LIBRE OPINION de Laurent Lagneau : Le groupe d’armement français Manurhin contraint de se financer au Moyen-Orient

Posté le samedi 27 juin 2015
LIBRE OPINION  de Laurent Lagneau : Le groupe d’armement français Manurhin  contraint de se financer au Moyen-Orient

 

Spécialiste des machines destinées à la fabrication de munitions et connu pour son pistolet MR73 utilisé notamment par les gendarmes, le groupe Manurhin s’était retrouvé dans une situation délicate en octobre 2011. Malgré un carnet de commandes bien rempli, il lui manquait en effet des fonds propres pour continuer son activité.

En liaison avec les services de l’État, une solution fut trouvée, avec l’entrée au capital de Manurhin de Giat Industries, de la Sofired, une structure du ministère de la Défense, et du mystérieux groupe slovaque Delta Defence. Cependant, cette opération de sauvetage, assortie d’une augmentation de capital, donna lieu, en février 2014, à une sévère critique de la Cour des comptes – non pas sur le fond mais sur la forme, quelque 1,2 million d’euros ayant été versés à 10 sociétés de conseil. Une information judiciaire pour abus de biens sociaux, détournements de fonds publics et corruption active est en cours. « Cette opération a conduit à prélever, pour rémunérer un petit nombre d’intermédiaires privés, une fraction non négligeable des fonds propres apportés à Manurhin par GIAT Industries et Sofired », ont ainsi souligné alors les magistrats de la rue Cambon.

Quoi qu’il en soit, le groupe Manurhin est reparti de l’avant, avec un chiffre d’affaires de 50,4 millions d’euros en 2014 (+31% par rapport à l’exercice précédent) pour un bénéfice net de 6,1 millions (+57%). Soit « l’une des marges nettes les plus élevées du secteur de la défense en France », selon Patrick Akcelrod, le président du directoire de l’industriel, lors de l’assemblée générale annuelle. À cette occasion, il a été indiqué que Manurhin venait d’obtenir un financement de 17 millions d’euros auprès d’une banque du Moyen-Orient afin de poursuivre son développement et son plan d’embauche. Pourquoi une banque du Moyen-Orient? « Nous sommes débancarisés en France et ceci est incompréhensible alors que nous sommes leader mondial, avons un carnet de commandes de plus de deux ans et sommes rentables », a expliqué Rémy Thannberger, président du conseil de surveillance de Manurhin, rapporte l’AFP. « Les banques prêtent difficilement aux PME, exportatrices encore moins, et il est vrai que notre secteur d’activité, l’armement, n’est pas facile à financer sur le marché bancaire classique », avait aussi affirmé M. Thannberger, en septembre 2014. En outre, la présence du groupe Delta Defence à son capital (34% des parts) en raison de l’opacité entourant l’identité des actionnaires de ce dernier pénaliserait Manurhin, selon la direction, dans sa quête de fonds. Par ailleurs, l’industriel compte toujours solliciter le marché obligataire, très probablement à la Bourse de Francfort, pour obtenir 20 millions d’euros de plus pour financer ses « projets d’investissements dans l’outil industriel et dans la R&D » et pour se donner « les moyens d’une éventuelle croissance externe ».

Source : Laurent LAGNEAU