Le fonds européen de défense mis à contribution pour le transport aérien stratégique ? LIBRE OPINION de Laurent LAGNEAU

Posté le mercredi 06 juin 2018
Le fonds européen de défense mis à contribution pour le transport aérien stratégique ? LIBRE OPINION de Laurent LAGNEAU

Actuellement, deux tiers des besoins en transport aérien pour la projection des forces françaises sur des théâtres extérieures dépendent de l’affrètement d’avions de transport civils via une procédure dite « à bons de commande » ou dans le cadre du contrat SALIS [Solution intérimaire pour le transport aérien stratégique], attribué à l’Otan aux compagnies Volga-Dnepr [Russie] et Antonov DB [Ukraine]. 

En matière de transport, les capacités de l’armée de l’Air sont limitées, avec, au niveau tactique, 14 C-130H Hercules, 1 C-130J (et bientôt deux), 18 Transall C-160 et 14 A400M « Atlas » (et éventuellement, 27 CN-235 pour le transport tactique léger). En outre, elle dispose de 5 appareils A-340 et A-310 pour le transport stratégique, auxquels ont peut ajouter ses 14 avions ravitailleurs C-135FR/KC-135.

D’ici 2025, la capacité de transport de fret de l’armée de l’Air devrait bondir de 77% (et de 51% pour le transport de passagers) grâce à la mise en service de 11 A400M supplémentaires. En outre, 12 avions ravitailleurs A330 MRTT « Phénix » et 2 autres KC-130J auront été livrés (sur 15). Et les deux A-340 resteront en dotation. En clair, ce saut capacitaire sera possible par la mise en œuvre d’appareils nouveaux (ou modernisés, comme le seront les C-130H), aux performances nettement supérieures par rapport à la plupart des avions actuellement en service.
Qui plus est, il est attendu une meilleure disponibilité des différentes flottes. Selon le général Laurent Marbœuf, commandant de la Brigade aérienne d’appui et de projection (BAAP), l’objectif en 2030 est que l’armée de l’Air soit en mesure de transporter 6 000 tonnes et 2 300 passages chaque semaine.

Pour autant, et sous réserve que le plan se déroule comme prévu, les forces françaises auront toujours besoin d’affréter des avions « hors gabarit », capables de transporter en un coup d’ailes 100 à 120 tonnes d’équipements sur un théâtre extérieur. Ce qui est primordial lorsqu’une opération commence. En un mot, le transport aérien stratégique est une question « d’autonomie stratégique ». Seulement, cette autonomie stratégique est remise en question. si les marchés attribués dans le cadre de la procédure « à bons de commande » font l’objet d’une enquête du l’enquête du Parquet national financier en raison de locations jugées « excessivement coûteuses » de gros-porteurs, le contrat SALIS bat de l’aile, avec le retrait annoncé de la compagnie russe Volga-Dnepr à compter du 1er janvier 2019. Désormais, seule Antonov DB est en piste, ce qui n’est jamais bon pour la concurrence. En outre, sa fiabilité interroge…
Une solution passerait par l’adhésion à une autre initiative de l’Otan qui, appelée « Capacité de transport stratégique » [SAC], repose des avions américains C-17 (d’une capacité de 77 tonnes), mis en œuvre par l’escadre de transport lourd (HAW) basé à Pápa, en Hongrie. Lors d’une audition devant la commission des Finances, à l’Assemblée nationale, dans le cadre du « printemps de l’évaluation », la ministre des Armées, Florence Parly, a été interpellée au sujet du transport aérien stratégique par le député Claude de Ganay.
« Nous sommes en train d’examiner avec nos Alliés les moyens de remédier à cette question », a répondu Mme Parly en évoquant le retrait de Volga-Dnepr du contrat SALIS.
« J’ajoute quand même qu’une autre compagnie, ukrainienne cette fois-ci, a indiqué qu’elle était en mesure de mettre plus d’avions à disposition », a-t-elle continué. Mais, selon elle, la solution au problème devrait être européenne.
« Je pense que les Européens n’ont sans doute pas suffisamment insisté sur la dimension stratégique en terme de souveraineté de ce type d’avions [les gros porteurs, ndlr] », a dit Mme Parly. Aussi, « cela pourrait être un projet [susceptible] d’être utilement financé par le Fonds européen de défense, puisque celui-ci à vocation à voir le jour », a-t-elle conclu. Ce fonds, a expliqué la Commission européenne au moment de son lancement, « fournira des incitations destinées à encourager les États membres à coopérer en matière de développement et d’acquisition conjoints d’équipements et de technologies de défense, sous la forme de cofinancement par le budget de l’Union. » Selon le projet de budget de l’UE pour la période 2021-2027, il serait doté de 7 milliards pour l’industrie de la défense et de 3,5 milliards pour la recherche et le développement conjoints de technologies et d’équipements.

Dans le domaine des gros porteurs, l’A380-800F cargo, pouvant transporter 150 tonnes de fret, aurait pu être une solution européenne à ce problème de transport aérien stratégique. Mais le développement de cette version a été annulée en 2007. Reste la possibilité d’acquérir des C-5 Galaxy américains. Une piste qui fut un temps étudiée par l’Agence européenne de défense (AED).

 

Laurent LAGNEAU
OPEX 360

Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr 

 

Source : www.asafrance.fr