LIBRE OPINION : L’Honneur d'un général… Mediapart, journalisme de délation

Par Richard LABEVIERE – « espritcorsaire »……
L’offensive a commencé l’année dernière dans le blog du Point 1 consacré à la défense. Le 7 février 2013, on peut y lire dans un papier visiblement inspiré : « Non seulement ce général de 60 ans passe pour un suppôt du conservatisme militaire, mais sa famille en est l'archétype. Son père, officier de cavalerie, le lieutenant-colonel Hubert Puga, commandait le 27e régiment de dragons et engagea celui-ci dans le putsch d'Alger en avril 1961. En avril 2010, les obsèques religieuses de ce père égaré furent célébrées à la paroisse catholique intégriste de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, à Paris. Dont le bulletin paroissial nous apprend que le premier vicaire et "aumônier des louvettes" n'est autre qu'un frère du général Puga, l'abbé Denis Puga. Ce même bulletin, Le Chardonnet, cite parfois les enfants de Benoît Puga. Ils sont onze et servent pour certains l'Église, pour d'autres la Grande Muette... Cette trajectoire, à mille lieues de la galaxie socialiste, a cependant croisé l'estime du président Hollande. Quel est donc le secret du général Puga ? »
La messe est dite et sera redite, presque mot pour mot par le site Mediapart, spécialisé dans le journalisme de délation. En date du 8 juillet dernier, Benoît Puga en prend pour son grade : « profil très droitier … homme secret et courtisan… appartenance à la mouvance catholique intégriste … homme de réseaux… s’appuyant sur un ‘clan’… abbé de cour très obséquieux… vision coloniale… obsession carriériste », etc, etc… Curieux papier sourcé à la manière de Fox News, la chaîne des néo-cons américains : on dit dans les dîners en ville… un des ses anciens adjoints… tous ceux qui l’ont côtoyé… un conseiller de l’Élysée… selon une de nos sources… selon un expert des questions de défense… Bref, il ne manque que Madame Michu et Monsieur Paul. Du très très grand journalisme d’investigation, ou plutôt du nouveau journalisme de délation qui n’a rien à envier aux nouveaux chiens de garde 2 qui veillent à la bonne morale du Capitalisme de la séduction 1 et sa piétaille bobologique toujours prompte aux indignations sélectives.
En définitive, que reproche-t-on à ce général, l’un des plus expérimentés et gradés de nos armées ? Certainement d’être catholique pratiquant et de, parfois, contrecarrer les prérogatives de quelques généraux civils de nos cabinets ministériels… Est-ce qu’être catholique pratiquant est devenu aujourd’hui en France un délit, une tare ou une faute de goût ? Est-ce qu’un officier général exerçant de hautes fonctions dans notre pays a le droit de ne pas afficher une allégeance, courtisane pour le coup, à telle ou telle école de pensée ?
Notre ancien ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, avait, lorsqu’il était aux affaires, fait preuve de pédagogie très salutaire en expliquant qu’il était tout à fait illusoire de qualifier une diplomatie « de droite ou de gauche ». On pensait que la leçon avait porté durablement et qu’elle s’appliquait aussi à la défense de notre pays, de ses ressortissants et de leurs intérêts… C’était sans compter avec les pulsions régressives des aboyeurs publics, avec la dégradation de la presse française et les obsessions de ses petits marquis. Car comment peut-on ainsi laisser livrer aux chiens l’honneur d’un général de France ? Malheureusement, cette dernière dérive semble n’être qu’un nouvel avatar de l’évolution de nos médias qui pratiquent désormais davantage le commerce d’influences que la rigueur de l’information.
Nous ne connaissons pas personnellement le général Benoît Puga dont l’intégrité n’a nul besoin de notre modeste appui. Nous l’avions interviewé le lendemain de sa nomination à la tête du COS (Commandement des opérations spéciales) pour la revue Défense, 4 entretien auquel on peut toujours se reporter ainsi qu’à d’autres références. 5 En définitive, en lisant la prose de Mediapart, on ne peut pas ne pas se demander qui juge qui ? Et songer à ce jugement de Friedrich Nietzsche : « si l’on considère comment tous les grands événements politiques, de nos jours encore se glissent de façon furtive et voilée sur la scène, comment ils sont recouverts par des épisodes insignifiants à côté desquels ils paraissent mesquins, comment ils ne montrent leurs effets en profondeur et ne font trembler le sol que longtemps après s’être produits, quelle signification peut-on accorder à la presse, telle qu’elle est maintenant, avec ce souffle qu’elle prodigue quotidiennement, à crier, à étourdir, à exciter, à effrayer ? Est-elle plus que la fausse alerte permanente qui détourne les oreilles et les sens dans la mauvaise direction ? » 6
1 Voir « Le militaire qui murmure à l'oreille de Hollande » in Le Point du 7.2.2013... « Poisson pilote. Le général Puga est l'inattendu chef d'état-major particulier du président » de Jean Guisnel.
2 Les Nouveaux Chiens de garde est un essai de Serge Halimi concernant les médias, paru en 1997 et actualisé en 2005, qui a connu un très fort succès de librairie (250 000 exemplaires) alors même que son auteur a réalisé une promotion très réduite puisqu'il n'a pas fait le moindre plateau télé. Le livre a été adapté au cinéma en France en janvier 2012.
3 Michel Clouscard : Le capitalisme de la séduction – Critique de la social-démocratie libertaire ; Éditions Delga, août 2013.
4 Défense, revue des auditeurs de l’IHEDN (Institut des hautes études de défense nationale), numéro 135 (Novembre-décembre 2009).
5 Voir Renseignement et intelligence… sans réserve : http://www.european-security.com/n_index.php?id=5855
6 Friedrich Nietzsche: Fragments posthumes. Voir Renseignement et Intello II (1878 – 1879). Éditions Gallimard, 1968.
Richard LABEVIERE