LIBRE OPINION d'Yves de KERDREL : “Donnez-moi les moyens et je triompherai”.

Posté le mardi 27 juin 2017
LIBRE OPINION d'Yves de KERDREL : “Donnez-moi les moyens et je triompherai”.

Dès lors que le Président est chef des Armées, celles-ci doivent pouvoir compter sur un budget sanctuarisé, sur des engagements tenus et sur la solidarité de la Nation.

Le 3 juillet prochain, la Cour des comptes rendra son verdict sur la situation des finances publiques de notre pays. Ce rapport, qui est très attendu, devra notamment préciser quel devrait être le niveau du déficit budgétaire pour cette année, compte tenu des nombreux engagements financiers pris par François Hollande et qui n’ont pas été budgétés. Il est question d’une dérive qui pourrait dépasser 15 milliards d’euros. Il devra aussi donner des indications sur le niveau de la dette française en fonction de ces déficits supplémentaires. Enfin, ce rapport va sans doute inciter le gouvernement à prendre très vite des arbitrages pour éviter que nos comptes publics finissent dans le mur. Dans ce contexte, plusieurs ministères sont dans l’expectative. Et notamment celui des Armées qui vient de connaître deux changements de locataire en un mois. Pour la simple raison que le gouvernement de Bernard Cazeneuve avait été contraint de procéder, en début d’année, à un gel de précaution à hauteur de 2,7 milliards d’euros. Une somme que les militaires aimeraient bien que l’on débloque afin de leur permettre d’assurer notre sécurité avec des moyens humains et matériels en bonne forme.

C’est dans ce contexte très sensible que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, présidée par Jean-Pierre Raffarin, a publié un rapport, cosigné par la gauche, qui doute de la capacité de la France à consacrer 2 % de son PIB (c’est-à-dire de sa richesse nationale) à sa défense, comme nous le demande l’Otan et comme Emmanuel Macron s’y est engagé à l’horizon 2025. Cet indicateur correspondrait en euros courants à un budget de 50 milliards d’euros dans huit ans, alors que le budget voté pour 2017 a accordé 32,7 milliards à nos armées. Comme le démontre très bien ce rapport sénatorial, si la trajectoire budgétaire actuelle était prolongée, nous serions à 1,7 % du PIB en 2019 et à 1,63 % en 2023 ! Il faudrait donc dégager plus de 2 milliards d’euros par an d’ici à 2020 pour financer uniquement ce qui a déjà été décidé et porter le budget de la défense à 39,5 milliards d’euros. Le problème, c’est qu’on en est très loin. Et nos militaires ne sont pas du tout certains de voir la couleur des 2,7 milliards de crédits gelés en début d’année. Interrogée récemment sur ce point par le Figaro, Sylvie Goulard, qui a démissionné mardi de ses fonctions de ministre des Armées s’était montrée évasive et avait davantage parlé de discipline budgétaire que de rehausser les crédits de la défense.

Il n’est pas question ici de faire un procès d’intention avant que des mesures soient éventuellement prises. Mais plutôt d’alerter, comme l’ont fait les sénateurs, sur cette manie française de considérer le budget des armées comme celui de n’importe quel autre ministère. Dès lors que le président de la République est chef des Armées, celles-ci doivent pouvoir compter sur un budget sanctuarisé, sur des engagements tenus et sur la solidarité de toute la nation. Surtout à un moment où la planète est agitée de multiples soubresauts. Qu’il s’agisse de l’Ukraine, de la Corée du Nord, du repli du parapluie américain, de la crise migratoire et bien sûr du terrorisme avec la multiplication des États voyous qui servent de base de repli aux djihadistes.

Chaque semaine, le général de Villiers, chef d’état-major des armées, publie sur Facebook un billet d’humeur sous le titre « Lettres à un jeune engagé ». Dans l’un de ces petits textes, très joliment écrits, il rappelait que la devise du 2e  régiment de dragons, où il a commencé sa carrière, est : « Da materiam splendescam ». « Donnez-moi les moyens et je triompherai ». Avant d’ajouter : « Quelle actualité dans cette devise, alors que nous nous apprêtons à élaborer une nouvelle loi de programmation militaire, avec le souci qu’elle garantisse la cohérence entre les menaces, les missions et les moyens… » En espérant qu’il soit enfin entendu !

 

Yves de KERDREL


Source : Valeurs actuelles