LIBRE OPINION : Syrie : l'ampleur de l'offensive russe inquiète les Occidentaux

Posté le dimanche 11 octobre 2015
LIBRE OPINION : Syrie : l'ampleur de l'offensive russe inquiète les Occidentaux

Les bombardements russes et le retour à l'offensive des troupes de Bachar el-Assad laissent les Occidentaux presque sans voix. L'Otan, qui n'est pas directement impliquée en Syrie, dénonce «une escalade militaire inquiétante». Mais ni les Américains ni les Européens n'ont avancé d'autre réplique que des assurances verbales données à l'allié turc et un engagement renouvelé en faveur d'un hypothétique règlement politique en Syrie.

Au lendemain de la spectaculaire attaque lancée depuis la mer Caspienne par une volée de missiles de croisière russes Kalibr, la nouvelle donne sur le théâtre syrien a dominé le rendez-vous régulier des 28 ministres de la Défense de l'Alliance atlantique. L'armée de Damas, longtemps réduite à la défensive, reprend l'initiative vers le Nord-Ouest. Le Kremlin ne cache plus son soutien militaire direct à un régime que l'Occident cherche à abattre depuis 2011.

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Aucun espoir de coordination des bombardements contre l'EI

À Bruxelles, c'est Ashton Carter, le secrétaire américain à la Défense, qui a déchiré le dernier doute sur la réalité de l'engagement russe. «Je m'attends à ce que, dans les prochains jours, la Russie commence à subir des pertes» humaines, avance-t-il. En clair, Moscou aurait également dépêché des troupes combattantes sur le sol syrien. La réaction de l'Alliance reste pourtant modeste. Les capitales de l'Otan, visiblement, s'inquiètent peut-être autant du renforcement naval russe en Méditerranée que de la mèche supplémentaire qui s'allume dans la poudrière du Proche-Orient. Mais en public, le secrétaire général Jens Stoltenberg s'est contenté de regretter que les bombardements décidés à Moscou «soutiennent le régime» de Damas et ciblent les rebelles soutenus par l'Ouest, autant que Daech, le véritable adversaire. «Ce n'est pas une contribution constructive à une solution pacifique et durable», dit-il. L'espoir ne serait donc pas tout à fait perdu de rallier la Russie à la perspective d'une Syrie sans Assad.

À huis clos, le ton est à la fois plus réaliste et plus grave. L'engagement de Vladimir Poutine aux côtés de Bachar el-Assad est une désillusion de plus. Il enterre tout espoir occidental de coordination des bombardements contre l'État islamique, attente entretenue jusqu'à ces derniers jours. Les violations répétées de la frontière turque par la chasse russe sont également décryptées comme une mise en garde menaçante: le Kremlin ne veut pas entendre parler de la «zone de sécurité» qu'Ankara, Washington et Paris envisagent d'instaurer au nord de la Syrie. «Les Russes nous font savoir qu'ils s'y considèrent désormais chez eux», lâche un diplomate.

«L'Otan est capable et prête à défendre tous ses alliés, y compris la Turquie, contre tout type de menaces» (Jens Stoltenberg, patron de l'Otan).

Concrètement, la seule réplique envisagée pour l'heure concerne non pas la Syrie, mais les mesures de «réassurance» qui pourraient être prodiguées à son voisin du nord. «L'Otan est capable et prête à défendre tous ses alliés, y compris la Turquie, contre tout type de menaces», affirme le patron de l'Alliance. Il n'exclut pas des déploiements de troupes. Mais il ajoute que l'armée turque, deuxième de l'Otan par le nombre, a parfaitement les moyens de se défendre seule.

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Ankara demande comme un gage le maintien au-delà de 2015 des batteries de missiles Patriot déployées par les États-Unis et par l'Allemagne qui, elle-même, prévoit de les désactiver la semaine prochaine. Ce ne sont pas des armes antiaériennes mais antimissiles, et leur valeur est avant tout politique. Si les tensions persistaient avec la Russie, d'autres options pourraient s'offrir: l'engagement d'avions de l'Otan dans la surveillance du ciel turc (comme elle le fait déjà dans les États baltes) ou, signal plus fort, l'envoie de batteries antiaériennes appropriées. Mais ce n'est visiblement pas à l'ordre du jour.

Un autre défi de taille est l'effet de surprise que Moscou vient une fois de plus d'infliger à l'alliance militaire, dix-huit mois après le coup de théâtre qu'a constitué l'annexion - d'abord déguisée - de la Crimée. Les tirs de missiles dernier cri Kalibr, à 1 500 km de distance et sans avertissement, en ont étonné plus d'un. Mais le véritable aveu d'impréparation est venu du côté britannique. Depuis la crise ukrainienne, il devient «de plus en plus difficile de discerner qui conseille, qui entraîne et qui se bat» dans les guerres «hybrides» téléguidées par le Kremlin, reconnaît le ministre britannique de la Défense, Michael Fallon. Ce sera le sujet imposé du prochain rendez-vous de l'Otan en décembre. 

Jean-Jacques MEVEL
Source : Le figaro

Source : Le figaro