LIBRE OPINION : Lettre du Général Philippe MOUNIER à « Valeurs Actuelles »

Cher Valeurs Actuelles,
Je viens de lire, dans votre numéro du 10 juillet, le billet d’Eric Brunet intitulé « La réforme, c’est (presque) demain ». Je n’ai rien à redire sur le fond de l’article qui consiste à dire que toute réforme est difficile, voire impossible, dans la France contemporaine. Je souligne bien l’adjectif contemporain, car il est difficile d’affirmer qu’un pays qui a connu depuis 1789, au bas mot, treize régimes différents ne sait pas se réformer. J’ai analysé avec un intérêt certain la liste classique des empêcheurs de tourner en rond de la réforme. Mais, c’est avec une grande surprise, doublée d’un immense agacement, que j’ai trouvé les militaires dans cet inventaire à la Prévert, toutefois sans raton laveur. Rentré à Saint-Cyr en 1963 ayant quitté le service en 2000, en trente-sept ans, j’ai vécu six réformes toutes plus mirifiques les unes que les autres. Depuis 2000, il y en a déjà eu deux encore plus splendides. Ces réformes ont toutes eu comme objectif affiché de rendre l’armée française plus souple, plus féline, plus musclée, plus manœuvrière, plus intelligente. Bref, faire toujours mieux avec toujours moins, a toujours été un imparable slogan, encore affiché par le Livre Blanc 2013. Après la peau, la graisse, les muscles, les nerfs, les deux derniers gouvernements en sont arrivés à attaquer l’os, sans que la grande muette ne se manifeste. Alors, je trouve un peu culotté de ranger les militaires au rang des conservateurs au même titre que, je cite au hasard, les cheminots, les maires, les avocats ou les intermittents du spectacle. Le seul conservatisme dont on peut taxer les forces armées, c’est celui du silence.
Général Philippe MOUNIER