LIBRE OPINION : L’armée de Terre n’est pas certaine de pouvoir réduire ses effectifs dans le temps imparti.

Posté le dimanche 09 novembre 2014
LIBRE OPINION : L’armée de Terre n’est pas certaine de pouvoir réduire ses effectifs dans le temps imparti.

En 2015, les effectifs du ministère de la Défense devront être réduits, à nouveau, de 7 500 personnels, la Loi de programmation militaire (LMP) 2014-2019 ayant prévu la suppression de 23 500 postes supplémentaires.

De réductions d’effectifs encore plus importantes en 2015
Ayant les effectifs les plus nombreux, les forces terrestres seront évidemment les plus touchées. « Cette deuxième année de la LPM marque une rupture avec les années précédentes » puisqu’elle se traduira par « une hausse de 25% des déflations » pour l’armée de Terre, a souligné le général Jean-Pierre Bosser, son chef d’état-major (CEMAT), lors de son audition devant la commission des Affaires étrangères et des Forces armées du Sénat. En clair, il faudra trouver non pas 3 000 mais 4 000 postes à supprimer. « L’effort est considérable en quantité et en qualité », a souligné le CEMAT. Qui plus est, l’armée de Terre devra également contribuer au renforcement des forces spéciales (225 postes en 2015, 355 au total) et à la cyberdéfense (20% des 350 postes supplémentaires qui seront créés).

Un objectif quasi impossible à atteindre

Pour le général Bosser, « l’objectif est d’autant plus ambitieux que cette déflation doit être réalisée en 4 ans et que les suppressions effectuées depuis 2008, à hauteur d’environ 25 000 postes, amenuisent le vivier de candidats à un départ aidé » alors que « dans le même temps, l’allongement de la durée des services consécutif aux réformes des retraites diminue le nombre de départs naturels jusqu’en 2017 ». Aussi, a-t-il fait valoir, « l’exercice est très compliqué ».

En outre, le « dépyramidage », qui doit se traduire par une baisse du taux d’encadrement et, donc, du nombre des officiers, « accentue les difficultés, dont celle de l’acceptabilité et de la faisabilité ». « Cet objectif suscite auprès d’eux, sur qui repose d’ailleurs la mise en œuvre de la réforme, une certaine incompréhension quant aux motivations profondes du dépyramidage. D’autant plus qu’ils ne peuvent s’empêcher de constater, comme nos concitoyens, que les effectifs militaires diminuent au moment même où le niveau de menace augmente », a expliqué le CEMAT au sujet des officiers.

Une armée de Terre en limite de rupture
Alors, quelles sont les marges de manœuvre? « Ayant déjà optimisé les écoulements de ses flux RH (ressources humaines NDLR) en réduisant les volumes de recrutements et d’avancement (notamment pour les officiers, de l’ordre de 30% en 2 ans), l’armée de Terre va devoir dynamiser encore davantage sa politique d’aide au départ volontaire, en sélectionnant, en identifiant et en accompagnant plus qu’aujourd’hui les départs », a estimé le général Bosser. Mais ce dernier se veut prudent. « Pour être franc, a-t-il lancé aux sénateurs, je ne sais pas si nous parviendrons à atteindre les déflations qui nous sont imposées dans le temps imparti ». Il faudra donc jouer sur les flux d’avancement et de recrutement, lesquels ont un impact sur l’efficacité opérationnelle et le moral, déjà pas au beau fixe.

« Le constat d’un échec mettrait en évidence les limites atteintes par la logique de réduction des effectifs, à l’œuvre depuis 2008 », a prévenu le CEMAT, qui travaille sur un projet visant à changer le modèle de l’armée de Terre, avec une architecture plus lisible et une chaîne de commandement plus simple et verticale.

Un immense gaspillage de formation pour la Nation
Interrogé, à la fin de son audition, sur un éventuel retour de conscription, le général Bosser a répondu que celui-ci lui apparait « impossible ». « Il faudrait prévoir ce service pour les hommes et pour les femmes » et « en l’état de leur ressources, les armées ne disposent plus des capacités d’incorporer, instruire, héberger, habiller et nourrir toute une classe d’âge entière », a-t-il expliqué. En revanche, l’armée de Terre serait disposée à accueillir des jeunes dans le cadre d’une éventuelle extension, sous une forme militaire, du service civique volontaire, que le président Hollande souhaiterait rendre « universel ». Et cela d’autant plus que l’armée de Terre dispose « de l’expérience pratique et surtout des compétences pour transmettre des valeurs, former et instruire » ceux « qui ont besoin de retrouver des repères et qui veulent prendre un nouveau départ. »

Mais à l’occasion de cette réponse, le général Bosser a livré son sentiment sur les suppressions de postes à répétition dans les armées. « Pour ma part, je regrette que les déflations d’effectif nous conduisent à supprimer des postes et à nous séparer d’une force humaine qui pourraient être utilement mis au service de notre jeunesse, que ce soit pour leur emploi ou pour leur insertion, qui pourrait d’ailleurs être aussi une forme de pré-recrutement pour certains d’entre eux », a-t-il ainsi affirmé.

 

Retour

Source : Laurent LAGNEAU, Zone militaire (intertitres de l’ASAF)