JUSTICE : Ne laissons pas le droit européen menacer la cohésion de l’armée française !

Posté le samedi 30 janvier 2021
JUSTICE : Ne laissons pas le droit européen menacer la cohésion de l’armée française !

La Cour de justice de l’Union européenne pourrait contraindre la France à appliquer à nos soldats les principes du droit du travail européen, s’inquiète l’ancien ministre d’Etat.

Hier, l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a plaidé pour que la directive 2003/88/CE relative au temps de travail s’applique aux membres des forces armées, arguant qu’un militaire était à tout bien considéré, un travailleur comme un autre.

Si la Cour de justice de l’Union européenne devait suivre ses conclusions, cela s’imposerait à la France qui, depuis longtemps, a expliqué que la directive ne saurait s’appliquer aux forces armées, clef de voûte de la souveraineté nationale. Il s’agirait d’une incroyable et insupportable atteinte à celle-ci et de la remise en cause par la juridiction européenne du principe constitutionnel qui donne au chef de l’Etat, en France, « la libre disposition des forces armées », pour qu’il assure l’indépendance de notre pays.

La non-transposition par la France de la directive en ce qui concerne ses forces armées se justifie pleinement, car l’état militaire est très spécifique. Disponibles « en tout temps et en tout lieu », prêts à aller jusqu’au sacrifice suprême, astreints à une obligation de discipline et de solidarité renforcée, les militaires bénéficient d’un statut propre, protecteur des hommes et de la singularité du métier.

Toujours susceptibles d’être confrontées à des adversaires dangereux et résolus, nos armées doivent s’y préparer et il est leur est tout simplement impossible de s’accommoder du prêt-à-porter de la directive : décompte individuel du temps, limitation forte du travail de nuit, planification rigide de l’activité et nécessité d’un accord préalable de chaque personne pour la faire évoluer, décompte précis des récupérations, etc. Le prix d’une transposition de la directive serait la perte de l’efficacité de nos armées, mais aussi la remise en cause de la sécurité de nos soldats et de cette donnée essentielle à la cohésion et la supériorité de nos forces, l’esprit militaire.

L’armée française n’a pas d’équivalent au sein de l’Union européenne à 27. Armée professionnelle, aux capacités très intégrées, elle est désormais la seule grande armée d’intervention et nos militaires sont régulièrement projetés sur des théâtres d’opérations extérieures, au service du rétablissement de la paix et de la sécurité internationales.

Pour être en mesure au Sahel de combattre l’hydre islamiste jour et nuit, sept jours sur sept, dans des conditions très difficiles (chaleur extrême, vents de sable, immensités désertiques, menaces permanentes, attaques de nuit, etc.), les hommes et les femmes de l’armée française ont été formés, entraînés et, in fine, préparés opérationnellement dans les mois précédant leur engagement. « Entraînement difficile, guerre facile » dit-on dans les armées. Ils ne s’entraînent pas pour le plaisir, mais pour être prêts à servir en opération, dans tous types de conflits et dans tout type d’environnement. Pour porter haut les couleurs de la France et pour ne jamais faire défaut à leurs camarades. C’est bien dans l’entraînement difficile et la discipline que se forgent les corps et les caractères des soldats et le fameux « esprit de corps », qui les unit, gage de l’unité d’action au combat.

Et ces caractéristiques - préparation, cohésion, disponibilité, primauté donnée à la mission - assumées par les chefs militaires, sont tout aussi indispensables pour affronter de nouvelles menaces chaque jour plus tangibles, dans le cyberespace comme en haute mer, et sur le territoire national où nos militaires assument, dans le cadre de la mission Sentinelle, une responsabilité essentielle de protection de nos concitoyens.

Servir volontairement la France sous les drapeaux n’a jamais été et ne saurait être « un travail » comme un autre, mais une vocation, la réponse à un appel à tout donner à son pays, jusqu’à sa propre vie. C’est ce qui fait la grandeur et la noblesse de l’engagement militaire. Charge à notre pays de le rendre à ses soldats, en veillant à leur verser de justes soldes, à les doter d’équipements les plus performants et à offrir à leurs familles des conditions matérielles de vie décentes.

Ce n’est clairement pas à la Cour de justice de l’Union européenne, mais bien entendu aux chefs de l’armée française qu’il revient de veiller au repos, au moral et à la santé de leurs hommes. Il s’agit en toutes circonstances, qu’ils puissent « être et durer ». L’Union européenne a quant à elle d’autres missions éminentes à relever et la Cour de justice de l’Union européenne ne lui rendrait pas service en s’immisçant dans le cœur de la souveraineté et de la sécurité nationale, que les traités réservent aux seuls États membres.

Aussi importe-t-il au plus haut point que le président de la République et le gouvernement s’engagent sans esprit de recul dans la défense de cette singularité et que la Cour de justice de l’Union européenne et la Commission européenne reconnaissent que cette directive, quel qu’en soit le bien-fondé par ailleurs, ne s’applique tout simplement pas aux forces armées. Il y va de la souveraineté non négociable de la France et de l’intérêt bien compris de l’Union européenne.


Jean-Louis BORLOOL
Le Figaro
vendredi 29 janvier 2021


Rediffusé sur le site de l'ASAF : 
www.asafrance.fr
Retour à la page actualité

Source : www.asafrance.fr