LA GUERRE :  « La Défense ! C’est la première raison d’être de l’Etat ».  (Charles de Gaulle)

Posté le mercredi 06 avril 2022
 LA GUERRE :  « La Défense ! C’est la première raison d’être de l’Etat ».  (Charles de Gaulle)

« La Défense ! C’est la première raison d’être de l’Etat ».  
(Charles de Gaulle)

 

Toujours une guerre de retard, trop peu, trop tard et trop lentement. Ces trois adverbes pourraient servir de devise à nos modèles successifs d’outil de Défense qui aujourd’hui doit, dit le Chef d’Etat-Major des Armées, « pouvoir gagner la guerre avant la guerre ». Depuis 1870, nous avons souvent combattu avec une guerre de retard et les Français ont souffert d’être mal équipés pour affronter les défis du moment. C’est un poncif d’évoquer les pantalons garance et le fusil Lebel de 1914 ou les chevaux de 1939 face aux chars allemands. Dans son ouvrage prémonitoire - l’étrange défaite, écrit en 1940 - Marc Bloch explique comment les décideurs et l’administration de l’époque se sont enfermés dans des certitudes, incapables de penser la fonction stratégique et de bâtir une capacité autonome d’appréciation des situations qui est la condition de décisions libres et souveraines. L’auteur stigmatise aussi la lourdeur de la bureaucratie, la lenteur des chaînes de transmission de l’information, l’impossibilité de savoir quand un ordre a été exécuté, la sous-estimation systématique par les services de renseignement français de l’ampleur de la menace et de la mobilité de l’ennemi, l’incapacité de l’état-major à comprendre la rapidité de mouvement des chars et des avions ennemis et son obsession sur l’infanterie et les canons.

Or, voici soudain, en pleine séquence de guerre ukrainienne, qu’un officier général se fait démettre de ses hautes fonctions dans le Renseignement. A tout le moins c’est le signe d’un malaise dans la capacité française d’anticiper la possibilité d’emploi des armes par l’adversaire. Mais il faut croire également que la bataille contre la volonté de puissance de l’armée russe exige de pouvoir envisager de s’engager dans un affrontement de haute intensité, or nous sommes, en 2022, devant le révélateur de nos propres faiblesses et renoncements. Un citoyen curieux pourrait sans doute finir par imaginer que l’armée française des guerres hybrides, au Sahel ou dans nos rues pour Vigipirate, n’est constituée que de « supplétifs » mal équipés, alors même que plusieurs meurent au service de la France et des Français ; compassion, émotion, amnésie.

La guerre reste, selon Clausewitz, « un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté ». Or, dans cet objectif il faut disposer de la puissance militaire des armes mais aussi de la logistique, de la technologie et du renseignement qui contribue à dévoiler au décideur politique les actions potentielles de l’adversaire afin de choisir les options pertinentes pour imposer un rapport de force autant tactique que stratégique. En l’espèce il faut s’interroger sur l’action diplomatique, informationnelle, industrielle et économique qui en dernier ressort sous-tend l’action politique. A cet égard, certains voudront rappeler la vision du Général de Gaulle lorsqu’il institua, par l’Ordonnance de 1959, l’organisation générale de la Défense qui s’appliquait à coordonner toutes les actions des ministères en ce domaine sous l‘autorité du Premier Ministre et la tutelle du Secrétariat Général de la Défense Nationale. Peut-être peut-on regretter aujourd’hui qu’au cours des années, en raison de conceptions pacifistes ou mondialistes, l’action interministérielle se soit, sinon évanouie du moins étiolée. Nombre de textes ont été malheureusement abrogés ou minorés par les gouvernants successifs au moment de l’ajout, en 2009, de la composante de Sécurité Nationale.

La guerre tragique en Ukraine, qui secoue toutes les certitudes de la mondialisation heureuse, aura été le révélateur de nos faiblesses et désormais si la France veut gagner la guerre avant la guerre, nul doute qu’il faille une vision et une volonté de longue haleine. La guerre est un phénomène complexe et absolu qui ne tolère ni indifférence ni approximation. Autant dire que dans cette épreuve cruelle des volontés entre les adversaires il faut au préalable avoir su concevoir des ambitions et consentir à des efforts humains, financiers, économiques matériels et immatériels pendant de longues années. C’est maintenant une véritable réécriture du discours de Bayeux, du 14 juin 1952, par le général de Gaulle qu’il convient de faire : « la Défense ! C’est la première raison d’être de l’Etat. Il n’y saurait manquer sans se détruire lui-même ». Il faut enfin faire usage des dividendes de la paix en investissant, pendant toute la décennie 2030, dans un budget qui procurera aux armées le rapport de force favorable dans une possible « guerre juste » conduite avec conscience, responsabilité et conviction éthique. La conclusion qui se veut inscrite dans la continuité et la permanence de la souveraineté notre pays, nous est proposée par Victor Hugo (1802-1885) : « L'avenir est une porte, le passé en est la clé. »

Dominique BAUDRY
Colonel (h) et Membre de l'ASAF


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Source : www.asafrance.fr