Les FORCES SPÉCIALES françaises en mode testeurs d’élite

Posté le lundi 13 mai 2019
Les FORCES SPÉCIALES françaises en mode testeurs d’élite

 

 

 

Drones, robots, transport... L’armée française mobilise ses commandos pour développer des équipements innovants.

 

 

 

 

 

 

Démonstration des forces spéciales au salon Sofins (Albane Photographe)Démonstration des forces spéciales au salon Sofins
(Albane Photographe
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Pour atterrir au Salon Sofins, il faut braver la rocade bordelaise à l'heure de pointe. Virer plein ouest direction Martignas-sur-Jalle. Montrer patte blanche à l'entrée sud du camp de Souge, bastion du 13e régiment de dragons parachutistes. Traverser le camp, entre pinèdes, champs de tir et vieux blindés de l'ONU à moitié démantelés. Un dernier contrôle du badge, et on entre enfin dans le saint des saints : la grande tente blanche qui abrite le Sofins (Special Operations Forces Innovations Network Seminar), le Salon de l'innovation pour les forces spéciales, dont la quatrième édition se tenait du 2 au 4 avril 2019. Une sorte de Samaritaine de l'équipement militaire.

Réservé à un public restreint, l'événement incarne la priorité absolue donnée à l'innovation par les forces spéciales, ces unités d'élite expertes dans les opérations à forte valeur ajoutée en terrain très hostile (libération d'otages, neutralisation de terroristes, renseignement). Présents au Sahel (Task Force Sabre) et au Levant, ces commandos doivent bénéficier du meilleur équipement pour mener à bien leurs missions. « On engage le feu tous les jours, il nous faut gagner les quelques secondes qui feront la différence face à l'adversaire, explique le vice-amiral Laurent Isnard, patron du Commandement des opérations spéciales (COS), et ancien du prestigieux commando Hubert (nageurs de combat de la Marine). Nous sommes des éclaireurs de l'innovation. D'ailleurs, nous partageons chaque année notre retour d'expérience avec les états-majors des trois armées. »

Coopération industrielle

De fait, les commandos sont souvent les premiers à tester les nouveaux équipements en conditions réelles. En plus d'avoir adopté le fusil d'assaut allemand HK416, le remplaçant du légendaire Famas, cinq ans avant que les forces conventionnelles ne s'y convertissent, ils ont aussi été pionniers dans l'utilisation des petits drones tactiques, comme le Skylark de l'israélien Elbit Systems. Les capteurs optroniques du futur hélicoptère NH90, destiné aux forces spéciales, vont également être étendus aux appareils des unités conventionnelles.

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L'innovation repose d'abord sur les commandos eux-mêmes. Ainsi, le CPA 10 (commando parachutiste de l'air no 10), basé à Orléans, a développé un drone baptisé Corvus, capable de décoller à la verticale comme un hélicoptère, puis de voler comme un avion. D'une portée de 10 kilomètres, l'appareil est conçu pour être facilement réparable sur le théâtre des opérations : les ailes, conçues dans une sorte de polystyrène, peuvent être reproduites par impression 3D, limitant drastiquement les coûts de maintenance.

Les forces spéciales coopèrent aussi étroitement avec les industriels de la défense. Une cellule R&D propre au COS, la Commission interarmées d'études pratiques concernant les opérations spéciales (CIEPCOS), sélectionne et finance une soixantaine de projets par an, portés par des équipes mixtes militaires- industriels. En 2017, un tireur d'élite a ainsi eu l'idée d'améliorer les jumelles infrarouges JIM Compact de Safran, déjà parmi les meilleures du marché, en les dotant d'un calculateur qui corrige la visée en fonction du déplacement de la cible. Après dix-huit mois de travaux et des tests avec Safran, l'équipement doit entrer au sein des forces spéciales ces prochaines semaines. «  Sur une cible qui court à 8 km/heure à 400 mètres de distance, on atteint une probabilité de coup au but de 90 % », indique le commandant Dominique, l'officier du COS à l'origine de l'idée.

Thales n'est pas en reste. Le français a développé, en coopération avec les forces spéciales et la start-up tricolore Robotics Industry, un véhicule robotisé multifonction nommé Brain. Ce dernier est une unité centrale que les commandos peuvent doter, au choix, de roues pour en faire un robot terrestre, de rotors pour un drone, de flotteurs pour des missions maritimes, ou d'un bras articulé. « Les changements d'équipements se font en quelques secondes, sans outil », détaille Vincent Marionnet, en charge de l'innovation de l'activité ISR (intelligence, surveillance, reconnaissance) à Thales.

Appel aux start-up

Dans leur quête d'innovation, les forces spéciales peuvent aussi compter sur l'appui du Cercle de l'Arbalète, une association qui leur sert de cellule de veille technologique et de relais auprès des industriels. «  Nous recueillons les besoins opérationnels des différentes unités, et nous écumons les salons, comme le CES de Las Vegas, pour identifier les start-up qui pourraient offrir des technologies adaptées »,  explique son président, Benoît de Saint Sernin. Parmi les pépites identifiées, la société basque Pragma Industries et son vélo doté d'une pile à hydrogène qui se recharge en une minute, ou SEAir, spécialiste des bateaux volants. Mais pas question d'entrer dans la surenchère technologique. «  Je ne veux pas des Robocops, mais des commandos rustiques, avec le bon équipement pour remplir leur mission », souligne le vice-amiral Isnard. Voilà les industriels prévenus.

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Un " bateau volant " équipé des foils de la start-up SEAir. Les commandos Marine testent ces semi-rigides pourvus de petites ailes profilées, qui permettent au navire de " voler " sur l'eau. A la clé, un meilleur confort et une baisse de consommation de 30 %.

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La nacelle héliportée Escape. Présentée en démonstration au Salon des forces spéciales Sofins du 2 au 4 avril, cette nacelle, imaginée par un membre du GIGN, permet l'évacuation rapide (par hélicoptère Puma ou Caracal) des commandos sur les théâtres d'opérations. Elle peut aussi être utilisée pour évacuer des civils lors de missions de sauvetage.

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Le véhicule Brain de Thales. Cet engin multifonction peut être doté, au choix, de roues pour en faire un robot terrestre, de rotors pour en faire un drone aérien, de flotteurs pour des missions maritimes, ou d'un bras articulé.

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Le robot antichar Themis de MBDA. Développé avec l'estonien Milrem, ce robot chenillé est armé du nouveau missile antichar MMP, d'une portée de plus de 4 kilomètres. L'engin n'est pas autonome : il est téléguidé par un opérateur, à distance de sécurité.

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Vincent LAMIGEON
Challenges
le
12.05.2019

Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

Source : www.asafrance.fr