SANTE : Les mesures chinoises incitant à la délocalisation de la production pharmaceutique française et européenne

Posté le samedi 16 mai 2020
SANTE : Les mesures chinoises incitant à la délocalisation de la production pharmaceutique française et européenne

La Chine représente le second marché pharmaceutique mondial, avec 107 milliards de dollars d’échanges en valeurs en 2017, et une croissance estimée entre 6 et 10% par an jusqu’en 2022. Ce fort relais de croissance favorise l’implantation d’entreprises pharmaceutiques étrangères, et permet à la Chine d’établir un environnement économique et scientifique favorable à la création d’une industrie pharmaceutique chinoise.

En effet, dans le cadre du plan «Made in China 2025», Pékin souhaite qu’au moins cent sociétés chinoises puissent exporter des médicaments au sein des grands marchés de la planète, en atteignant une production au standard international dans le début des années 2020. Cet objectif gouvernemental est porté par un ensemble de mesures favorables.

 

Une fiscalité avantageuse

D’abord d’ordre fiscal, avec les «China High Tech Enterprise» (CHTE). Cette certification, permet à une entreprise ayant le statut CHTE de bénéficier d’une réduction d’impôt à 15%, au lieu des 25% conventionnels155. Déjà en 2011, 41 000 entreprises bénéficiaient de ce statut, qui s’applique aux secteurs stratégiques, dont lepharmaceutique. Néanmoins, plusieurs conditions sont à remplir:

·Être établi en Chine depuis au moins un an.

· Être en possession de la propriété intellectuelle pour la technologie principale de l’entreprise.

·Employer du personnel qualifié, dont au moins 30% possède une licence ou un diplôme de l’enseignement supérieur, et au moins 10% est engagé dans les activités de R&D de l’entreprise.

·Consacrer de 3 à 6% (selon le chiffre d’affaires de l’entreprise) des revenus à la R&D, et 60% de cet investissement en recherche en Chine.
·Toucher des revenus dont au moins 60% proviennent de produits de haute technologie.
Nous l’aurons compris à la lecture de ces conditions: une part considérable est faite à la problématique de la recherche et du développement. En effet, l’industrie pharmaceutique chinoise, qui accuse encore un retard par rapport aux majors occidentales, souhaite rattraper l’écart dans un délai réduit.

 

Des facilités administratives


Le volet administratif s’impose une étape centrale dans l’encouragement à l’implantation d’entreprises étrangères en Chine. En effet, le plan «Healthy China 2030» amorce une simplification des procédures de mise sur le marché. Désormais, le nombre d’essais cliniques est considérablement réduit. Le nombre de personnel dans la «China Food and Drug Administration», en charge de réguler le marché, a été multiplié par huit depuis 2014, permettant ainsi de réduire le délai de mise sur le marché de manière considérable: 6 mois aujourd’hui contre 3 ans il y a encore peu. Enfin, une entreprise étrangère peut désormais inscrire légalement des médicaments, sans qu’ils aient été préalablement autorisés dans le pays d’origine de ladite entreprise. À terme, l’objectif est d’harmoniser la réglementation chinoise avec les standards européens, nord-américains ou japonais, dans le but de conquérir ces marchés.

 

Une politique de concentration géographique des acteurs


Ces encouragements administratifs s’accompagnent d’une politique géographique de concentration des industries biopharmaceutiques au sein de clusters, qui favorisent l’émergence d’un écosystème favorable, d’une proximité entre les centres de recherches, les fournisseurs et les producteurs.

Ces triples mesures, d’ordre fiscal, administratif et géographique, permettent d’entretenir et d’accroître la dynamique industrielle qui prévaut autour du pharmaceutique en Chine. Ainsi, on recense plus d’une trentaine d’entreprises pharmaceutiques étrangères implantées en Chine. Qu’elles soient japonaises, françaises, suisses, allemandes, britanniques, ou américaines, l’essentiel d’entre-elles sont arrivées sur le marché autour des années 2000, lors de l’entrée de la Chine à l’OMC.
Toutefois, on remarque que la majorité de ces entreprises sont présentes en Chine dans le cadre de joint-ventures avec des entreprises chinoises locales. À titre d’exemple Novartis est implantée depuis 1987, dans le cadre d’une joint-venture avec le Beijing Pharmaceutical Group. Plus récemment, Pfizer a établi une joint-venture avec la chinoise Hinsun Pharmaceutical pour vendre des génériques, et a investi 500 millions de dollars en Chine. Fait notable, Hinsun Pharmaceutical détient 51% des parts, lorsque l’entreprise américaine en détient 49%. Une telle structure juridique n’est pas un cas isolé.

Le ticket d’entrée pour les entreprises pharmaceutiques étrangères au marché chinois se fait donc sous certaines conditions, que l’on peut considérer comme stratégiquement désavantageuses pour l’acteur étranger. Il faut comprendre que l’État chinois reste éminemment présent dans tous les secteurs stratégiques: défense, aérospatial, pharmaceutique, technologiques de l’information et des communications, énergie, chimie, etc... À ce titre, l’omniprésence des sociétés chinoises dans les joint-ventures avec des acteurs économiques occidentaux n’est pas anecdotique, mais révèle le caractère stratégique de tels accords. Si l’État central assure des abattements fiscaux, tels que ceux promis par le CHTE, cela induit forcément qu’un retour sur investissement est attendu. Ainsi, en s’alliant avec des entreprises étrangères, et en détenant la majorité des parts de la joint-venture, les acteurs chinois s’assurent, autant que faire se peut, de décider, tout autant que de se renseigner sur l’entreprise étrangère dont ils convoitent le savoir-faire.

 

Extrait du rapport de l’Ecole de guerre économique (Mai 2020)
« La Chine communiste est-elle devenue une puissance dangereuse du temps de paix ? »

 

Pour télécharger le rapport "La Chine communiste est-elle une devenue une puissance dangereuse du temps de paix" réalisé par l'Ecole de Guerre Economique (mai 2020), cliquez sur le PDF ci-dessous.
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Rediffusé su le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

Source : www.asafrance.fr