushner – qui avait pris soin de prévenir que Donald Trump n’avait pas encore vu le plan en entier. Un plan, disait-il devant le Washington Institute, qui tenait à « une vision économique de la région » pour laquelle il avait le sentiment, « d’avoir construit un très bon business plan ». Ce après avoir étudié « ce qu’ils avaient fait en Pologne, et comment ils avaient réussi, étudié aussi la Corée du Sud, le Japon, Singapour », et même « l’Ukraine, où ils avaient un bon plan mais une mauvaise exécution et presque pas de gouvernance ». Le président américain a renouvelé, avec véhémence, son soutien à Benyamin Nétanyahou après sa défaite. Mais on ne sait pas ce que sera la « gouvernance » d’Israël dans les mois qui viennent, ni si la pièce essentielle pour Donald Trump, son complice Benyamin Nétanyahou, ne va pas sortir du jeu. Sachant par ailleurs que le trouble-fête Avigdor Lieberman a dit-on une vision bien différente de celle du président américain.

Ce qu’on peut dire pour le moins, c’est qu’après de multiples tentatives de paix échouées, le « deal du siècle » a pris l’eau avec le suicide de la Knesset. A suivre, donc.

 

Hélène NOUAILLE
La lettre de Léosthène 

 

Infographie :

Clauses du plan américain de règlement (carte, infographies, cliquer pour agrandir)
Source : https://www.israelhayom.co.il/
https://cdnfr2.img.sputniknews.com/images/104119/99/1041199957.png

Notes :

(1) Le Monde, le 29 mai 2019, Piotr Smolar, Israël : Nétanyahou échoue à former une coalition, la Knesset dissoute
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/05/29/benyamin-netanyahou-echoue-a-former-une-coalition-vers-de-nouvelles-elections-en-israel_5469332_3210.html 

 (2) The Times of Israël, le 27 mai 2019, David Horovitz, Conscription des Haredim : la pression de Lieberman sur Nétanyahou
https://fr.timesofisrael.com/conscription-des-haredim-la-pression-de-liberman-sur-netanyahu-et-de-lironie/

 (3) Le Figaro, le 1er mars 2019, Thierry Oberlé, Israël : coup dur judiciaire pour Benyamin Nétanyahou
http://www.lefigaro.fr/international/2019/02/28/01003-20190228ARTFIG00272-israel-coup-dur-judiciaire-pour-netanyahou.php

 (4) The Washington Institute, le 2 mai 2019, Jared Kushner et Robert Statloff, Inside the Trump Administration’s Middle East Effort : A Conversation with Jared Kushner (vidéo)
https://www.washingtoninstitute.org/policy-analysis/view/inside-the-trump-administrations-middle-east-peace-effort-a-conversation-wi

Transcription écrite :
https://www.washingtoninstitute.org/uploads/Documents/testimony/KushnerConversation-Soref2019-Transcript-FINAL.pdf

(5) Sputnik, le 21 mai 2019, Le « deal su siècle » . Les détails du plan américain pour le règlement israélo-palestinien
https://fr.sputniknews.com/infographies/201905211041200239-le-deal-du-siecle-les-details-du-plan-americain-pour-le-reglement-du-conflit-israelo-palestinien/ 

(6) Les Echos, le 15 avril 2019, Jacques-Hubert Rodier, Israël-Palestine : Européens et Américains aux antipodes
https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/israel-palestine-europeens-et-americains-aux-antipodes-1009561 

(7) The Washington Post, le 7 mai 2019, William J. Burns, Trump’s ‘deal of the century’ for Arab-Israeli peace is doomed by delusions
https://www.washingtonpost.com/opinions/global-opinions/trumps-deal-of-the-century-for-arab-israeli-peace-is-doomed-by-delusions/2019/05/07/451d82b2-70d5-11e9-9eb4-0828f5389013_story.html?noredirect=on&utm_term=.104502334481 

(8) Sputnik, le 3 mai 2019, Lavrov s’exprime sur le « deal du siècle » US destiné à Régler le conflit au Proche-Orient
https://fr.sputniknews.com/russie/201903031040223603-lavrov-doutes-accord-siecle-palestine-israel/

(9) ONU, le 28 novembre 2019, La solution à deux Etats, la seule option possible pour la paix entre Israéliens et Palestiniens
https://news.un.org/fr/story/2018/11/1030261


Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

Source : www.asafrance.fr