CORONAVIRUS : La jeune garde sur le front de l’épidémie

Posté le jeudi 30 avril 2020
CORONAVIRUS : La jeune garde sur le front de l’épidémie

Soignants et militaires, les élèves du Service de santé des armées ont aussi été mobilisés contre le virus.

Chez lui, dans sa chambre d’étudiant, Hugo révise. « L’école est fermée, je me concentre sur mon mémoire », dit-il d’une voix disciplinée. Ce jeune homme de 23 ans, en troisième année d’études d’infirmier, a pris du retard. Or la fin de l’année scolaire, même confinée, approche. Il doit rendre son travail pour obtenir son diplôme, et doit donc donner un coup de collier.

Le jeune homme est rentré il y a seulement deux semaines. Auparavant, alors que l’université avait fermé ses portes pour cause de confinement, il était mobilisé à l’hôpital militaire de Mulhouse, sur le front de l’épidémie du coronavirus. Hugo fait partie des élèves du Service de santé des armées (SSA) qui se sont portés volontaires pour prêter main-forte face au virus. Au plus fort de la crise, ils ont été 300 à renforcer les effectifs du SSA dans ses différents établissements, notamment les huit hôpitaux militaires du territoire.

Ces petites mains à double casquette civile et militaire, apprentis soldats, médecins, infirmiers ou pharmaciens, venus des écoles militaires de Lyon-Bron, ont donné du temps et de l’énergie. Comme les autres, Hugo s’est retrouvé propulsé plus tôt que prévu « en mission ». « Être là-bas a donné du sens, confie-t-il. Je me suis engagé pour devenir infirmier et militaire, pour servir la France et soutenir ses armées. » Si le SSA ne représente que 1 % de l’offre de soins nationale, il a été fortement sollicité dans la crise.

En Alsace, la situation était dramatique et, fin mars, l’armée a déployé à Mulhouse un élément militaire de réanimation (EMR), une véritable unité de réanimation capable de soulager les services submergés de l’hôpital Émile-Müller. « Je suis arrivé peu de temps après l’installation de l’EMR, raconte Hugo. Je travaillais dans une travée où se trouvait une dizaine de patients souvent inconscients. J’ai retrouvé tous les repères de mon précédent stage en réanimation, la même configuration et les mêmes appareils. » Ce n’est pas la première fois que l’étudiant infirmier est immergé dans le milieu hospitalier. Sa formation à Lyon-Bron alterne théorie et pratique. À l’EMR, ils étaient plusieurs étudiants du SSA à œuvrer dans l’ombre, encadrés par leurs aînés.

« En troisième année, j’ai une équivalence d’aide soignant, précise Hugo. À Mulhouse, j’assistais à l’installation des patients, à leur toilette, leur alimentation. » Il se tenait à leur côté au moment de leur réveil. « J’essayais de leur parler pour les rassurer, de leur expliquer la situation, raconte-t-il. J’essayais de donner des repères de temps et de lieu. Je leur disais que les militaires avaient été mobilisés parce que les hôpitaux civils avaient été mis à l’épreuve et qu’ils avaient été pris en charge avec le même matériel et la même qualité de soins. » Pour les patients de Mulhouse, désorientés et angoissés, cette attention a été essentielle. Pendant ce temps, le reste de l’équipe a pu se concentrer sur les autres malades.

Si Hugo a été mobilisé sur le front, d’autres ont servi en deuxième ligne, mais tout aussi fièrement. Lorsque l’appel a été lancé, Clara, aspirant médecin en quatrième année, a répondu présente. Elle joue les « petites mains » dans une unité non-Covid19 de l’hôpital d’instruction des armées de Percy, en région parisienne. « Nous ne sommes pas venus pour intuber des gens en détresse respiratoire, souligne-t-elle modestement. Mais nous avons assez d’expérience pour aider et donner un coup de main. On est utiles pour libérer d’autres soignants. » Au fil des semaines, la fatigue commence cependant à se faire sentir. « Mais en tant qu’étudiante en médecine, quand on est face à une crise de cette ampleur, on n’a pas envie de rester confinée chez soi », dit-elle.

 

Des effectifs en baisse  

Aux écoles militaires de santé de Lyon-Bron, personne n’a hésité à se mobiliser. À partir du début du confinement « tout s’est figé à la fac », rapporte Marine, aspirant pharmacien de 23 ans. La pharmacie centrale des armées (PCA) a demandé elle aussi des renforts, comme les hôpitaux. « Si des gens sont prêts à s’engager pour la nation, il est important que d’autres s’engagent pour les soutenir », explique Marine, qui a quitté le département du Rhône pour rejoindre la PCA à Orléans avec ses quatre camarades de promotion. Ils ont rejoint les chaînes de production. Elles permettent aux armées d’être toujours approvisionnées en médicaments. Le virus les avait aussi dégarnies. Aujourd’hui, la mobilisation de Marine touche à sa fin, elle aussi doit préparer ses examens de fin d’année, à la mi-mai.

Si l’engagement de ces élèves fait la fierté des militaires, il relève aussi les carences du Service de santé des armées. Depuis la fin de la conscription, ses effectifs n’ont cessé de diminuer, même si la dernière loi de programmation militaire a amorcé un léger inversement.

Les capacités du SSA sont à flux tendu et la crise sanitaire du coronavirus a souligné la limite de ses capacités. Pour les jeunes, la filière, méconnue, est parfois jugée trop peu attractive. Dans ce contexte, les armées misent sur la valeur de l’engagement pour convaincre les étudiants.

 

Nicolas BAROTTE 
Le Figaro 
mercredi 29 avril 2020

Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

Source : www.asafrance.fr