LIBRE OPINION : L’actualisation de la Loi de programmation militaire va infléchir les contrats opérationnels des armées

Posté le mardi 17 février 2015
LIBRE OPINION : L’actualisation de la Loi de programmation militaire va infléchir les contrats opérationnels des armées

par Laurent Lagneau Le 17-02-2015 – « Zone Militaire ».

Avec ses engagements extérieurs (Sahel, Liban, Irak, Centrafrique) et l’opération intérieure Sentinelle, lancée au lendemain des attentats des 7 et 9 janvier avec près de 10.500 hommes, les forces armées sont « au taquet », pour reprendre mot utilisé récemment par Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense. Et toute la difficulté est de pouvoir tenir dans la durée, alors qu’il a été dit et répété que cet engagement sans précédent sur le territoire national allait « durer le temps nécessaire ».

Et même si le niveau d’engagement des forces est conforme aux contrats opérationnels fixés par le dernier Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale ainsi que par la Loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019, il n’en reste pas moins qu’il est difficile de tenir dans la durée, alors qu’il a été dit et répété que l’opération Sentinelle allait « durer le temps nécessaire ».

D’ailleurs, c’est ce qu’a admis M. Le Drian, lors d’une audition devant la commission des Affaires étrangères et des Forces armées du Sénat, dont le compte-rendu vient d’être rendu public. « Nos déploiements actuels, dans les circonstances particulièrement graves que nous connaissons, se situent déjà à un niveau légèrement supérieur aux contrats opérationnels définis en 2013, aussi bien sur le territoire qu’à l’extérieur », a-t-il souligné.

"Le premier engagement à 10.400 militaires a été effectué, sans disposer d’un réservoir de forces dédiées, par les forces terrestres essentiellement. Les activités non prioritaires et la préparation opérationnelle des forces ont été temporairement suspendues. Un tel engagement offre (…) peu de marge de manoeuvre en cas de nouvelle dégradation de la situation sécuritaire sur le front intérieur" , a expliqué le ministre.

Du coup, et outre la question de son coût (1 millions d’euros par jour), il ne faudrait pas que l’opération Sentinelle dure trop longtemps. « Une  prolongation significative de la mission imposerait des renoncements sur la préparation de nos forces et leurs conditions de vie », a admis M. Le Drian. Mais aussi sur les relèves sur les théatres extérieurs… « Il faut garder à l’esprit que nos troupes sont en permanence dans le tempo opérationnel : lorsqu’elles ne sont pas engagées en opérations extérieures, soit elles se régénèrent, soit elles se préparent à l’engagement suivant », rappelait récemment le général de Villiers, le chef d’état-major des armées.

Pour continuer à assurer la sécurité des points sensibles, le mode opératoire va nécessairement évoluer. Il apparaît, par exemple, peu pertinent de mobiliser des personnels pour garder un local qui est vide pendant la nuit. Par conséquents, les modes opératoires vont évoluer, en mettant l’accent sur la mobilité. Cela permettra de diminuer progressivement les effectifs engagés, sauf, bien évidemment, en cas de nouvel attentat…

Quoi qu’il en soit, l’actualisation de la Loi de programmation militaire (LPM), prévue avant l’été, ne fera pas l’économie d’aborder la question des effectifs. « Il s’agit de s’adapter au nouvel environnement auquel nous sommes confrontés. Il s’agit aussi de tirer les enseignements de deux ans d’interventions extérieures intenses et de prendre acte que nous arrivons probablement au bout de la logique de déflation qui domine le ministère depuis la décennie 1990″, a expliqué M. Le Drian aux sénateurs. Le ministre a cependant bien fixé la limite de l’exercice : il est question d’un « ajustement » de la LPM et non pas d’une refonte.

Aussi, les suppressions de postes au sein des armées vont se poursuivre. Et cela, même si on arrive « au bout de la logique de déflation ». Il devrait s’agir tout au plus d’avaliser la décision du président Hollande de ralentir la décrue des effectifs du ministère de la Défense. Mais si les forces sont au taquet avec leurs effectifs actuels, comment feront-elles si elles perdent encore – certes, dans une moindre proportion – des postes dans les années à venir?

« La nouvelle trajectoire de nos effectifs, dans un ministère qui continuera de réduire significativement ses emplois, nous permettra donc de faire face aux exigences nouvelles de mobilisation sur le territoire national, ainsi qu’aux tensions accrues sur les théâtres extérieurs. Les nouveaux contrats opérationnels seront inscrits dans l’actualisation qui sera présentée au printemps prochain au chef de l’État puis au Parlement », a indiqué M. Le Drian.

« Toutes les menaces qui se sont concrétisées figuraient dans le Livre blanc. Il s’agit de mettre en place des inflexions, nécessitées par l’évolution de la situation, notamment sur la cyberdéfense, les services de Renseignement, les effectifs, les Réserves et les nouveaux contrats opérationnels. L’objectif de cette actualisation est de procéder rapidement, avant l’été, aux inflexions rendues nécessaires par la situation », a encore insisté le ministre, à la fin de son audition.

Laurent Lagneau