"La femme, le pompier et la Justice" : Lettre ASAF du mois de juillet 2022


Lors des manifestations du 1er mai 2022 à Paris, une femme de 38 ans s’est acharnée sur un pompier qui, une lance à incendie à la main, s’efforçait d’éteindre divers matériaux entassés sur la chaussée puis enflammés par des manifestants. Cette « manifestante » voulait absolument empêcher le pompier de venir à bout  des flammes qui menaçaient les véhicules et magasins environnants.

"La femme, le pompier et la Justice" :  Lettre ASAF du mois de juillet 2022

Lors des manifestations du 1er mai 2022 à Paris, une femme de 38 ans s’est acharnée sur un pompier qui, une lance à incendie à la main, s’efforçait d’éteindre divers matériaux entassés sur la chaussée puis enflammés par des manifestants. Cette « manifestante » voulait absolument empêcher le pompier de venir à bout  des flammes qui menaçaient les véhicules et magasins environnants.

Interpelée, elle a été poursuivie pour « violences sur personne chargée d'une mission de service public, outrage, rébellion, participation à un groupement en vue de commettre des violences ou dégradations lors d'une manifestation et entrave à l'arrivée des secours destinés à combattre un sinistre dangereux pour les personnes ». Elle devait être jugée en comparution immédiate le 4 mai, mais son avocat a obtenu un délai pour mieux préparer sa défense et le procès a été reporté au 1er  juin.

Les juges qui ont accepté cette demande ont fait preuve d’une inexplicable mansuétude car de nombreuses vidéos retraçant la scène ont circulé  ne laissant aucune place au doute. On y voit la « suspecte », casque orange sur la tête et sac à dos rouge, tenter d’arracher la lance à incendie du pompier. Après plusieurs essais infructueux, elle lui assène deux coups sur le casque avant d'être maîtrisée. Le pompier a porté plainte.

Le 1er juin, le verdict a été rendu en l’absence de l’intéressée : 10 mois de prison ferme et une année d’interdiction de manifester. Il faut reconnaître que, par comparaison avec bien d’autres condamnations pour divers délits, cette sentence est assez sévère. Mais rien n’est encore définitif car l’avocat de la condamnée a fait appel.

Cette nouvelle agression vis-à-vis des pompiers de Paris qui, rappelons-le, sont des militaires et dont la mission est de protéger les personnes et les biens, est incompréhensible. En outre, on voyait sur le visage et dans les attitudes de cette femme une furie, une sauvagerie qui ne peuvent susciter que du dégoût. Honte à elle !

Mais ce triste épisode n’est qu’un exemple d’un fait sociétal inquiétant. Les violences à l’encontre des membres des services de secours à la personne, médecins et pompiers, se multiplient et aucune région n’est épargnée.

Applaudis lors des défilés du 14 juillet, les pompiers sont de plus en plus souvent pris pour cibles lors de leurs interventions : insultes, crachats, jets de pierre. Durant les dix dernières années, les actes de violences verbales et physiques à leur encontre, sur les lieux de leurs interventions, ont triplé.

Pour les pompiers comme  pour les médecins,  ces violences  ne sont plus réservées aux quartiers sensibles : les actes malveillants se déroulent désormais partout. Les soldats du feu se font agresser chez « monsieur et madame Tout-le-monde », que ce soit dans les grandes villes ou à la campagne. De surcroît, on est passé des insultes ou quolibets aux agressions physiques sur les intervenants ou sur leur matériel et même aux menaces de mort. En outre,  très souvent, ce sont les personnes auxquelles il est porté secours qui sont elles-mêmes les agresseurs et, parfois, l’appel au secours n’est qu’un stratagème pour attirer les pompiers afin de les attaquer.

Face à ce phénomène, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin,  a lancé le 20 août 2021 un nouveau plan de prévention et de lutte contre les agressions de sapeurs-pompiers. Que dit ce plan ? Il demande aux préfets d’ « élaborer des procédures spécifiques pour l’intervention dans les zones sensibles, d’évaluer régulièrement la situation dans ces secteurs, d’engager systématiquement un appui de la Gendarmerie ou de la Police  lorsque la protection physique des pompiers est en jeu, de prévoir  les conditions dans lesquelles les pompiers peuvent rester en retrait, dans l’attente des forces de l’ordre, de faciliter les relations interservices, de collaborer de manière plus active avec le SAMU et de se rapprocher des polices municipales pour définir les actions pouvant être engagées afin d’assurer une meilleure coordination opérationnelle ».

La protection des sapeurs-pompiers passe aussi par la mise en place d’équipements individuels et collectifs. Le ministre en cite certains : la protection des vitres latérales des véhicules, les caméras-piétons et le gilet pare-lames pour le personnel. Pour les caméras, l'enregistrement est déclenché en cas de tensions par le pompier qui porte le dispositif. Il a valeur de preuve devant la Justice en cas d'agression. 

Mais on compte sur les pompiers eux-mêmes pour mieux détecter et appréhender les situations pouvant se dégrader et acquérir les réflexes de sauvegarde en leur délivrant une formation spécifique. À partir d’un socle national commun aménagé en 2021, chaque service doit « dès maintenant intégrer ces axes dans le parcours de formation du sapeur-pompier, qu’il soit professionnel ou volontaire ». En un mot, « Aide-toi et le ciel t’aidera ».

Il apparaît cependant  dans tout cela que l’on ne parle guère de sanctions pénales pour les agresseurs. Il est vrai que cela n’est pas du ressort du ministre de l’Intérieur mais du Parlement qui fait les lois. Aujourd’hui, toutes les agressions ne font pas l’objet d’une plainte. Il devrait donc y avoir obligation pour les responsables des sapeurs-pompiers, comme cela a été fait le 1er mai par le général commandant la brigade de sapeurs-pompiers de Paris, de déposer systématiquement plainte. La collaboration entre pompiers et autorité judiciaire devrait être fortement renforcée et, dès les plaintes déposées, des enquêteurs devraient auditionner les sapeurs-pompiers victimes, dans leur centre d’incendie ou de secours.

En vérité, la solution à ce problème réside dans le pouvoir des juges qui devraient appliquer le maximum des peines prévues par la loi dans tous les cas de « violences sur personne chargée d'une mission de service public ». En outre, si ces peines sont insuffisamment dissuasives, il revient au législateur de les rendre plus sévères. Dans le cas contraire, le phénomène ne fera qu’empirer et la Justice signifiera alors clairement à nos concitoyens les plus démunis, ceux  qui n’ont plus pour ultimes sauvegardes que la Police, la Gendarmerie, les pompiers et les médecins, que la République les abandonne.

 

La RÉDACTION de L’ASAF
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