Les leçons de vie d’un gendarme de la République. LIBRE OPINION du général (2s) Gilbert ROBINET.

Posté le lundi 02 avril 2018
Les leçons de vie d’un gendarme de la République. LIBRE OPINION du général (2s) Gilbert ROBINET.

Les femmes et les hommes politiques qui, à l’occasion de la mort tragique du colonel Arnaud Beltrame, ressortent de la naphtaline où ils sont tenus en réserve leurs poncifs sécuritaires traduisent, en réalité, leur impuissance devant la stature d’un homme qui les écrase.

Utiliser la mort d’un héros à des fins de polémiques politiciennes, c’est faire insulte à sa mémoire et se salir soi-même. De surcroît, que peut-on reprocher aux responsables du moment d’une République capable, à travers son système éducatif, social et militaire, de générer des hommes de la trempe de cet officier ? Dire que l’État n’assure pas la sécurité de nos concitoyens alors que ce même État forme des gens capables de sacrifier leur propre vie pour en sauver une seule autre, n’est-ce pas refuser d’admettre que la terre est ronde ?

Laissons là ce médiocre débat et interrogeons-nous plutôt sur le sens à donner à la mort d’un homme, mort qui se place de fait dans la continuité « naturelle » d’une vie exemplaire. Le colonel Beltrame, mort, nous interroge ; il nous pose des questions singulières. Dans les trois dernières heures tragiques de sa vie, il a cristallisé autour de sa personnalité toutes les contradictions, les aspirations et les espérances de notre Nation.

Contradiction, parce que l’on est partagé entre le sentiment d’horreur suscité par l’acte barbare d’un terroriste et l’immense satisfaction de constater qu’il existe, dans notre société, des hommes comme le colonel Arnaud Beltrame. Contradiction encore parce que chacun ressent douloureusement la mort de cet homme alors que celui-ci a réalisé dans sa plénitude ce à quoi  il avait voué sa vie professionnelle et sa vie tout court (car de l’aveu même de sa mère, sa Patrie passait avant sa famille), à savoir remplir le mieux possible sa mission, ce à quoi aspire tout élève, garçon ou fille, entant dans une école d’officiers. Contradiction entre compassion et fierté.

Espérance enfin, immense espérance générée par cette magnifique démonstration que, quels que soient les temps, il existe des hommes capables du meilleur et par conséquent susceptibles, par leur magnifique exemple, d’entraîner derrière eux  toute une jeunesse en quête de repères.

Mais la plus grande interrogation que nous pose Arnaud Beltrame c’est de savoir pourquoi, en un instant, il a décidé que sa vie ne valait pas plus que celle d’une caissière de supermarché. Comble d’ironie, ce métier transformé aujourd’hui en hôtesse de caisse (sic) a longtemps représenté le déclassement social, l’échec professionnel : « si tu ne travailles pas à l’école, tu seras caissière de supermarché ». C’est pourtant pour sauver cette vie-là, humble parmi les plus humbles, que cet officier, serviteur de la République, emprunt des plus grandes vertus enseignées dans les écoles militaires, a choisi de donner la sienne.

Apprenant que ce militaire était très croyant, d’aucuns trouveront peut-être dans son geste une inspiration christique. Mais la formule : « Celui qui sauve une vie sauve l’humanité tout entière » est à la fois un proverbe juif et une parole du Coran. Il faut donc, sans doute, aussi  chercher ailleurs ; ailleurs, c'est-à-dire dans les qualités intrinsèques d’Arnaud Beltrame qui, d’après son épouse, étaient des valeurs morales très élevées, la générosité et le don de soi.

Moi je dirais assez simplement avec des mots communs que Arnaud Beltrame était un type exceptionnel qui jusqu’au bout a fait preuve d’une triple fidélité : à la France, à la Gendarmerie et à sa foi.

Sur le fronton du Panthéon, il est écrit « Aux grands hommes la Patrie reconnaissante ». Le colonel Arnaud Beltrame n’entrera sans doute pas au Panthéon de la rue Soufflot, qu’il a toutefois empruntée, le mercredi 28 mars 2018, pour se rendre dans la Cour d’honneur des Invalides y recevoir l’hommage de la Nation, mais dans celui du cœur des soldats (les gendarmes sont des soldats), à coup sûr. Cela dit, il nous oblige en mettant la barre très haute. Essayons, à notre tour, d’être toujours digne du message qu’il nous a transmis.

Gilbert ROBINET
Officier général (2s)
Secrétaire général de l’ASAF

 ( www.asafrance.fr )

 

 

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Source : www.asafrance.fr