MARINE NATIONALE : Le commandant du SIRPA Marine, Alexandre MARCHIS, décrypte les enjeux de la haute intensité

Posté le mercredi 26 octobre 2022
MARINE NATIONALE : Le commandant du SIRPA Marine, Alexandre MARCHIS, décrypte les enjeux de la haute intensité

En clôture du salon Euronaval, pendant lequel les équipements d’une Marine nationale prête à faire face au retour du combat en mer ont été mis en avant, le capitaine de vaisseau Alexandre Marchis décrypte les enjeux de la haute intensité.

 

« Nous entrons dans une période de turbulence où le droit est contesté par la force »

 

En clôture du salon Euronaval, pendant lequel les équipements d’une Marine nationale prête à faire face au retour du combat en mer ont été mis en avant, le capitaine de vaisseau Alexandre Marchis, commandant du SIRPA Marine, décrypte les enjeux de la haute intensité.

La potentialité d’un conflit de haute intensité se présente aux trois armées. Dans les faits, comment cela se traduit-il sur les espaces maritimes ?

 

Nous entrons dans une période de turbulence où le droit de la mer est contesté par la force. Le conflit ukrainien en est un révélateur. L’impression générale est celle d’un conflit continental. Mais le chef d’état-major de la Marine nationale, l’amiral Vandier, estime que cette guerre impose une lecture plus globale avec des enjeux au large. Cela s’est vu notamment avec la perte du croiseur russe Moskva, la question de l’acheminement des céréales hors d’Ukraine mais également dans les fonds sous-marins où reposent nos infrastructures stratégiques, vitales pour le transport d’énergie et l’échange de données numériques. Cette guerre ne se limite pas à l’espace aéroterrestre mais a gagné les espaces communs, parfois sous une forme hybride. La compétition et la contestation ont toujours existé en mer, mais nous passons progressivement à la confrontation et potentiellement à l’affrontement. Le réarmement naval massif partout dans le monde en est l’exemple le plus frappant. Il annonce un tournant plus dur auquel la Marine doit se préparer.

 

Justement, comment la Marine nationale se prépare-t-elle à cette hypothèse ?

 

Au quotidien, par une montée en gamme de la préparation au combat pour que cette dernière corresponde le plus possible à la réalité. L’exercice Polaris 21 constitue la première étape marquante de cette évolution. Il a duré 16 jours avec un groupe aéronaval, 24 bâtiments, 65 aéronefs et 6 000 militaires, dont 4 000 marins. Une seule règle : « pas de règle », comme dans le combat réel. Quand un navire était coulé, il rentrait au port. Si ses soutes à munitions étaient vides, il devait continuer à combattre mais autrement. Cela a créé de l’émulation dans les équipages et a permis de faire naître des idées originales et pertinentes pour mieux se préparer.

 

Se préparer à la haute intensité, c’est aussi renforcer les valeurs morales dans la Marine par l’introduction d’un nouvel état d’esprit. C’est là tout le sens de la commémoration de la victoire navale dans la baie de Chesapeake* voulue par l’amiral Vandier. C’est une bataille qui regroupe tout ce vers quoi la Marine souhaite aller : connaître parfaitement ses gammes, se battre avec le matériel et le personnel disponibles, afficher une très grande force morale.

 

L’accélération du plan Mercator, publié en février 2021, prévoyait de se concentrer autour de trois axes : combat, innovation et ressources humaines. Qu’est-ce qui a été mis en œuvre concrètement depuis cette date ?

 

Je viens d’évoquer la préparation au combat. En mer, la bascule entre la basse intensité et la haute intensité peut se réaliser en un instant. Les marins se sont toujours exercés en ce sens, mais l’entraînement a clairement pris cette direction. Ces marins, ces talents, voient également leur formation évoluer pour qu’elle réponde continuellement à ces nouvelles exigences.

 

Le renouvellement des capacités de la Marine symbolise également très bien deux des trois axes du plan Mercator, celui de la marine de combat et celui de la marine de pointe. De nombreux équipements exposés sur le stand de la Marine lors du salon Euronaval sont la traduction concrète de la Loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025. En pratique, les marins ont déjà pu observer la fin de vieilles capacités et leur remplacement par des nouvelles plus adaptées aux exigences du combat moderne. C’est le cas des Frégates multi-missions (FREMM) et de leur force de frappe contre terre à longue distance grâce au missile de croisière naval. Avec l’association FREMM-Caïman Marine, nous avons l’un des meilleurs outils de lutte anti-sous-marine au monde, comme l’ont encore reconnu les Américains en décernant le « Hook'em Award » à l’une de nos FREMM. Ce renouvellement va se poursuivre avec l’arrivée des Frégates de défense et d’intervention (FDI). La première sera mise à l’eau le mois prochain. Les 27 Caïman ont déjà remplacé tous les Lynx et en décembre, nous assisterons à la fin de l’Alouette III. Pour la remplacer, une flotte intérimaire mixte de Dauphin et d’H160 effectuera la transition avant l’arrivée du Guépard à la fin de la décennie. Nous avons également assisté à une montée en gamme des forces sous-marines avec l’entrée en service actif du Sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Suffren en juin dernier.

 

Ce renouvellement, c’est aussi le Jacques Chevallier, premier Bâtiment ravitailleur de forces (BRF) et qui effectuera sa première sortie à la mer avant la fin de l’année, mais aussi le patrouilleur outre-mer Auguste Bénébig en partance pour Nouméa au mois de décembre. L’année prochaine sera marquée par les commandes des Patrouilleurs hauturiers (PH) et des premiers Bâtiments de guerre des mines (BGDM).

 

Combat, innovation et ressources humaines : ces trois thématiques étaient également mises en avant à Euronaval 2022. Quels enseignements tirez-vous de ce salon pour la Marine nationale ?

 

Ce qui m’a frappé, en me promenant dans le stand du ministère des Armées, ce sont bien sûr tous ces nouveaux équipements. Mais c’est aussi la capacité de la Marine, avec la DGA et les industriels, à innover rapidement. C’est notamment le cas avec la maîtrise des fonds marins. La stratégie a été lancée en février dernier. Et moins d’un an plus tard, des innovations sont déjà présentées. Entre-temps, une première descente à 4 500 mètres de profondeur, avec une capacité exploratoire, a été réussie. L’innovation, c’est aussi les armes à énergie dirigée pour la lutte anti-drone, exposées en bonne place sur le stand du ministère.

 

Cette capacité à innover, aussi bien en termes de préparation opérationnelle et de combat que pour les équipements, est essentielle. C’est l’une des qualités fondamentales attendue par le chef d’état-major. « Être inerte, c’est être vaincu ! », rappelle-t-il souvent.

*Le lundi 5 septembre 2022, cette bataille décisive de la guerre d’indépendance américaine a été commémorée pour la première fois dans l’ensemble des unités et états-majors de la Marine.

 

Ministère des Armées
24/10/2022


Légende et source photo : 
Capitaine de vaisseau Alexandre MARCHIS, commandant du SIRPA Marine - © Florian Szyjka / Ministère des Armées


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Source : www.asafrance.fr