JDC : Communication du rapport "La Journée Défense et Citoyenneté" (JDC) de la Cour des comptes à la Commission des finances du Sénat.

Posté le dimanche 20 mars 2016
JDC : Communication du rapport "La Journée Défense et Citoyenneté" (JDC) de la Cour des comptes à la Commission des finances du Sénat.

LA JOURNÉE DÉFENSE ET CITOYENNETÉ

Communication du rapport de la cour des comptes
à la Commission des finances du Sénat

Janvier 2016

 

 

Synthèse



La journée défense et citoyenneté (JDC) a succédé en 2011 à la journée d’appel de préparation à la défense (JAPD), elle-même créée par la loi du 28 octobre 1997, pour assurer la permanence du lien Armée-Nation lors de la suspension de la conscription.

Avatar inutile du service militaire pour certains, pour d’autres unique et précieux rendez-vous obligatoire des armées avec la jeunesse française, la journée défense et citoyenneté n’a pas d’équivalent à l’étranger, où le lien Armée-Nation passe par la conscription ou par des dispositifs facultatifs et plus ciblés.


Depuis l’origine, douze millions de jeunes Françaises et Français ont participé à la JAPD ou à la JDC. En 2014, la JDC a accueilli 783 153 jeunes Français en métropole et outre-mer, auxquels s’ajoutent les jeunes Français établis hors de France. Au vu des prévisions démographiques, elle devrait concerner 807 000 jeunes en 2017 et 830 000 en

2023. Le caractère obligatoire de cette journée est sanctionné par un certificat individuel de participation, exigé pour l’inscription au permis de conduire et aux examens et concours soumis au contrôle de l’autorité publique. Les jeunes sont convoqués entre 17 et 18 ans, mais ils peuvent accomplir leur JDC jusqu’à l’âge de 25 ans.


Le ministère de la défense, principal responsable de cette « organisation de masse », parvient à assurer cette journée dans de bonnes conditions.

La JDC, qui se déroule sur quelques 260 sites en majorité militaires, réunit chaque année plus de 780 000 jeunes au cours de 19 000 journées animées par environ 7 000 militaires.

La mise en œuvre de la journée ne connaît pas d’incidents sérieux, et les jeunes participants – les « appelés » – en respectent les règles. Ils manifestent dans l’ensemble un niveau élevé de satisfaction ; celui-ci connaît toutefois des variations selon les séquences et, surtout, selon les sites : la satisfaction est souvent plus élevée dans les zones rurales et outre-mer, et c’est à Paris qu’elle est la plus faible.

 

La direction du service national (DSN), qui est désormais quasi exclusivement consacrée à la JDC, a été profondément réformée et elle maîtrise l’organisation et le fonctionnement de la journée. Elle a mis en œuvre très rapidement la JDC dite « rénovée », davantage centrée sur les thématiques propres à la défense.

La DSN mobilise ses agents et ses partenaires – les armées, directions et services du ministère de la défense ainsi que la gendarmerie – qui assurent l’accueil et l’animation de la JDC, dans le cadre de processus harmonisés et contrôlés.

La réussite logistique et pédagogique de la JDC dépend largement de la disponibilité et de la qualité des animateurs militaires – qui, en plus de leurs compétences, doivent savoir s’adresser au public jeune, défi en soi exigeant – face aux contraintes opérationnelles des employeurs du ministère de la défense, mais également de la gendarmerie, qui joue un rôle très important en assurant plus du quart des journées/animateurs. Sans retirer à ces employeurs le choix des animateurs, il importe que la DSN puisse assurer directement, ou suivre étroitement, leur formation et leur évaluation.
Les ressources humaines consacrées à la JDC sont bien maîtrisées et des gains de productivité ont été accomplis. Les autres dépenses sont également sous contrôle, même si la maîtrise de deux postes importants – l’alimentation et le transport des appelés – demandera la poursuite d’efforts alors que le nombre des appelés va croître. Pour l’avenir, le ministère de la défense escompte limiter ses dépenses et améliorer le service rendu à l’aide de l’automatisation et de la simplification des processus.

La DSN s’efforce de calculer les coûts complets de la JDC et y parvient en grande partie. Elle estime ainsi le coût de la JDC, en intégrant les dépenses des autres contributeurs, à 111,5 M€, soit environ 142 € par participant. L’enquête a toutefois permis de relever la sous-évaluation de certaines dépenses et le coût réel est plus probablement d’environ 116 à 118 M€, soit environ 0,3 % du budget du ministère de la défense.

 

Pour mieux remplir les objectifs qui sont assignés à la JDC, deux pistes d’amélioration devraient être explorées, afin, d’une part, de mieux parvenir à toucher tous les jeunes Français et, d’autre part, de mieux atteindre son but principal, « conforter l'esprit de défense et concourir à l'affirmation du sentiment d'appartenance à la communauté nationale, ainsi qu'au maintien du lien entre l'armée et la jeunesse ».

 

Première piste d’amélioration : la participation de tous les jeunes Français. L’impact réel de la JDC est en effet limité par des lacunes dans son caractère universel.

Le recensement constitue la première étape du parcours citoyen. Les jeunes garçons et filles doivent obligatoirement, en application de l’article L. 113-1du code du service national, se faire recenser à partir de 16 ans auprès de la mairie ou du consulat dont ils dépendent. Cette formalité est le point de départ de la convocation des appelés. Ses lacunes expliquent pour partie l’absence des jeunes à la JDC.
L’enquête de la Cour a souligné que si 1,8 % des jeunes n’accomplissent pas cette formalité, le taux des non-recensés est beaucoup plus élevé dans une dizaine de départements où il se situe autour de 4 % et il atteint près de 10 % à Paris.

Il convient donc que le recensement, qui dépend des mairies, soit mieux assuré afin de remédier à cette première cause d’absentéisme à la JDC. Les formalités de ce recensement, qui reposent sur les mairies, devraient être simplifiées ; leur dématérialisation en faciliterait l’exécution par les jeunes, contribuerait à améliorer le taux de couverture des classes d’âge et en moderniserait la gestion. Parallèlement, les établissements scolaires et les communes doivent mieux sensibiliser les jeunes à la problématique du recensement.

 

Les insuffisances du recensement n’expliquent pas toutefois la totalité de l’absentéisme à la JDC. Le nombre de jeunes Français atteignant 25 ans en 2014 sans être en règle avec la JDC est de 4,1 %, mais ce taux recouvre des écarts considérables et préoccupants. Si des taux de participation approchant ou dépassant 99 % ne sont pas rares en zone rurale, et si de nombreuses zones urbaines ont des taux honorables ou élevés, l’absentéisme atteint 12,8 % à Paris, plus de 11,8 % en Seine-Saint-Denis, 10,3 % dans les Hauts-de-Seine, 10,4 % dans les Alpes-Maritimes et il dépasse également 10 % en Guadeloupe et en Guyane.

Il convient donc que le ministère de la défense analyse de manière fine les causes de l’absentéisme à la JDC afin d’entreprendre, dans les zones les plus touchées, des actions correctrices ciblées.

Au regard de l’universalité recherchée, la situation des jeunes Français résidant à l’étranger n’est pas acceptable. S’ils sont astreints à participer à la JDC, organisée selon des modalités adaptées en fonction de leur lieu de résidence, une grande majorité n’y participe pas, faute de se faire recenser, de bénéficier d’une organisation de la JDC sur place, ou de s’y présenter. La majorité d’entre eux reçoit cependant une attestation de participation, permettant de se présenter aux examens publics français. Cette situation inacceptable devrait évoluer avec la réforme en cours mais il conviendra de s’en assurer.

 

Deuxième piste d’amélioration : le contenu de la JDC. L’adhésion des jeunes appelés aux valeurs de défense et de citoyenneté et le lien entre cette adhésion et la JDC ne peut se mesurer par un simple indicateur et nécessiterait des enquêtes plus approfondies sur la longue durée. Mais il est aujourd’hui certain qu’en l’état, la densité excessive de la journée et la multiplicité des objectifs qui lui sont assignés nuisent à son influence réelle.

Certes, la réforme de 2014 a permis un recentrage de la journée sur les messages de défense, appuyés sur des supports plus dynamiques ; elle a aussi donné une place à la présentation positive des métiers de la défense, et permis d’aborder, voire de favoriser, les questions relatives au recrutement, longtemps délaissées. Cette réforme semble s’être arrêtée « au milieu du gué » : faire connaître la défense nationale aux jeunes reste une priorité parmi d’autres, du fait des attentes, voire des tentations, multiples dont cette journée fait l’objet, pour diffuser des messages d’intérêt général, sans doute légitimes, mais sans rapport avec son objet premier.

« Enrichi » au fil du temps, le code du service national prévoit ainsi que la journée aborde de nombreux thèmes, tels que les droits et devoirs du citoyen, les enjeux de mixité sociale, et comporte une initiation aux premiers secours (remplacée à compter de 2016 par un module sur la sécurité routière) ainsi qu’un message sur les dons de sang, de moelle osseuse, de gamètes et d’organes. En outre, un test des apprentissages fondamentaux de la langue française est organisé. À cela s’ajoute des tests ou enquêtes plus ponctuels (« numératie », usage des drogues). Il en résulte que, non seulement les appelés manquent de temps pour assimiler les séquences sur la défense et approfondir leurs échanges avec les animateurs, mais aussi qu’ils peinent à absorber véritablement les autres messages. Pour parvenir à atteindre ces multiples objectifs, le dédoublement de la journée a donc été évoqué mais il se heurte à la contrainte budgétaire.

 

Alors que le ministère de l’éducation nationale a prévu de son côté la mise en place d’un véritable « parcours citoyen », il paraît nécessaire qu’une concertation avec le ministère de la défense permette de mieux cerner le partage des tâches entre les deux ministères et d’alléger la JDC d’une partie des thématiques touchant à des questions de citoyenneté.

En outre, les messages diffusés lors de la JDC auraient plus de portée si l’enseignement de défense, placé sous la responsabilité du ministère de l’éducation nationale, était mieux assuré. Malgré un partenariat ancien entre les deux ministères, qui a donné lieu à un protocole dès 1982, alors que le service national n’était pas encore suspendu, il s’agit du « maillon faible » du parcours citoyen. Le ministère de l’éducation nationale considère qu’il devrait être amélioré dans le cadre des nouveaux programmes d’enseignement moral et civique, mais la formation des enseignants reste insuffisamment développée et cet enseignement n’est pas sanctionné par une épreuve ou un examen. Bien qu’obligatoire, il est donc parfois sacrifié.

Enfin, la lutte contre l’illettrisme et le décrochage scolaire constitue un autre domaine de coopération entre les deux ministères. Le test de lecture conduit durant la JDC permet une évaluation fine des capacités de lecture des jeunes Français et révèle que près de 10 % d’entre eux sont détectés en difficultés de lecture, environ 4 % étant en situation d’illettrisme. Les données recueillies pendant la JDC nourrissent une évaluation annuelle publiée par le ministère de l’éducation nationale. Mais au-delà de cette évaluation, la détection des difficultés par la JDC ne se traduit pas toujours par une action individuelle pour y remédier.

 

Près de vingt ans après la création de la JAPD, dans un contexte militaire, sécuritaire et social qui a fortement changé, les avis sur le bien-fondé et le devenir de l’expérience unique que constitue la JDC reposent plus souvent sur des convictions que sur une évaluation précise et scientifique de ses effets.

 

Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit aujourd’hui d’une pièce maîtresse du lien Armée-Nation, et que, si l’on veut sauvegarder ou développer ce lien, il ne semble guère aisé de mettre en œuvre une solution touchant autant de jeunes Français et qui ne soit pas plus coûteuse. Les autres dispositifs existant en France sont destinés à des cibles très précises, et leur coût unitaire est élevé. Il en va de même dans les pays étrangers qui ont développé des actions sélectives, empreintes de volontariat, et également coûteuses.

 

La Cour préconise plutôt la poursuite de la réforme pour faire de la JDC un véritable rendez-vous entre la jeunesse et les armées.

La JDC doit, à cette fin, être encore davantage centrée sur un petit nombre de thèmes principaux, assimilables en une journée et appuyés sur des outils et une animation interactifs.

Ses messages essentiels doivent être adaptés aux enjeux de défense et les messages citoyens non corrélés à ces enjeux doivent être traités dans le cadre du futur parcours citoyen en milieu scolaire.

 


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Source : Cour des comptes