LIBRE OPINION : Armées : des matériels militaires de moins en moins disponibles

En 2013, la disponibilité des blindés légers VAB s'est péniblement élevée à 40 %, celles des chars AMX 10 RCR et des hélicoptères de l'armée de terre à 35 et 45 %. En revanche, les avions à usage gouvernemental sont disponibles 90 % de leur temps.
Bas du formulaire
Les matériels de l'armée française sont actuellement mis à très rude épreuve (trop ?). Notamment à cause de nombreuses opérations extérieures (OPEX) : Afghanistan, Mali, Centrafrique et maintenant Irak. Du coup, la disponibilité des équipements, notamment les programmes les plus anciens, est médiocre. Et encore le référentiel a été modifié pour le projet de loi de finances de 2014 pour atténuer les effets négatifs. Il ne prend plus en compte l'ensemble du parc mais les matériels nécessaires à la satisfaction des contrats opérationnels. Donc des matériels prêts à servir en OPEX.
Même avec ce nouveau référentiel, la disponibilité de l'ensemble des matériels terrestres de l'armée de Terre ne devrait pas atteindre pas la barre des 50 % (49 %) en 2014. Comme en 2013 d'ailleurs (49 %) alors que la prévision initiale était de 69 %. En revanche, celle des appareils aéronautiques de l'armée de terre devrait s'élever à 62 % en 2014, en croissance par rapport à 2013 (58 %) tandis que la disponibilité des matériels aéronautiques et des appareils embarqués de la marine pourrait atteindre respectivement 50 % et 48 %. Enfin, la disponibilité de l'ensemble des matériels de l'armée de l'air est plutôt satisfaisante et atteindrait 70 % cette année (61,7 % en 2013).
L'armée de terre sacrifiée ?
La disponibilité des matériels terrestres a été marquée par le haut niveau d'activité opérationnelle du premier semestre 2013 lié à l'opération Serval au Mali. "La remise à niveau du matériel suite au retour des opérations (Afghanistan, Mali) conditionnera la remontée de disponibilité attendue dans les prochaines années", explique le ministère de la Défense. Dans le détail, la disponibilité du parc des chars Leclerc, après une diminution sensible, devrait "se stabiliser dans les prochaines années à un niveau tout juste suffisant pour les activités prévues", estime l'Hôtel de Brienne. En 2014, elle devrait atteindre 60 % comme en 2013.
Pour le parc des vieux chars AMX 10 RCR, la disponibilité est catastrophique (35 %), tout comme en 2013. "Les effets de la forte sollicitation lors de l'opération Serval ont reporté, d'au moins une année, l'amélioration attendue de la disponibilité liée au programme de retrofit", constate le ministère. Il prévoit en 2015 une remontée à 40 %. C'est aussi le cas pour les "chameaux" de l'armée de Terre, les VAB (40 % de disponibilité en 2014). L'amélioration de la disponibilité n'est pas attendue avant la fin de la remise en condition du matériel revenant d'Afghanistan et du Mali. "Cela exigera plusieurs années d'efforts", note le ministère, qui table sur une remontée à 50 % en 2015. En revanche, la disponibilité des matériels nouveaux comme le VBCI correspond au niveau contractuel du marché de soutien initial (75 %). C'est le cas aussi du système d'artillerie Caesar, qui corrige le vieillissement des parcs d'AUF1 et TRF1 (45 %).
S'agissant des matériels aériens de l'armée de terre, la régénération des hélicoptères, très sollicités en OPEX, est lente en raison de l'état des parcs d'ancienne génération, d'attentes d'approvisionnements et d'un manque de personnels spécialisés dans la maintenance. "Malgré les efforts réalisés, la disponibilité demeure sous le seuil critique depuis plusieurs mois et dégrade la préparation opérationnelle des pilotes", regrette le ministère. La disponibilité du parc des hélicoptères de manœuvre pourrait s'améliorer sur un an entre 2013 et 2014 pour passer de 45 % à 50 %.
Enfin, la disponibilité du parc hélicoptères de reconnaissance et d'attaque atteindrait en revanche 75 % en 2014 (contre 70 % en 2013). "La réduction du parc Gazelle entrainera une remontée de la disponibilité, explique le ministère. Pour le Tigre, la résolution des défauts de conception et la mise en place de lots de déploiement supplémentaires au bénéfice des opérations extérieures, devraient préserver la logistique en métropole. Les perspectives pour 2015 permettent d'envisager une consolidation des résultats 2014 sous réserve de l'allocation des ressources financières programmées".
Disparité dans la marine
Les prévisions et les objectifs de la marine tiennent compte du programme de maintenance majeure (porte-avions) et intermédiaire. En 2013, la disponibilité du porte-avions s'est élevé à 30 % (38 % dans les prévisions initiales 55 % en 2012) et elle pourrait atteindre 47 % cette année. En outre "les difficultés rencontrées sur l'appareil propulsif des sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) et des frégates expliquent en partie la baisse" de la disponibilité en 2013 : de 60 % en 2012 à 58 % en 2013 alors la prévision initiale tablait sur 70 % pour les SNA. Le taux de disponibilité des frégates a atteint l'an dernier 48 % (contre 53 % prévus), en hausse toutefois par rapport à 2012 (45 %). En 2014, la disponibilité des SNA et des frégates pourrait s'élever respectivement à 70 % (62 % en 2015) et à 49 % (53 % en 2015).
En raison d'aléas techniques et de difficultés de production des ateliers de maintenance, la disponibilité des matériels de l'aéronautique navale a été en 2013 "en deçà des prévisions pour la flotte des avions de patrouille maritime (ATL2)", constate le ministère. Après être tombée à 39 %, la disponibilité de cette flotte devrait s'améliorer en 2014 (41 %) et 2015 (42 %) grâce au plan d'actions lancé en 2011. La disponibilité des appareils embarqués (Rafale marine...) qui été relativement médiocre en 2013 (49 %), ne devrait pas s'améliorer en 2014 (48 %) et 2015 (48 %). Enfin, celle des hélicoptères est juste au-dessus de la barre des 50 % (52 % en 2013) et devrait le rester en 2014 (51 %) et en 2015 (51 %).
L'armée de l'air au top
Les activités de régénération des appareils ayant servi aux opérations en Libye se poursuivent. S'ajoute celles du Mali et d'Irak. "La baisse de disponibilité des différentes flottes est accentuée par un bas niveau de stocks de rechanges, conséquence directe des compressions logistiques sur le MCO (maintien en condition opérationnelle) aéronautique, précise le ministère. Ce phénomène est particulièrement important sur les flottes de transport tactique vieillissantes (C160). Il est accru par des difficultés d'ordre industriel pour le C130. En 2014, les prévisions de disponibilité technique opérationnelle sont en hausse par rapport à 2013 du fait de la diminution du nombre d'avions nécessaires pour satisfaire les besoins organiques et opérationnels liés aux nouveaux contrats".
La disponibilité de l'aviation de combat s'est élevé à près de 60 % en 2013 (contre 66,8 % en 2012). Elle devrait atteindre 75,9 % en 2014 et 77 % en 2015. Celles des avions de transport tactique a atteint 52,9 % en 2013 et devrait progresser en 2014 (58,6 %) et en 2015 (64 %). Enfin, la palme de la disponibilité revient aux avions à usage gouvernemental avec des taux très satisfaisants : 90 % en 2013 (90 % en 2014 et 2015).
L'entretien des matériels, une priorité de Jean-Yves Le Drian
L'entretien programmé des matériels est l'une des grandes priorités du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui avait constaté "une insuffisance de ressources sur la période 2010-2012". Ce qui avait entraîné une baisse du niveau d'activité opérationnelle "passé en deçà des normes". Les crédits de paiement prévus pour 2014 sont, comme en 2013, en hausse : 3,1 milliards d'euros, soit une augmentation de 155 millions (+ 5,5 % à périmètre comparable).
Le projet de la loi de programmation militaire (LPM) prévoit ensuite une progression moyenne annuelle d'environ 4 %, qui permettra d'accompagner la hausse structurelle des coûts d'entretien, et à partir de 2016, de retrouver progressivement des niveaux d'activité conformes aux normes, au fur et à mesure de la réalisation du nouveau modèle d'armée. Vu le niveau de disponibilité actuel des matériels, ce sera difficile pour le ministère de la Défense de couper sous la pression de Bercy dans ce poste de dépense. "On ne peut pas demander tout et son contraire", soupire-t-on au ministère : engager la France dans de nombreuses opérations extérieures et ne pas entretenir les matériels au péril de la vie des militaires sur le terrain.
Auteur : Michel CABIROL Source : La Tribune