LIBRE OPINION du Général (2s) François TORRES : Encore une fois l’horreur.

Posté le jeudi 21 juillet 2016
LIBRE OPINION du Général (2s) François TORRES : Encore une fois  l’horreur.

14  juillet 2016 - 22h40
Nice. Promenade des Anglais.

Encore une fois  l’horreur.

Il faut se rendre à l’évidence, n’importe quel débile muni d’une cervelle de colibri ayant des problèmes d’insertion pour peu qu’il soit arabo-musulman, de préférence maghrébin, fera porter à la France et aux Français la responsabilité de ses échecs qui sont aussi les nôtres, en se réclamant du paradis d’Allah ce qui le propulse ipso-facto du statut de petite frappe asociale ayant à peu près tout raté, à celui de martyr glorifié par les fous de Dieu. Les faibles d’esprit qui ne sont pas rares, y voient une échappatoire morbide et une rédemption finale à leur déshérence. 

 Certes, il existe, disent les sociologues, des convertis – révoltés – meurtriers - suicidaires, au profil social bien plus reluisant. Mais il s’agit là d’une minorité, prétexte pour brouiller les pistes et laisser croire que la trajectoire des assassins, intellectuellement complexe, pourrait ne pas avoir de lien avec l’Islam extrémiste. Éventuellement, le brouillage sociologique qui stigmatise les fractures sociales, fait aussi porter le chapeau des abjections meurtrières aux hédonismes des sociétés occidentales moralement perverties que les radicaux désignent comme le diable. 

En réalité, ce relativisme détourne la question de l’extraordinaire débâcle des « territoires perdus de la République », principal terreau des attaques qui nous frappent à coup répétés et dont on ne voit pas pourquoi elles cesseraient. 

Car, même si le Sieur franco-tunisien qui conduisait le camion fou avait agi seul, n'était pas un converti ou n’avait pas de liens avec l’Islam radical – ce qui reste à prouver et les dernières informations du 16 juillet semblent indiquer le contraire -, il était malgré tout l’instrument ou le produit désaxé, pointe émergée de l’iceberg, d’une situation aux ramifications infinies. 

Celle-ci renvoie la France à son histoire coloniale, aujourd’hui prétexte aux vengeances d’autant plus haineuses qu’elles sont calibrées à l’aune d’une volonté divine hallucinante et nourries par la désinformation et l’auto-flagellation repentante. Elle plonge ses racines dans des dizaines d’années d’aveuglement pendant lesquelles la mouvance politiquement correcte a, pour solde de tout compte, nié toutes les implications culturelles et religieuses de ce défi national, assez souvent en jetant un anathème moral sur les lanceurs d’alerte. 

Alors oui il y a de quoi être inquiet, puisque la menace est le produit de la vaste nécessité de notre histoire manipulée à la faveur de nos renoncements coupables, à quoi s’ajoute la transe incertaine et terrifiante du hasard, tournant le barillet de la roulette parmi les porteurs de mort anonymes, silencieux, déclassés, convertis ou non. Ajoutons que le risque est d’autant plus élevé que toute une mouvance intellectuelle tente de le modérer quand ce n’est pas de le gommer. 

 

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Après les premières certitudes énoncées dans l’émotion, des commentaires affirmèrent en effet que le meurtrier souffrait de troubles mentaux, qu'il n'était pas religieux et qu'il n'était pas fiché. Est-ce un soulagement ? Ces occurrences renvoyant à un tueur isolé émergé de nulle part contribuaient-elles à alléger nos angoisses et à modifier les données du problème ? 

Quel était le sens caché de ces doutes télescopant les déclarations présidentielles, celles de Manuel Vals et de quelques experts de la question évoquant toutes un mode opératoire de l’État islamique, cherchant à frapper par tous les moyens la France, classée dans la catégorie des « cibles molles ». 

Fallait-il y voir une nouvelle tentative « d’estompage » de la menace, une excuse, un brouillage parasite dont la mouvance politiquement correcte est coutumière, souvent en niant la réalité. Ainsi, le 16 juillet, alors même que l’Etat Islamique avait clairement revendiqué l’attentat, l’OBS, pointe émergée de la pensée moralisatrice, après avoir pourtant cité la prose des tueurs, glosait quand même sur les « incertitudes », la « folie », « l’impulsivité », « l’absence de liens prouvés »  etc..

 

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 Au fond, quelle importance ? Le drame et son bilan sont là. Notre vulnérabilité saute aux yeux. Et, au fil des mois, ce qui se produit en France prend le chemin funeste d'attaques répétées prônées par les fous de Dieu, devenues des matrices morbides pour quelques déséquilibrés, mercenaires du néant, convertis ou non. Elles nous explosent en plein visage, et résonnent en réplique au souffle mortel qui prend en écharpe l’Europe, la France, le Moyen Orient, l’Afrique, l’Asie du Sud, et du Sud-est, de Paris, Bruxelles et Bagdad à Peshawar, en passant par Bamako, Lagos, Ankara, Le Caire, Islamabad, Kaboul, Djakarta et Bali. 

Et il est vrai que l’ubiquité de la menace rend la prévention difficile car en effet qui surveiller ? Qui mettre en prison dans cet océan de réprobations floues et entremêlées venues des « quartiers » d’où parfois émerge la haine de la France. 

Autre difficulté : s’il est exact que nous sommes en effet en guerre, dont certains disent qu’elle est mondiale, la bataille est asymétrique et se développe en dehors des lois que les Occidentaux lui ont imposées. Sans morale et sans éthique à la manière des « Nazis » exterminant femmes et enfants sans défense qui ne posaient d’autre menace que d’être ce qu’ils étaient, comme les promeneurs de Nice étaient des « Koufars » mécréants. 

Dans ce type d’affrontement, les rapports de forces classiques n’ont pas cours. Pascal Bruckner le soulignait dans un article paru dans le Figaro du 15 juillet. Quelques heures 

après que la France ait à, Paris, fait étalage de sa force militaire, un homme seul qui savait qu’il allait mourir, a assassiné près de 100 personnes, sur la promenade des Anglais à Nice. 

Pour autant, si la menace se développe au hasard et s’il est impossible d’accompagner chaque suspect d’un policier, il n’en reste pas moins que, dès lors que nous nous disons en guerre et dans un « état d’urgence », au moins devons-nous protéger les cibles potentielles. 

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A la vue de ce gros camion blanc porteur de mort, le jour de notre fête nationale et, même en admettant qu’il faille, en dépit de l’état d’urgence, continuer à vivre et à célébrer, on se demande – nonobstant les déclarations du premier ministre - comment un véhicule de si grandes dimensions et aussi visible est parvenu à pénétrer si tard dans la nuit dans une foule évoluant dans une zone fermée à la circulation et dont chacun sait depuis longtemps, et singulièrement depuis janvier 2015, qu’elle était une cible terroriste idéale. 

 Quoi qu’en disent les autorités françaises et alors que, dans les centres urbains encombrés, les livraisons ne sont autorisées qu’à certaines heures de la journée, le surgissement d’un camion frigorifique fou sur la promenade des Anglais le 14 juillet à 22h30 induit un doute sur le dispositif de sûreté autour d’un tel rassemblement, alors même que le pays est en état d’urgence. 

 

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Face à l’ubiquité aléatoire de la terreur, dont la nécessité infuse chez nous depuis le chaos syrien et irakien, par le truchement des Maghrébins des quartiers, il est évident qu’il faut serrer les rangs. Mais au fil des discours d’un quinquennat désormais à jamais marqué par la brûlure terroriste, le ton présidentiel mêlant les larmes et les postures martiales commence à manquer sa cible. Si c’est la guerre, comme ne cesse de le dire le chef de l’Etat, faisons la sérieusement et arrêtons de geindre sur les menaces contre notre modèle proto-libertaire, hédoniste, festif et soi-disant exemplaire. 

Non pas seulement la guerre de posture menée par des frappes contre Daesh en Irak et en Syrie, gouttes d’eau dans l’océan des frappes américaines qui, au mieux, n’ajoutent que peu de choses au rapport des forces et, au pire, nous désignent comme des cibles prioritaires. Mais, aussi et surtout, la « guerre », « bataille intérieure » pour réinvestir les territoires perdus et ramener dans la République et, s’il le faut un à un, tous ceux égarés et pervertis dans l'antichambre de la mort suicide.  

Ces échappés prêts à l'irréparable, au grand désespoir de leurs parents, le plus souvent d’ailleurs de leurs mamans restées seules face aux intimidations sexistes des barbus qui prolifèrent, protégés par une vision asymétrique et suicidaire de la justice dont les budgets misérables augmentent notre fragilité quand ce n’est pas notre désarroi. Ce combat, élément essentiel d’une guerre qui sera longue, ne peut pas s’articuler uniquement autour de la répression. S’il est vrai qu’il faudra augmenter de manière permanente le quadrillage policier et peut-être militaire des territoires perdus, la vraie bataille est ailleurs, dans l’éducation, la cohésion sociale, le patriotisme de l’exception française, le réapprentissage de la confiance et l’imaginaire des projets fédérateurs capables de détourner la jeunesse perdue des hallucinations morbides du néant.   

La bataille intérieure ne pourra pas non plus  être gagnée sans l’aide des Français de confession musulmane qui se tiennent à distance de la mouvance radicale, eux aussi  horrifiés par les coups que la fureur religieuse fanatique porte à la France, enrôlant dans ses rangs tous les désaxés soudain désinhibés par la banalisation de la mort si souvent mise en scène, avant d’être infligée au hasard, dans la sidération de l’irréparable, l'horreur et la haine.  

Vaste et infini chantier dont personne ne croit que l’actuelle classe politique serait à la hauteur.  Figée dans la posture réflexe, l’édulcoration de la réalité, aliénée par la pression des réseaux sociaux, des sondages et de la presse, hantée par le court terme des prochains scrutins et les calculs tactiques, elle manque assurément du souffle capable de produire l’alchimie complexe qui porte une Nation et la maintient à la hauteur de son histoire.  

 Mais ayons confiance dans les forces profondes du Vieux Pays, peu à peu ranimées par les attaques aveugles. Il faudra du temps, mais elles s’éveilleront à la hauteur des défis. De Gaulle qui, en matière de désespoir savait de quoi il parlait, citait souvent cette phrase de Nietzsche « Ce qui se passe dans les fontaines profondes s’y passe avec lenteur : il faut qu’elles attendent longtemps pour savoir ce qui est tombé dans leurs profondeurs ».



François TORRES
Officier général (2S)

 

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Source : Général (2s) François TORRES