LIBRE OPINION d’Eric Trappier : « Le Rafale est entré dans une dynamique du succès »

Posté le jeudi 07 mai 2015
LIBRE OPINION d’Eric Trappier : « Le Rafale est entré dans une dynamique du succès »

Par Véronique GUILLEMARD -  Le Figaro

Le PDG de Dassault Aviation revient sur les enjeux du contrat Rafale avec le Qatar.

C'est ce lundi, à Doha, que sera signée la commande ferme par le Qatar de 24 Rafale et des armements, en présence du président français François Hollande, notamment accompagné du ministre de la Défense, Jean-Yves le Drian. Un événement dont Éric Trappier, le PDG de Dassault Aviation, explique au Figaro les enjeux.

LE FIGARO. - L'émir du Qatar signe aujourd'hui à Doha une commande ferme pour 24 avions de combat Rafale. Que ressentez-vous?

Éric TRAPPIER. -

Une grande fierté. Je suis très heureux de la décision des autorités qatariennes. Le Qatar achète 24 Rafale et prend une option sur 12 avions de combat supplémentaires. Cette décision montre la confiance que le Qatar place dans notre société qui a équipé son armée de l'air avec successivement des Mirage F1 et des Mirage 2000. C'est une très grande satisfaction pour Dassault Aviation et pour nos partenaires.

«Je salue la mobilisation des autorités françaises qui ont renforcé la relation stratégique avec le Qatar»

Les contrats Rafale se multiplient depuis le début de l'année. Comment expliquer cette dynamique positive, après plusieurs années marquées par l'absence de commandes?

Le Rafale est entré dans une dynamique du succès. Pourquoi? Avant tout, grâce à l'avion et à ses qualités intrinsèques. Le Rafale est un très bon avion, polyvalent. Il est le résultat du travail mené par les états-majors et la Direction générale de l'armement (DGA), qui ont défini ses capacités opérationnelles afin qu'il remplace sept avions différents. Il est aussi le fruit des travaux menés par les ingénieurs de Dassault Aviation et de ses partenaires, pour développer un très bel appareil qui tienne ses promesses opérationnelles et qui reste dans le budget défini. C'est le cas, comme l'avion le démontre dans toutes les opérations où il a été engagé. La polyvalence s'avère être un véritable démultiplicateur de puissance au profit des forces.

Il ne manquait plus au Rafale que la réussite à l'exportation. C'est fait. Avec le Qatar, c'est un nouveau succès. Son succès à l'exportation relève aussi de facteurs géopolitiques. Je salue la mobilisation des autorités françaises qui ont renforcé la relation stratégique, déjà ancienne, avec le Qatar. François Hollande et son bras armé, Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, ont conforté la relation politico-militaire tandis que Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères, a consolidé la relation diplomatique bilatérale.

Les armées, engagées sur les théâtres d'opération, ont démontré la valeur du Rafale. C'est un avion «combat proven». Quant aux industriels, ils ont mené les négociations commerciales. En jouant, chacun dans notre compartiment du jeu, nous avons, ensemble, fait gagner l'équipe France. «Nous allons poursuivre (…) les négociations pour conclure un contrat avec l'Inde»

Après l'Égypte et le Qatar, est-il possible de remporter d'autres contrats cette année?

Je peux vous dire une chose: nous n'allons pas nous arrêter là! Nous allons continuer à travailler d'arrache-pied pour obtenir d'autres succès. Nous allons poursuivre, derrière les autorités françaises, les négociations pour conclure un contrat avec l'Inde. C'est une affaire de quelques semaines, de quelques mois. D'autres pays ont manifesté leur intérêt pour le Rafale. Nous y travaillons. Signer d'autres contrats en 2015? Oui, c'est possible.

Allez-vous augmenter la cadence de production du Rafale qui est actuellement de 11 avions par an? Vous avez désormais 48 Rafale à livrer en Égypte et au Qatar, et potentiellement 84, une fois le contrat indien signé…

Les premières livraisons pour le Qatar commenceront mi-2018. Cette année, nous livrerons 3 Rafale, prélevés sur le quota de l'armée française, d'ici à cet été à l'Égypte et 3 autres en 2016, puis plusieurs autres exemplaires en 2018. C'est également à cet horizon que se rajouteront les Rafale pour l'Inde, si nous réussissons à signer le contrat rapidement. En revanche, la loi de programmation militaire 2014-2019 ne prévoit plus de livraisons de Rafale, à partir de 2016. Les deux premiers contrats avec l'Égypte et le Qatar, se substituent à la commande française qui, elle, se décale dans le temps.

Le contrat qatarien déclenche un début d'augmentation de la cadence de production, qui sera amplifiée quand le contrat indien sera signé. Ce sont les contrats qui alimenteront la ligne de production, permettront de renforcer la sous-traitance et l'emploi sur tout le territoire français. Nous nous organiserons. Dassault Aviation est une société très agile. Cette flexibilité nous permettra de produire le nombre d'avions prévus dans le respect du planning exigé par nos clients. Nous savons faire. Nous n'avons pas l'habitude de faire du «surbooking»! Nous sommes en capacité de porter la cadence de production de 1 à 2,5 voire 3 Rafale par mois.

Quel sera l'impact sur l'emploi?

À cadence de un Rafale par mois, le programme occupe 7 000 personnes réparties dans la plupart des régions françaises. Avec les commandes de l'Égypte et du Qatar, on va assister à un ajustement de nos effectifs pour répondre dans les délais au planning de livraison défini avec le client. Si d'autres commandes devaient être finalisées alors des emplois seraient créés dans l'ensemble de l'écosystème Rafale, qui au-delà de Dassault Aviation comprend Safran, Thales et un vaste tissu de 500 PME-PMI. Enfin, à l'instar de ce que nous mettons en œuvre dans le domaine des avions civils, la sous-traitance sera aussi mobilisée pour nous aider à gérer au mieux une augmentation de cadence.

Le Rafale qatarien sera-t-il le même que celui déployé au sein des armées françaises?

La définition technique a été choisie par les Qatariens. Elle se rapproche de celle du Rafale français. Leur avion emportera l'armement du Rafale France.

Ces premières commandes Rafale arrivent à l'aube du centenaire de la société…

Oui. Chaque jour qui passe, j'ai une pensée particulière pour tout ce que notre société doit à Marcel Dassault et à ses successeurs, en particulier Serge Dassault et Charles Edelstenne. En tant que chef de la famille Dassault, Serge a pérennisé un outil industriel remarquable alors que les budgets militaires baissaient.

Nous avons le meilleur avion de combat du monde sans disposer des budgets gigantesques qui irriguent les groupes américains, ce qui les étonne toujours. Charles Edelstenne a stabilisé la société en matière industrielle et assuré sa pérennité en termes financiers. Ce qui a permis de lancer en même temps le développement du Falcon 5X et du Falcon 8X sur fonds propres.

Nous avons hérité de Marcel Dassault une ténacité à toute épreuve et une vision optimiste mais aussi une posture de réalisme absolu. Ce sont des qualités indispensables pour piloter une société industrielle. Nous allons fêter notre centenaire mais nous préparons le futur dans les avions de combat - même si le Rafale est là pour encore quarante ans -, avec les drones de surveillance et d'attaque. Je prépare, avec mes équipes, la société pour les cent prochaines années, elle sera duale civile et militaire et devra rester à la pointe de l'innovation

Véronique GUILLEMARD

Source : Le Figaro