STRATÉGIE : Le plan Mercator de la Marine nationale

Au large de la Syrie e en Atlantique Nord, nous n’avons plus une liberté d’action totale comme nous avons pu l’avoir au cours des vingt dernières années, notamment parce que nous avons en face de nous des armes, des radars et des capacités de brouillage de dernière génération qui rivalisent avec nos propres moyens à la fois en quantité et en qualité.
Nous avons la chance d’avoir une base industrielle et technologique de défense de très grande qualité, capable de produire la frégate européenne multi-missions (FREMM), avec des capacités uniques au monde.
Dans les autres domaines de l’action maritime, nous devons faire un effort technologique pour reprendre l’ascendant. C’est ce que j’appelle une marine en pointe. Cela impose d’intégrer plus vite que nos compétiteurs des technologies plus performantes. Aujourd’hui, par exemple, dans le détroit de Bab-el-Mandeb, des acteurs non-étatiques sans budget, ni commission de la Défense, sans direction générale de l’Armement (DGA) ou sans base industrielle et technologique de défense (BITD), sont capables de concevoir et d’exécuter des attaques contre des bâtiments de haute mer – qui naviguent à grande vitesse loin des côtes – avec des drones de surface chargés d’explosifs et téléguidés.
Nous devons être capables, nous aussi, d’intégrer plus rapidement les dernières avancées technologiques souvent issues du monde civil. En ce qui concerne la Marine, nous n’en sommes qu’à l’expérimentation de drones aériens sur nos bâtiments de surface. Il faut donc accélérer le mouvement. Je veux créer une école de pilotes de drones de la Marine en 2019, pour que sur chaque bateau, dans chaque sémaphore, il y ait un drone – et que chaque marin considère que mettre en œuvre un drone fait partie des compétences normales d’un équipage de combat, au même titre que les hélicoptères, les embarcations légères ou les armements du bateau. Il faut aussi des technologies plus performantes à la conception. C’est tout le sujet de l’innovation, avec la création de l’Agence de l’innovation de défense (AID) et de notre lien avec la DGA et les industriels.
Nous devons tester les matériels en boucle plus courte, faire grandir les innovations, accepter l’échec – car dans l’innovation, il y en aura toujours. C’est la raison pour laquelle nous avons créé, au sein de la Marine, le Navy Lab. Ce projet permet de proposer de nouvelles applications que nous pourrons intégrer sur nos bateaux. Ces innovations technologiques ne s’appliquent pas qu’au domaine opérationnel. Elles doivent aussi simplifier la vie du marin, au service notamment de la maintenance prédictive, pour laquelle il faut être capable d’enregistrer tous les paramètres d’un moteur pour savoir comment intervenir à l’avance, avant qu’il ne tombe en panne. Ces technologies doivent aussi nous permettre de mieux assurer l’administration des marins.
Le plan Mercator : une marine d’emploi, une marine de combat, une marine en pointe et une marine qui compte sur chaque marin.
Amiral Christophe PRAZUCK
Chef d’état-major de la Marine
Extraits de l’audition devant la commission de la Défense nationale et des forces armées
(Projet de loi de finances pour 2019, 17 octobre 2018)
Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr