L'armée de l'Air et de l'Espace

Posté le vendredi 26 juillet 2019
L'armée de l'Air et de l'Espace

Dans le cadre d’une nouvelle loi spatiale, l’armée de l’Air et de l’Espace sera l’opérateur de ses satellites. Elle aura de nouvelles capacités - constellation de nanosatellites patrouilleurs, un petit lanceur, lasers de puissance… - d’ici à 2030.

À peine deux semaines après qu’Emmanuel Macron a annoncé, le 13 juillet, une nouvelle doctrine de défense dans l’espace et la création, début septembre, d’un commandement spatial militaire rattaché à l’armée de l’air, Florence Parly est entrée, jeudi 25 juillet, dans le vif du sujet. Depuis la base aérienne 942 de Lyon-Mont Verdun, la ministre des Armées a dévoilé les grands volets de la nouvelle stratégie spatiale de défense française.

Le ministère des Armées, qui a travaillé sur tous les aspects, du cadre juridique aux moyens capacitaires et financiers, en passant par le champ des coopérations européennes, tout au long de 2018, est plus que prêt à avancer. Sur le plan diplomatique, « nos alliés ont été informés » de la mise en œuvre de cette nouvelle doctrine « active » mais « non offensive », insiste-t-on à l’hôtel de Brienne. Le message est martelé : la France protégera et défendra ses intérêts spatiaux s’ils sont menacés et/ou espionnés, ce qui pourra aller jusqu’à la destruction de l’agresseur. Mais elle n’attaquera pas en premier. Elle « répliquera si elle est menacée, dans une logique d’autodéfense ».
La doctrine de l’emploi de la force spatiale est alignée sur celle de la dissuasion nucléaire.

Dans ce contexte, la France va renforcer d’ici à 2030 au plus tard ses capacités de surveillance et de protection en orbite basse et GTO (à 36 000 km de la Terre). Elle pérennisera ses moyens d’observation de la terre avec les satellites Iris, successeurs des CSO, et de renseignement avec le réseau Céleste qui remplacera les satellites Ceres. Les programmes devraient être lancés en 2023. « Entre ces deux générations de satellites, nous serons amenés à acheter des services d’observation de la Terre », déclare le ministère des Armées, qui entend tirer parti des offres proposées par les acteurs du New Space.

En revanche, pour se doter de nouvelles capacités, le ministère des Armées s’appuiera sur les champions français : ArianeGroup, le fabricant de la fusée européenne Ariane, Thales et Airbus, les deux leaders des satellites en Europe, des ETI ou PME spécialisées telles que Sodern (viseurs d’étoiles de satellites) ou Hemeria (nanosatellites). Les satellites Syracuse de communications militaires seront « armés » avec des caméras de surveillance pour détecter toute manœuvre hostile, un laser de puissance, capable d’éblouir un satellite ennemi, et des mitrailleuses « afin de casser les panneaux solaires » d’un objet spatial hostile, sans exclure de le détruire.

La France prévoit de lancer « une constellation de nanosatellites guetteurs qui seront déployés en essaim autour de nos satellites ». « Ils patrouilleront et donneront de l’allonge et une meilleure connaissance de l’environnement les entourant », explique le ministère des Armées.
Des lasers de puissance seront aussi prêts à intervenir depuis des sites terrestres. Autre capacité à développer, une flotte de petits lanceurs qualifiés de « réactifs », prêts à décoller dans des laps de temps réduits pour, par exemple, remplacer des nanosatellites détruits ou dégradés.



Axe franco-allemand

Afin de financer ces nouveaux programmes, qui feront l’objet de démonstrateurs technologiques, le gouvernement a décidé d’allouer 700 millions d’euros de plus au budget spatial (3,6 milliards) voté dans le cadre de la loi de programmation militaire 2019-2025. Il ne s’agit pas de nouveaux crédits mais de fonds dégagés du budget de la Défense, après « un travail fin d’analyse » de ses différentes lignes de crédit et « sans éviction d’autres capacités », promet le cabinet de Florence Parly. « Au total, d’ici à 2030, c’est-à-dire sur une période couvrant l’actuelle LPM et la suivante, nous prévoyons d’investir 2,2 milliards supplémentaires en faveur de la stratégie de défense spatiale », précise le ministère des Armées.

Dans l’espace, comme sur Terre et dans les airs avec les systèmes franco-allemands de combat terrestre (MGCS) et aérien du futur (Scaf), la France prône la coopération européenne. « Le domaine de la surveillance de l’espace, par exemple, a vocation se développer autour d’un noyau franco-allemand », assure le ministère des Armées. La France ouvre aussi la porte au développement partagé du futur petit lanceur. La DLR, l’agence spatiale allemande, a un projet dans ses cartons, tout comme OHB, son fabricant de satellites. L’Espagne pourrait aussi devenir un partenaire intéressant : la société PLD Space développe un petit lanceur réutilisable spécialisé dans les nanosatellites.

Dans le cadre européen, la France estime avoir «la vocation de surveiller et de protéger » certaines infrastructures telles que Galileo. Le GPS européen est stratégique pour des industries civiles mais aussi pour les armées. Ce qui pose la question du partage du fardeau financier avec les autres pays membres de l’UE. À l’international, Paris souhaite, à l’instar des États-Unis, imposer des restrictions d’usage aux matériels exportés. Objectif ? Éviter que des données classifiées sur les opérations extérieures françaises ne se retrouvent dans de mauvaises mains. Difficile toutefois de tout contrôler dans l’espace, qui est aussi un marché commercial où des acteurs privés offrent en accès libre (ou payant) des images de la Terre. Impossible d’interdire Google Earth! Ou encore d’empêcher que l’américain Planet commercialise les images des satellites du programme européen Copernicus!

Afin de mettre en œuvre sa stratégie spatiale, l’hôtel de Brienne va réorganiser des forces dispersées (Cosmos, CEIE et Cemos) au sein du commandement spatial militaire, dont le QG sera Toulouse, capitale européenne de l’aérospatial. En phase de démarrage, cette nouvelle entité comptera 220 personnes. Cet effectif est appelé à croître rapidement. Comme le commandement cyber, l’armée spatiale a « vocation à attirer les meilleurs ingénieurs et talents ». Sur le plan réglementaire, le gouvernement doit préparer un nouveau texte qui amende ou remplace la loi sur les opérations spatiales (LOS) de 2008. « Le ministère des Armées doit s’affranchir de la LOS afin de devenir l’opérateur de ses satellites, une compétence qui relève du Centre national d’études spatiales (Cnes) », explique l’hôtel de Brienne.
Les militaires doivent pouvoir mener leurs opérations en toute autonomie et en pleine responsabilité. Il est prévu que le Cnes, recentré sur les satellites civils, forme les militaires.

Véronique GUILLEMARD
Le Figaro

Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

Source : www.asafrance.fr