ACTIVITÉ AÉRIENNE : L'armée de l'Air sur tous les fronts.

Posté le vendredi 22 mars 2019
ACTIVITÉ AÉRIENNE : L'armée de l'Air sur tous les fronts.

Près de 300 « situations anormales » détectées en 2018 
par l'armée de l'Air



Perte de contact radio, présence d'avions russes... Les chasseurs et hélicoptères français ont dû décoller sur alerte à 150 reprises l'année dernière.

Le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), l'organe de l'armée de l'Air qui supervise les activités aériennes militaires françaises, a détaillé lors d'une conférence à Paris jeudi 14 mars son bilan de 2018. En un an, les militaires ont détecté 298 situations anormales, contre 203 en 2017. Cela inclut des pertes ou absences de contact radio avec des aéronefs civils ou militaires, des pannes de transpondeur, des problèmes de trajectoires, mais aussi des approches de bombardiers stratégiques russes au large des côtes françaises.

En réponse à ces incidents, les avions de chasse ont effectué 88 décollages sur alerte, alors que les hélicoptères (plus adaptés que les chasseurs pour les interceptions d'avions de tourisme ou au-dessus des zones urbaines) en ont effectué 61. Au total, l'armée de l'Air et la marine nationale (l'aéronavale) ont donc réalisé 149 décollages sur alerte en 2018, soit près de trois par semaine. Les aéronefs des armées ont aussi mené 62 opérations de recherches et de sauvetage (SAR) d'aéronefs en détresse, qui leur ont permis de sauver 28 personnes. En outre, dans le cadre du soutien à la biomédecine, l'armée a ouvert ses terrains militaires à 91 reprises en 2018 pour faciliter le transfert de greffons.

Un avion de ligne dérouté

Les situations anormales sont très variées. « De nombreuses situations anormales débutent par une perte de contact radio, et notre objectif est de lever le doute le plus rapidement possible », a expliqué le général Cousin, commandant en second du CDAOA. Outre les pertes accidentelles de contact radio ou les étourderies des pilotes d'aéroclub qui survolent des sites nucléaires ou militaires (ce qui leur vaut souvent des poursuites judiciaires), il y a parfois des cas plus inquiétants. En janvier 2019, un vol Transavia Paris-Tunis a été dérouté vers Nice, après qu'un passager violent a agressé l'équipage et essayé de pénétrer dans le cockpit. L'homme avait été maîtrisé dans l'avion et interné en hôpital psychiatrique après l'atterrissage.

En 2018, « un individu avait dérobé un avion et se promenait sans plan de vol : nous avions dérouté des chasseurs qui étaient déjà en vol et l'avions contraint à se poser », a précisé le général. Même solution de déroutement de chasseurs pour aller assister en urgence un appareil en détresse, perdu au-dessus de la couche nuageuse : il avait été escorté jusqu'au terrain de Deauville en toute sécurité.

Le spectre des bombardiers russes

« Oui, les choses se sont reproduites en 2018 », a asséné le général Cousin, interrogé sur les incursions de bombardiers russes au large des côtes françaises, dans l'espace aérien international. À trois reprises en 2018, l'armée de l'Air a « pris des mesures d'anticipation » après avoir détecté des appareils russes en approche, mais cela n'implique pas forcément qu'une interception ait eu lieu ensuite. En 2017, ce n'était arrivé qu'à une seule reprise, lorsque deux Mirage 2000 et un Rafale avaient intercepté deux bombardiers russes TU-160 Blackjack. Fin septembre 2018, les radars s'étaient affolés en détectant deux bombardiers russes, l'armée de l'Air avait repositionné un avion-radar Awacs et un ravitailleur déjà en vol, puis fait décoller deux Rafale de la base de Saint-Dizier, avant de clôturer la mission après une modification de la trajectoire des plots suspects montrant qu'ils ne s'approcheraient pas de l'espace aérien national.

« Les appareils russes n'affichent pas toujours le code transpondeur qui permet de les reconnaître, et cette attitude non professionnelle peut être potentiellement dangereuse pour le reste du trafic civil », a regretté le numéro deux de la défense aérienne, qui note qu'en cas de mauvais temps, les pilotes russes « ne sont pas suicidaires » et activent leur transpondeur. Ces missions sont souvent déclenchées par Moscou en réponse à des manœuvres de l'Otan, ou simplement pour se rappeler au bon souvenir de l'Alliance atlantique. « Il y a une volonté de démonstration de force et une volonté de tester la défense aérienne », mais « jusqu'à présent, il n'y a pas eu de pénétration de l'espace aérien national », a commenté le général.

Le trafic va doubler d'ici 2035

L'année 2019 s'annonce chargée, avec des dispositifs particuliers de sûreté aérienne (DPSA) à déployer pour sécuriser des événements sensibles, dont les commémorations du Débarquement puis le Salon du Bourget en juin, le défilé du 14 Juillet ou encore le sommet du G7 fin août. « Ce sera une année très dense de ce point de vue », a précisé le général Vincent Cousin, pour lequel l'armée de l'Air doit « protéger le territoire national de toute menace venant de la troisième dimension ».

« Le nombre et la diversité des objets à gérer va exploser dans la décennie qui vient », a-t-il ajouté, estimant que le trafic aérien allait doubler d'ici 2035, passant de 12 000 à 24 000 avions survolant quotidiennement le territoire, et que l'activité des drones, y compris pour le transport de personnes ou de marchandises, va fortement progresser.

60 risques de collisions spatiales traités

Du côté spatial, le centre opérationnel de surveillance militaire des objets spatiaux (Cosmos), une branche du CDAOA qui exploite le radar spatial Graves, a traité 60 risques de collision entre des satellites français (civils ou militaires) et d'autres satellites ou des débris spatiaux. Deux rentrées atmosphériques à risque ont par ailleurs été surveillées, dont celle de la station spatiale chinoise Tiangong-1, qui s'est désintégrée dans l'atmosphère en avril 2018. Grâce au service de « météo spatiale » du Cosmos, 150 éruptions solaires ont été surveillées, dans un contexte de vulnérabilité toujours plus grande de nos sociétés aux perturbations électromagnétiques potentiellement catastrophiques générées par ces sursauts de notre étoile.

En appui des opérations des trois armées, le Cosmos a constitué 5 000 dossiers d'analyse afin de fournir des éléments d'appréciation sur, par exemple, le meilleur moment pour lancer un raid en fonction de la position des satellites GPS qui guideront les missiles ou la position de satellites étrangers inamicaux au-dessus d'un théâtre.

2018, année Hamilton

Dans le cadre des opérations extérieures, l'année 2018 « a été marquée par l'opération Hamilton », a expliqué le général. Cette opération majeure, menée dans le « haut du spectre » en engageant des moyens lourds face à un ennemi doté de défenses aériennes, avait été déclenchée en réaction à l'utilisation d'armes chimiques par le régime syrien. Cinq Rafale, quatre Mirage 2000-5, deux avions-radars Awacs et six avions ravitailleurs étaient partis de métropole pour frapper la Syrie, sans escale.

Durant ces 48 heures, l'activité de l'armée de l'Air avait été « particulièrement élevée », puisqu'elle avait aussi dû envoyer des Rafale depuis sa base aérienne projetée de Jordanie en appui des forces locales en Syrie, des Rafale depuis Al-Dhafra (Émirats arabes unis) pour protéger une frégate américaine dans le golfe arabo-persique à la demande des autorités américaines et des Mirage 2000 depuis la base aérienne projetée de Niamey (Niger) en appui des forces terrestres prises à partie par des éléments terroristes. Le tout en maintenant la posture permanente de sûreté aérienne sur le territoire national, et en menant une mission de sauvetage au profit d'un avion de tourisme qui avait atterri dans un étang, dans la région de Montpellier.

Dans le cadre de l'opération Chammal, contre l'État islamique, les avions français ont régulièrement effectué en 2018 des « show of force », c'est-à-dire des passages à basse altitude pour impressionner l'ennemi. « L'année 2018 a confirmé l'importance d'une présence permanente dans l'espace aérien, que ce soit pour le recueil du renseignement ou pour des frappes », a poursuivi le général Cousin, précisant aussi que « systématiquement, lorsque les forces locales au sol n'entendaient plus les avions (de la coalition, NDLR) au-dessus de leurs têtes, elles stoppaient toute offensive ».

Guerric PONCET
Le Point.fr


N'hésitez pas à télécharger le dossier spécial réalisé en 2017 par l'ASAF sur l'armée de l'Air
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Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

Source : www.asafrance.fr