PREMIÈRE GUERRE MONDIALE : Les Maréchaux. LIBRE OPINION du Colonel (er) Jean-Jacques NOIROT

La lecture d'un quotidien (1) nous apprend que le haut commandement a souhaité qu'à l'occasion du centenaire de l'armistice de 1918, puisse être honorée la mémoire des maréchaux vainqueurs de la Grande Guerre.
Cinq d'entre eux ont donné leur nom à une promotion de Saint Cyr.
Cette initiative est on ne peut plus opportune. Rappelons que Joffre et Foch furent acclamés par une innombrable foule le 14 juillet 1919 lors de leur passage sous l'Arc de triomphe lors du défilé dit « de la Victoire »
Or, certains historiens, de tout bords politiques nous apprend-on sans sourciller (comme si l'Histoire devait s'accommoder des convictions politiques des historiens), trouvent cette initiative inconvenante, en invoquant deux raisons.
La première est que parmi ces maréchaux, figure Philippe Pétain. La seconde est que pour ce centenaire de l'armistice du 11 novembre 1918, ceux qui doivent être honorés sont les seuls Poilus, émanation du peuple vainqueur. Les gradés qui les commandaient ne seraient pas dignes de cet hommage national.
Ces historiens façon Fouquier-Tinville nous apprennent donc que le vainqueur de Verdun tenait un bâton de maréchal entaché de collaboration. Ses étoiles étaient déjà ternies par la poignée de main à Hitler en gare de Montoire ou son renoncement à continuer la guerre en signant un armistice jugé honteux (seulement après que les alliés nous eurent libérés). Ils ouvrent donc, tout seuls dans leur coin, un second procès en déshonneur à celui qui, qu'ils le veuillent ou non, siège parmi les grands vainqueurs de la Grande Guerre.
Les poilus qui ont vénéré leur général, économe de leur vie, soucieux de leur bien-être au front, pourvoyeur de moyens et fin manœuvrier, et qui ignorent tout de ce qui aujourd'hui, avec effet rétroactif, lui est reproché, doivent se sentir mal là où ils reposent dans leurs linceuls de gloire.
À qui viendrait l'idée que la victoire de 1918 n'est pas due au courage des Poilus? Serait-il imaginable que le Centenaire ne soit pas l'occasion de les honorer? Ils étaient le peuple de France en armes. Gloire à ces généraux, ces officiers, ces sous-officiers, ces sans grades, paysans arrachés à leurs terres, ouvriers sortis des usines, prêtres, médecins, comptables, fonctionnaires, écrivains et poètes morts pour la patrie ou survivants des tranchées, qui ont vaincu.
Mais voilà que des historiens renfrognés, décidément très mal inspirés, ont retranché du peuple les huit maréchaux de la Victoire. Ils y ajoutent pour faire bon poids tous les cadres des armées. Si, en nous triturant les méninges, nous essayions de comprendre ces manipulateurs dogmatiques, il faudrait imaginer que ces maréchaux viennent d'ailleurs. Joffre et son accent catalan rocailleux nous est sans doute descendu opportunément de la planète Mars.....
Cette soustraction inique discrédite ces faussaires de l'épopée de notre Histoire, qui semblent ignorer qu'avant « d'être capitaine, il faut être soldat ». Tous ces illustres défenseurs de la patrie ont gravi les échelons de l'armée, en la servant selon les volontés politiques de l'époque, qui reposaient sur la conquête coloniale. C'est à Madagascar, en Indochine, au Maghreb, en Afrique Noire que ces officiers ont servi la République, comme jeunes officiers, en risquant leur vie. Ils n'ont aucune leçon posthume à recevoir. Faut-il rappeler à ces maquilleurs de l'Histoire qu'un village des hauteurs de Diego-Saurez s'appelle Joffreville? Un nom volé sans doute, par un bon à rien qui éloignait de la côte insalubre soldats français et populations locales menacés par la dysenterie et le paludisme.
Nos acharnés de la censure seraient aussi bien inspirés en allant se recueillir au cimetière militaire de Notre Dame de Lorette. Ils constateraient que la première tombe est celle du général Barbot, un planqué mort à la tête de ses soldats. Il fait partie de la cohorte des 102 généraux tués pendant la Grande Guerre, probablement en allant se cacher dans les salons parisiens où, comme le font ces réfractaires au « Mallet-Isaac », on glose sur le droit d'être honoré en figurant au Panthéon de l'héroïsme. C'est sans doute insuffisant pour ces tailleurs de costumes à la sauvette qui estiment que tous ces gradés avaient la vie belle au front et protégeaient leur peau derrière celle des poilus.
Le 25 septembre 1915 au soir, le 37e RI, bloqué devant le Ravin des Cuisines, n'avait plus un seul officier vivant. La plupart de ses sous-officiers étaient tués, blessés ou disparus. Est-ce suffisant, messieurs les juges de la bravoure?
Ces réflexions ne sont que l'expression d'un légitime courroux provoqué par la sclérose intellectuelle de ces historiens. Ils nous chipotent, en hommes d'un certain monde, la valeur de nos chefs militaires et leur place sur les sommets de la gloire. Ils polluent ce qui devrait être une commémoration rassemblant la communauté nationale autour de ses héros, qu'ils soient grands ou moins grands. Ils prouvent, par leur indigne procès en disgrâce, qu'ils ignorent tout du monde militaire et des liens qui unissent la troupe à ses chefs reconnus comme tels.
Il se dit aussi, la preuve n'est pas formelle, que l'Elysée craindrait, si le maréchal Pétain faisait partie de la fête, les réactions politiques qui s'en suivraient, en provenance de partis turbulents. Espérons que ces allégations soient fausses. Ce serait indigne d'un homme d'état.
Le haut commandement, pour promouvoir sa démarche et tenter de l'imposer au delà des postures effarouchées ou bêlantes ne doit pas hésiter à s'appuyer sur les anciens, toujours disponibles pour s'associer à tout ce qui commémore les grands noms de notre histoire militaire. La République, dans sa grande sagesse, a su distinguer les héros. Pas tous, mais beaucoup. Une réécriture des pages sanglantes de la Grande Guerre par des égarés vindicatifs doit être combattue. Les anciens, au sein de leurs associations et par tous les moyens légaux, vont se lancer très volontiers dans ce combat, aux côtés des hauts états-majors.
Quand se lèvent les vents mauvais, il est nécessaire, parfois, de sortir le sabre du fourreau.
Jean-Jacques NOIROT
Colonel (er)
Membre de l’ASAF
(1) L'Opinion. Article de Merchet du 16/10.
Rediffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr